Durant plus d’une décennie, Sophie Jodouin posait une énigme médicale. Ses crises d’épilepsie violentes et répétées ont dérouté tous les médecins qu’elle a consultés. En fin de compte, une équipe du Neuro a résolu le mystère il y a deux ans.
« Lorsque le Dr Andrea Bernasconi m’a appris la cause de mes maux, je lui ai répondu “Vous n’êtes pas sérieux”, d’évoquer Sophie, âgée de 35 ans, qui vit depuis toujours à Ottawa. Pendant des années, on m’a dit que j’étais un cas déconcertant. »
Ses tourments ont commencé à l’âge de 15 ans sur de premières crises tonico-cloniques au cours desquelles les muscles se raidissent avant de se crisper convulsivement.
« Mes parents étaient peu informés », de préciser Sophie. C’était une période stressante et éprouvante. »
Sophie a dû se plier aux ordres des médecins lui interdisant de demeurer seule dans sa baignoire ou de s’enfermer derrière des portes closes. Ses amis pouvaient dormir chez elle, mais la réciproque était interdite.
« Mon adolescence était contrôlée alors même que je voulais expérimenter différentes choses. Je n’ai pas eu droit à un permis de conduire. Les gens n’ont pas idée des répercussions qu’a l’épilepsie sur la personne qui en est atteinte et sur sa famille. »
Durant quelques années, les médicaments ont permis de maîtriser les convulsions qui ne se manifestaient qu’occasionnellement.
« Je me souviens d’une crise qui m’a réveillée au milieu de la nuit. Tout s’est obscurci durant quelques secondes et je me suis mise à hurler. »
Cela dit, Sophie est demeurée positive.
« J’étais prête à me battre. Je pouvais passer au travers. Comme je ne suis pas du genre à compter sur les autres, je n’ai jamais eu besoin d’un groupe de soutien. »
Sa sœur, de neuf ans son aînée, a adopté le rôle d’aidante.
« Elle est devenue une seconde mère très avisée. Elle a constaté la gravité de la situation. Nous n’étions pas vraiment près l’une de l’autre en raison de notre écart d’âge, mais, après qu’elle soit venue à ma rescousse à quelques occasions, nous nous sommes rapprochées. »
Sophie a fréquenté l’Université Carleton pour se rendre compte que la pression qu’engendraient les études était trop forte. Le stress compte parmi les facteurs déclencheurs des crises d’épilepsie.
« Au fil des ans, j’ai appris à intérioriser mon stress et à mieux composer avec lui et j’ai appris également à connaître les facteurs déclencheurs. Quand je me retrouvais dans une situation stressante, je ripostais en faisant quelque chose pour moi, plutôt que de me laisser obnubiler par le stress. »
Sophie a étudié les relations publiques à La Cité Collégiale, sise à Ottawa et plus grand collège d’arts appliqués et de technologie de langue française en Ontario. Après avoir passé quelques années au service d’Élections Canada, elle a commencé à travailler dans une entreprise locale de veille médiatique où elle devait œuvrer durant de longues journées qui commençaient très tôt le matin.
« C’est alors que je suis tombée très malade au point où j’ai subi des convulsions pendant 140 heures et que j’ai été hospitalisée durant 2 semaines. »
Sophie a quitté cet emploi pour « repartir de zéro », mais est demeurée sous l’emprise de crises d’épilepsie et de spasmes fréquents.
« J’ai subi des tests dans de nombreuses cliniques sans résultat. Quand un médecin a suggéré que je m’adresse au Neuro, j’étais très sceptique et sur le point de refuser. »
Au Neuro, Sophie a rencontré le Dr Martin Veilleux, chef du groupe Épilepsie clinique.
« Les allées et venues des médecins, qui venaient me parler et me tenir au courant de la situation, étaient phénoménales. »
Sophie a passé près de 3 semaines à l’unité de suivi des patients épileptiques où les sujets portent des électrodes qui transmettent en continu des données sur leur activité cérébrale électrique à un électroencéphalographe. Au besoin, les médecins provoquent des convulsions chez les patients pour obtenir davantage de données, intervention superflue dans le cas de Sophie qui a subi plus de 20 épisodes durant son séjour.
