Ne pas voir de forme, ne pas toucher de forme, mais entendre une forme?
Des chercheurs de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal – le Neuro, de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ ont découvert que notre cerveau peut déterminer la forme d’un objet simplement en traitant des sons codés spécialement, sans aucun apport visuel ou tactile. Cette nouvelle recherche nous éclaire sur la plasticité du cerveau et ses façons de percevoir le monde qui nous entoure, et ouvre d’importantes nouvelles possibilités pour aider les personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle.
La forme est une propriété inhérente aux objets qui existe sur les plans de la vision et du toucher, mais non du son. Des chercheurs du Neuro se sont demandé s’il était possible de représenter artificiellement la forme par le son? « Le fait qu’une propriété du son, comme la fréquence, puisse servir à communiquer de l’information sur la forme semble indiquer que tant que la relation spatiale est codée de façon systématique, la forme peut être préservée et rendue accessible – même si le moyen par lequel l’espace est codé n’est pas spatial dans sa nature concrète », explique Jung-Kyong Kim, étudiant au doctorat associé au laboratoire du professeur Robert Zatorre du Neuro, et chercheur principal de l’étude.
Autrement dit, tout comme nos cousins les dauphins qui recourent à l’écholocalisation pour explorer l’océan, notre cerveau peut apprendre à reconnaître des formes représentées par le son. L’espoir est que des personnes ayant une déficience visuelle apprennent cette aptitude. Dans l’étude, des participants voyants dont les yeux étaient bandés ont appris à reconnaître de l’information spatiale tactile au moyen de sons cartographiés à partir de formes abstraites. À la suite de cet apprentissage, les personnes pouvaient jumeler des éléments auditifs et des formes discernées tactilement et manifestaient de la généralisation pour de nouvelles associations auditives-tactiles ou son-toucher.
« Nous vivons dans un monde où nous percevons les objets en utilisant de l’information provenant de multiples éléments sensoriels », dit le Pr Zatorre, neuroscientifique au Neuro et codirecteur du Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son. « D’une part, cette façon de faire donne lieu à des percepts uniques propres à des sens, comme la couleur dans la vision ou le ton dans l’ouïe; d’autre part, notre système perceptuel peut intégrer de l’information présente dans différents sens et faire naître une représentation unifiée d’un objet. Nous pouvons percevoir un objet polysensoriel comme une seule entité, car nous pouvons discerner des attributs équivalents ou points communs dans différents sens. » Des études de neuro-imagerie ont identifié des régions du cerveau qui intègrent l’information provenant de différents sens – et qui combinent l’apport de tous les sens pour créer un portrait complet et d’ensemble.
Les résultats de l’étude du Neuro confortent l’hypothèse voulant que notre perception d’un objet ou d’un événement cohérent se produise fondamentalement à un niveau abstrait au-delà des modes d’apport sensoriel dans lesquels il est présenté. Cette recherche jette une nouvelle lumière importante sur la façon dont notre cerveau traite le monde et ouvre de nouvelles possibilités pour les personnes ayant une déficience sensorielle.
L’étude a été publiée dans la revue Experimental Brain Research. La recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.
 À propos de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal
L’Institut et hôpital neurologiques de Montréal — le Neuro, est un centre médical universitaire unique qui se consacre aux neurosciences. Le Neuro est un institut de recherche et de formation rattaché à l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ et se trouve au cÅ“ur de la mission en neurosciences que s’est donnée le Centre universitaire de santé ³ÉÈËVRÊÓƵ. Fondé en 1934, par le réputé Dr. Wilder Penfield, le Neuro est reconnu dans le monde entier pour la manière dont il intègre la recherche, des soins emplis de compassion aux patients et la formation de pointe, autant de facteurs sans lesquels la science et la médecine ne pourraient progresser. Ses chercheurs sont des chefs de file mondiaux dans les neurosciences cellulaires et moléculaires, en imagerie cérébrale, en neurosciences cognitives ainsi que dans l’étude et le traitement de l’épilepsie, de la sclérose en plaques et des troubles neuromusculaires. Dans son budget de 2007, le gouvernement fédéral a fait de l’Institut neurologique de Montréal un des sept centres d’excellence du Canada, ce qui a lui a permis d’obtenir 15 millions de dollars pour financer ses recherches et ses activités de commercialisation dans le domaine des maladies neurologiques et des neurosciences.