Une copie de sauvegarde pour votre cerveau
Des chercheurs de ³ÉÈËVRÊÓƵ découvrent comment les vieux souvenirs sont « restockés » et modifiés
Des chercheurs de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ ont découvert une série de mécanismes moléculaires qui régularisent la manière dont notre cerveau appelle, sauvegarde de nouveau, voire modifie nos vieux souvenirs. Appelé reconsolidation de la mémoire, ce processus change radicalement notre compréhension du fonctionnement de la mémoire. L’équipe de ³ÉÈËVRÊÓƵ dirigée par le Pr Karim Nader a découvert que des souvenirs puissants de peur ne subissent pas initialement une reconsolidation, mais que, avec le temps (environ un mois), même de tels souvenirs peuvent subir une reconsolidation. Qui plus est, les auteurs ont identifié certains des mécanismes cérébraux qui déterminent si un souvenir subira ou non une reconsolidation. Leurs résultats seront publiés dans la revue Nature Neuroscience le 21 juin.
« L’ancienne théorie voulait que, une fois qu’un souvenir est fixé dans votre cerveau, il demeure inchangé », a expliqué le Pr Nader, lauréat d’une Bourse de recherche William Dawson et d’une Bourse commémorative E. W. R. Steacie au Département de psychologie. « Mais notre découverte indique qu’une fois que réapparaît un souvenir, ce dernier ne demeure pas fixé dans votre cerveau; il s’en détache et doit être restocké de nouveau, c’est-à -dire qu’il doit subir une reconsolidation. »
Cette récente découverte s’appuie sur les recherches précédentes du Pr Nader, qui ont démontré qu’il était possible d’effacer chimiquement les souvenirs terrifiants chez les rats. Cette recherche a fait la lumière sur la neurobiologie de la mémoire en indiquant que la mémoire à long terme peut être déverrouillée, voire modifiée. Les découvertes du Pr Nader ont remis en question les perceptions traditionnelles sur les fondements nerveux de la mémoire.
Les plus récents résultats nous permettent d’approfondir notre compréhension de la base moléculaire grâce à laquelle le cerveau contrôle lesquels des souvenirs subissent ou non une reconsolidation. Le blocus de la reconsolidation a été proposé comme nouveau traitement éventuel pour les personnes souffrant de trouble psychologique, y compris ceux liés à des souvenirs incontrôlables et dérangeants, dont le trouble de stress post-traumatique. Les résultats de cette recherche indiquent que les thérapies du trouble de stress post-traumatique fondées sur la reconsolidation ne devraient pas être appliquées à des patients peu après l’événement déclencheur. Ceci est dû au fait que ces souvenirs extrêmement forts peuvent ne pas subir de reconsolidation pendant une longue période de temps, jusqu’à quelques mois après le traumatisme. À l’issue d’une collaboration antérieure avec une équipe dirigée par le Dr Roger Pitman, de l’Université Harvard, et par le Dr Alain Brunet, chercheur et psychiatre de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ et l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, on avait démontré que l’on pouvait recourir à la reconsolidation interrompue pour soulager les souffrances de patients aux prises avec un trouble de stress post-traumatique chronique. La thérapie comprend l’administration d’un médicament courant pour régler la tension artérielle, le propranolol, lorsque le patient relate un événement traumatisant. Étonnamment, la tendance de cette étude indique que les sujets ayant fait part des traumatismes les plus anciens ont le mieux répondu au traitement, ce qui signifie qu’ils ont présenté exactement les mêmes effets que ceux découverts par le groupe du Pr Nader.
« Ces découvertes sont très stimulantes, car bien que nous ayons toujours su que les souvenirs ne faisaient pas tous l’objet d’une reconsolidation, nous ne savions rien des mécanismes qui déterminent dans quelles circonstances un souvenir subit ou ne subit pas une reconsolidation. Ces découvertes laissent présumer qu’un principe neurobiologique contrôle ce processus. Il est essentiel de comprendre ces mécanismes révélateurs de ce qui doit se produire à un niveau neurobiologique pour activer ou désactiver la reconsolidation. Du point de vue clinique, cela revêt une grande importance, car en clinique, l’on souhaite pouvoir activer et désactiver la reconsolidation, si possible », a déclaré le Pr Nader.