« Malgré tout, la cause demeurait inconnue, de sorte que le Dr Veilleux a recommandé l’intervention d’une équipe du Neuro. S’il y avait un groupe qui pouvait mettre le doigt sur cette cause, c’était bien celui-là. »
Le Dr Andrea Bernasconi a proposé un test d’imagerie 3D par résonance magnétique qui exigeait de demeurer immobile dans l’appareil. Il s’agissait d’une proposition intimidante pour quelqu’un enclin à subir des convulsions imprévues.
Quelques jours après avoir été soumise à la procédure d’imagerie, Sophie est invitée dans une salle de réunion où des médecins examinaient les résultats obtenus.
« Le Dr Veilleux m’a dit de ne pas me laisser intimider par tous les yeux fixés sur moi et que les médecins ne feraient que me poser des questions. Au fil de mes réponses, je les voyais hocher de la tête. Ils avaient trouvé quelque chose. J’ai tenté de me contenir. J’attendais ce moment depuis l’âge de 15 ans. »
La coupable était une malformation cérébrale minuscule subie au cours de la naissance.
« Ce fut ahurissant de découvrir qu’une si petite cause soit à l’origine de tant de maux! », d’évoquer Sophie, pensive.
Elle était si euphorique que, le lendemain, elle a réservé un bon accueil à la nouvelle que lui transmet Dr Jeffery Hall, neurochirurgien, selon laquelle il n’y avait qu’une mince chance que la chirurgie puisse corriger la malformation.
« Au moins, je connaissais la source du problème. »
Le type de chirurgie que le Dr Hall proposait, la thermocoagulation, était un nouveau traitement. Il souligna que le taux de réussite en prévention des convulsions était très faible et que l’intervention posait le risque d’endommager des parties saines du cerveau pour entraîner des pertes de fonctions cognitives ou physiques.
« J’ai donné mon accord en toute connaissance de cause », d’affirmer Sophie.
En mai 2018, le Dr Hall a réalisé l’intervention avec l’appui de la Dre Birgit Frauscher, neurologue, qui a provoqué quatre épisodes convulsifs pour cerner le foyer épileptogène de Sophie qui est demeurée éveillée et n’a ressenti aucune douleur. Elle a séjourné brièvement à l’hôpital, est retournée au travail après un mois. Une crise d’épilepsie s’est manifestée dix jours plus tard.
En août, après avoir constaté ce qu’était la vie sans convulsions, Sophie a demandé au Dr Hall de se livrer à une seconde intervention pour extraire entièrement la lésion. Le Dr Hall s’est rendu plus profondément dans le cerveau et a extrait toute la lésion. Cela dit, une complication a affecté le contrôle qu’exerçait Sophie sur sa jambe et son bras gauches.
« J’ai dû réapprendre à marcher, mais je me sentais vraiment bien », de témoigner Sophie, qui a suivi ensuite des traitements de physiothérapie à Ottawa. J’ai découvert un nouveau monde. Des années durant, j’avais quatre ou cinq épisodes convulsifs chaque nuit. Maintenant, je sais ce qu’est le sommeil! »
En décembre, Sophie a repris le travail graduellement. Malgré la physiothérapie, elle a toujours de la difficulté à marcher. Son mari l’a aidée au besoin.
« Il m’a tenu la main et, quand mes jambes se fatiguaient, il m’a aidée. Je le salue de demeurer aux côtés d’une personne qui a été hospitalisée si souvent. Si on m’avait dit que je ne pourrais plus jamais marcher, mais que je pourrais vivre une vie normale par ailleurs, j’aurais quand même opté pour l’opération. »
Sophie salue également l’expertise, la passion et le dévouement à son endroit du personnel du Neuro et de son équipe de chirurgiens.
« Sans eux, je n’aurais pas pu reprendre ma vie en main. »
Sophie consultera les médecins du Neuro pour déterminer ce qu’il est encore possible d’améliorer. Elle reste déterminée et optimiste.