Une sonde portative infaillible en chirurgie du cancer
Des chercheurs canadiens inventent une sonde peropératoire pour détecter à coup sûr les cellules tumorales pour plusieurs types de cancers
Les patients atteints de formes de cancer répandues pourraient espérer vivre plus longtemps et diminuer leur risque de récidive grâce à une sonde spectroscopique optique multimodale mise au point par des chercheurs canadiens.
Des scientifiques de Polytechnique MontrĂ©al, du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’UniversitĂ© de MontrĂ©alĚý(CRCHUM), et de l’Institut et hĂ´pital neurologiques de MontrĂ©alĚý– Le NeuroĚý– de l’UniversitĂ© łÉČËVRĘÓƵ et du CUSM ont dĂ©veloppĂ©, enĚý2015, une sonde portative de spectroscopie Raman permettant aux chirurgiens de dĂ©tecter avec prĂ©cision presque toutes les cellules cancĂ©reuses en temps rĂ©el durant les opĂ©rations au cerveau.
Les chercheurs ont maintenant perfectionnĂ© cette invention et conçu un nouveau dispositif plus prĂ©cis, sensible et spĂ©cifique, apte Ă dĂ©tecter non seulement les cellules cancĂ©reuses du cerveau, mais Ă©galement les cellules cancĂ©reuses du cĂ´lon, de la peau et du poumon. Lors d’évaluations peropĂ©ratoires, la sonde spectroscopique optique multimodale a pu dĂ©tecter des cellules cancĂ©reuses de façon infaillible avec une sensibilitĂ© de 100Ěý%, c’est-Ă -dire que lorsqu’elle est pointĂ©e sur une rĂ©gion cancĂ©reuse, la sonde ne se trompe jamais.
Cette avancĂ©e dans la revue scientifique Cancer Research de l’American Association for Cancer Research est le fruit de la collaboration entre l’ingĂ©nieur FrĂ©dĂ©ricĚýLeblond et le neurochirurgien oncologue KevinĚýPetrecca.
« Minimiser le nombre de cellules cancĂ©reuses ou les Ă©liminer complètement durant une intervention chirurgicale est une partie essentielle du traitement du cancer. Or, dĂ©tecter les cellules cancĂ©reuses durant une opĂ©ration est difficileĚý», explique le DrĚýKevinĚýPetrecca, chef du Service de neurochirurgie, chercheur spĂ©cialiste du cancer du cerveau et titulaire de la Chaire William Feindel de recherche en neuro-oncologie au Neuro. «ĚýIl est souvent impossible de distinguer visuellement les cellules cancĂ©reuses des cellules normales du cerveau, d’oĂą la persistance frĂ©quente de cellules cancĂ©reuses invasives après l’opĂ©ration ainsi que la rĂ©currence du cancer et un pronostic moins bon. Minimiser de façon chirurgicale le nombre de cellules cancĂ©reuses amĂ©liore les rĂ©sultats pour les patients.Ěý»
« La sonde que nous avons conçue permet de dĂ©tecter presque 100Ěý% des cellules cancĂ©reuses dans le cerveau. Il s’agit d’une avancĂ©e très importanteĚý», dĂ©clare FrĂ©dĂ©ricĚýLeblond, professeur au DĂ©partement de gĂ©nie physique de Polytechnique MontrĂ©al et chercheur au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’UniversitĂ© de MontrĂ©alĚý(CRCHUM). «ĚýNous avons ĚýĂ©galement dĂ©montrĂ© que notre technologie est efficace pour traiter d’autres formes de cancers. Cela signifie que davantage de patients profiteront d’un meilleur diagnostic, d’un traitement plus efficace et de risques moindres de rechuteĚý», ajoute-t-il.
