Les études en médecine sont déjà suffisamment difficiles et les étudiants méritent d’être salués pour leur ténacité. Mais certains doivent travailler encore plus fort; c’est le cas de Jack Rudski, étudiant en quatrième année. Il est atteint d’albinisme oculocutané, ce qui signifie qu’en plus d’avoir la peau pâle, il a une basse vision. La vision de Jack Rudski varie selon son niveau de fatigue et l’éclairage, et a été évaluée à 20/200 lors de son dernier examen.
« Si je devais décrire ma vision je dirais que c’est comme comparer une vieille télévision avec une nouvelle télévision, ou de regarder du mauvais côté d’un télescope, explique l’étudiant. Je vois les grandes formes, mais pas les détails, à moins que je sois très proche ou que les choses soient vraiment agrandies. »
Comme ses yeux fonctionnent indépendamment, il ne perçoit pas la profondeur et il doit porter des lunettes fumées en raison de sa sensibilité à la lumière.
Les gens ont des idées préconçues sur la vision, affirme Jack. « Ils s’imaginent que soit on ne voit rien du tout, soit on voit parfaitement bien, mais il y a un très large spectre entre ces deux situations. »
Un soutien essentiel
Pour Jack Rudski, l’aide qu’il reçoit Ă l’UniversitĂ© est cruciale, et il affirme que le Bureau de soutien aux Ă©tudiants en situation de handicap de łÉČËVRĘÓƵ lui a « sauvĂ© la vie ». Durant ses Ă©tudes de premier cycle en biochimie, grâce au Bureau, il pouvait accĂ©der au matĂ©riel de cours immĂ©diatement après la classe, ou mĂŞme avant afin qu’il puisse suivre. Le texte de ses examens Ă©tait grossi Ă l’aide de la reconnaissance optique des caractères, et les symboles scientifiques complexes Ă©taient transcrits par des membres du personnel du mieux qu’ils pouvaient.
Dans le cadre de ses études en médecine, Jack utilise divers outils de grossissement et écoute parfois les enregistrements audio des manuels et des articles de recherche. « J’écoute beaucoup plus rapidement que je lis », explique-t-il. Et il retient l’information tout aussi bien de cette façon.
En raison de la distanciation physique et du port du masque obligatoires, faire un externat dans un hôpital durant une pandémie pose plusieurs problèmes. Jack reconnaît les gens par leurs grands traits, comme la forme de leur tête ou la couleur de leurs cheveux. « J’ai plus de difficulté à reconnaître les gens lorsqu’ils sont loin de moi à cause de la distanciation », indique-t-il. Il peut compter sur la voix des gens, mais pour cela il doit bien les connaître. De plus, avant la vaccination, on déconseillait aux étudiants de trop s’approcher des patients. « Cette recommandation compliquait un peu tout », confie-t-il.
Jack Rudski doit avouer que certains éléments de la médecine sont plus difficiles que d’autres. Certaines tâches techniques, comme pratiquer une suture, sont plus ardues. « Je dois encore y consacrer plus de temps », dit-il.
Mais Jack ne voit aucun obstacle professionnel. « Je connais mes limites; je ne deviendrai pas chirurgien. Je vise à faire quelque chose que je serai en mesure de réaliser, que ce soit en m’aidant de télescopes, de loupes ou de loupes électroniques spéciales. Je suis vraiment bien équipé. »
Une façon un peu différente de faire les choses
« Des gens ont déjà eu des préjugés à propos de mes compétences en général, sans nécessairement m’avoir vu à l’œuvre. Mais quand ils me voient travailler, ils réalisent que je réussis à accomplir des choses malgré mes limites. Ils voient que je dois travailler un peu différemment, mais que, malgré tout, je m’en sors bien et je trouve des astuces assez géniales. »
Jack Rudski souhaite se spécialiser en médecine interne, une branche qui s’intéresse aux maladies de l’adulte. Il aime la complexité. « C’est un peu de cette façon que j’appréhende le monde : je regarde les petits détails pour dresser ensuite le tableau d’ensemble. C’est comme lorsque je grossis les choses : je ne vois qu’une petite partie de l’image et je dois construire l’ensemble à partir de cela. »
« J’aime aussi passer du temps avec les patients pour leur parler. C’est l’une des choses qui donnent le plus de sens à ma journée : aller m’asseoir pour parler avec quelqu’un et aider cette personne à se sentir un peu mieux. »
La Dre Andrea Blotsky, la superviseure de Jack Rudski à l’unité d’enseignement clinique en médecine interne au Centre hospitalier de St. Mary, admire comment il « a su adapter son style d’apprentissage afin de se préparer à faire face aux obstacles qu’il pourrait rencontrer » et comment son formidable sens de l’humour fait ressortir le meilleur de ses pairs. « Jack est un étudiant en médecine exceptionnel qui se dévoue pour ses patients », ajoute-t-elle.
Selon Jack, c’est grâce à ses parents s’il persévère. Il a été diagnostiqué à quatre mois par un ophtalmologue qui a rapidement énuméré à ses parents (deux diplômés mcgillois) la liste des choses qu’il ne pourrait pas faire. Ceux-ci ont eu la sagesse de trouver sans délai un meilleur docteur qui leur a conseillé de laisser Jack explorer, car il est le mieux placé pour juger des choses, et de le soutenir. « Et c’est ce qu’ils ont fait. Ils m’ont toujours encouragé à ne pas abandonner », raconte Jack.
Des chances Ă©gales pour tous
À propos de l’aide qu’il reçoit du Bureau de soutien aux étudiants en situation de handicap, Jack Rudski n’a que de bons mots. Le Bureau pour lequel il ne tarit pas d’éloges est toujours prêt à aider des étudiants, indique sa directrice adjointe, Catherine Loiselle. Parmi les services offerts par le Bureau à près de 3 000 étudiants, mentionnons les accommodements pour les études, le soutien par les pairs, la technologie adaptée et les textes dans d’autres formats, comme le braille ou la conversion du texte en paroles (ou vice-versa). « Nous rencontrons toutes les personnes, même si elles n’ont pas encore eu de diagnostic. Nous pouvons les aider à se familiariser avec le système mcgillois ou les systèmes communautaires pour trouver du soutien. Nous sommes là pour la population mcgilloise. »
Le nombre d’étudiants qui vont chercher de l’aide augmente chaque année, car la sensibilisation aux handicaps et l’assistance offerte sont meilleures dans les écoles primaires et secondaires, affirme Catherine Loiselle. « Les accommodements sont très importants, puisque l’objectif est de mettre tout le monde sur un pied d’égalité et de donner à tous une chance de réussir. »
Parfois, les Ă©tudiants accèdent au soutien pour personne en situation de handicap seulement une fois qu’ils sont Ă łÉČËVRĘÓƵ. « Ils commencent Ă avoir confiance en eux lorsqu’ils comprennent comment leur cerveau fonctionne et comment ils apprennent, et qu’ils rĂ©alisent et acceptent que c’est tout Ă fait correct d’apprendre diffĂ©remment, explique Catherine Loiselle. Certains d’entre eux ont un parcours scolaire qui n’est pas linĂ©aire. »
Jack Rudski recommande aux étudiants en situation de handicap de s’informer et d’être proactifs. « Sachez ce dont vous aurez besoin ou ayez une idée de la direction que prennent vos besoins, et renseignez-vous sur l’aide qui est à votre disposition. Respectez toutes vos échéances et soyez organisés lorsque vous demandez des choses et que vous cherchez à qui vous adresser. Ne vous laissez pas décourager par une mauvaise passe. »