L’avantage majeur de ce système est qu’il permet au chirurgien de dĂ©tecter en temps rĂ©el, lors de la chirurgie, les cellules qui sont cancĂ©reuses, chose qui n’est pas aisĂ©e Ă dĂ©terminer Ă l’œil nu.Ěý
« Une technologie extrĂŞmement prĂ©cise est nĂ©cessaire puisque les chirurgiens utiliseront l’information recueillie pour dĂ©terminer si les tissus contiennent ou non des cellules cancĂ©reuses. Une caractĂ©ristique importante de cette sonde est sa très grande applicabilitĂ©. Nous avons dĂ©terminĂ© qu’elle peut dĂ©tecter de façon efficace plusieurs types de cancers, dont les cancers du cerveau, des seins, des poumons, du cĂ´lon et de la peauĚý», affirme le DrĚýPetrecca.
Une sonde qui combine plusieurs modalités technologiques
La sonde peropĂ©ratoire mise au point dans les laboratoires montrĂ©alais fait appel Ă la technologie de spectrographie Raman utilisĂ©e dans la sonde de première gĂ©nĂ©ration pour interprĂ©ter la composition molĂ©culaire du tissu organique sondĂ©. D’abord dĂ©veloppĂ©e enĚý2015 et testĂ©e dans le cadre de chirurgies sur plus de 80Ěýpatients, la sonde a depuis Ă©tĂ© perfectionnĂ©e par les chercheurs. La nouvelle version est multimodale, c’est-Ă -dire qu’elle intègre aussi la spectrographie par fluorescence intrinsèque pour l’interprĂ©tation de la composition mĂ©tabolique des cellules, ainsi que la spectrographie de rĂ©flexion diffuse pour l’analyse de l’absorption intrinsèque des tissus organiques des patients.Ěý
Lors d’essais chirurgicaux rĂ©cents chez 15Ěýautres patients, l’utilisation sĂ©quentielle de ces techniques spectrographiques Ă haute sensibilitĂ© intĂ©grĂ©es dans un capteur unique couplĂ© Ă un système de dĂ©tection, en combinaison avec des lasers stimulants, une camĂ©ra hautement sensible et un spectromètre, a donnĂ© des rĂ©sultats spectaculaires. Le chirurgien a en effet bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une imagerie molĂ©culaire offrant un niveau de prĂ©cision inĂ©dit, amĂ©liorant la sensibilitĂ© de dĂ©tection du cancer d’environ 10Ěý% si l’on compare avec celle offerte par la sonde de première gĂ©nĂ©ration.Ěý
Essais cliniques
La sonde de spectroscopie Raman de première génération fait présentement l’objet d’un essai randomisé contrôlé impliquant des patients atteints de gliomes. Cette étude sera la première au monde à démontrer les bénéfices cliniques de l’utilisation d’une sonde peropératoire lors de chirurgies du cerveau. Les résultats permettront d’établir le protocole d’un prochain essai clinique pour la sonde multimodale de seconde génération.
Le DrĚýPetrecca et le PrĚýLeblond ont crĂ©Ă©, en 2015, une entreprise (ODSĚýMedical) vouĂ©e Ă la Ěýcommercialisation de la sonde. Ils ont amorcĂ© le processus d’approbation formelle de la Food and Drug AdministrationĚý(FDA) en vue de transfĂ©rer la technologie dans les hĂ´pitaux d’ici quelques annĂ©es.Ěý
Ă€ propos de cette Ă©tude
L’étude « Highly accurate detection of cancer in situ with intraoperative, label-free, multimodal optical spectroscopy » a Ă©tĂ© publiĂ©e dans la revue Cancer Research de l’American Association for Cancer Research le 28ĚýjuinĚý2017. Ces travaux ont reçu le soutien du Fonds de recherche du QuĂ©bec - Nature et technologies, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en gĂ©nie du Canada, du Programme des projets de recherche concertĂ©e en santĂ© (IRSC et CRSNG), du Groupe de recherche en sciences et technologies biomĂ©dicales et de la Banque Nationale. Les auteurs sontĚý: MichaelĚýJermyn, JeanneĚýMercier, KellyĚýAubertin, JoannieĚýDesroches, KirkĚýUrmey, JasonĚýKaramchandiani, EricĚýMarple, Marie-ChristineĚýGuiot, FredericĚýLeblond, KevinĚýPetrecca.
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