Avez-vous dĂ©jĂ entendu parler des biofilms? Ce sont des pellicules visqueuses semblables Ă de la colle qui sont produites par des micro-organismes, comme les bactĂ©ries et les champignons, pour coloniser des surfaces. Ils peuvent se dĂ©velopper sur des tissus animaux et vĂ©gĂ©taux, et mĂŞme sur des dispositifs mĂ©dicaux Ă l’intĂ©rieur du corps humain comme des cathĂ©ters, des valves cardiaques ou des prothèses de hanches. Les biofilms protègent les micro-organismes contre le système immunitaire et augmentent leur rĂ©sistance aux antibiotiques. Il s’agit de l’une des plus importantes menaces pour les patients en milieux hospitaliers. Il y a cependant de bonnes nouvelles : des chercheurs de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© łÉČËVRĘÓƵ (IR‑CUSM) et The Hospital for Sick Children (SickKids) ont mis au point une nouvelle technologie utilisant des enzymes qui empĂŞche la formation des biofilms et peut mĂŞme les dĂ©truire. Â
Cette dĂ©couverte, qui a rĂ©cemment fait l’objet d’une publication dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), ouvre une avenue prometteuse pour l’élaboration de stratĂ©gies novatrices visant Ă traiter une panoplie de maladies et d’infections nosocomiales comme les pneumonies, les infections sanguines ou urinaires. Chaque annĂ©e en AmĂ©rique du Nord, les infections liĂ©es aux biofilms sont responsables de milliers de dĂ©cès. Les biofilms sont difficiles Ă Ă©radiquer parce qu’ils sĂ©crètent une matrice faite de molĂ©cules de sucre, qui forme un genre d’armure agissant comme une barrière physique et chimique, et empĂŞche les antibiotiques d’atteindre leurs cibles Ă l’intĂ©rieur du microbe.Â
« Nous avons utilisĂ© les armes des micro-organismes pathogènes contre eux pour attaquer et dĂ©truire les molĂ©cules de sucre qui assurent la cohĂ©sion des biofilms », explique l’un des chercheurs principaux de l’étude, le Dr Don Sheppard, directeur de la division des maladies infectieuses au CUSM et scientifique pour le Programme des maladies infectieuses et immunitĂ© en santĂ© mondiale Ă l’IR-CUSM. « Au lieu d’essayer de viser directement les micro-organismes en particulier, nous les rendons vulnĂ©rables en attaquant le biofilm qui les protège. En d’autres termes, nous dĂ©mantelons littĂ©ralement l’armure pour exposer les organismes. C’est une stratĂ©gie d’attaque totalement inĂ©dite. »Â
Ces travaux sont le résultat de quatre années de collaboration fructueuse entre l’équipe du Dr Sheppard et les scientifiques du laboratoire dirigé par la Dre P. Lynne Howell, chercheuse du Programme de recherche de médecine moléculaire au SickKids. Les deux groupes travaillent depuis de nombreuses années à combattre les biofilms, en s’intéressant tout particulièrement à deux des organismes les plus communs responsables des infections pulmonaires : une bactérie appelée Pseudomonas aeruginosa et un champignon appelé Aspergillus fumigatus. Traiter efficacement les infections causées par ces organismes chez les patients atteints de maladies pulmonaires chroniques, telle que la fibrose kystique représente un énorme défi en santé.
En Ă©tudiant le mĂ©canisme utilisĂ© par ces organismes pour fabriquer leurs biofilms, les chercheurs ont dĂ©couvert des enzymes qui coupent les molĂ©cules de sucre servant Ă former les biofilms. « Les micro-organismes utilisent ces enzymes pour dĂ©placer les molĂ©cules de sucre et les couper en morceaux dans le but de construire et de remodeler la matrice du biofilm », explique le Dr Sheppard, qui est aussi professeur aux dĂ©partements de mĂ©decine, de microbiologie et d’immunologie Ă l’UniversitĂ© łÉČËVRĘÓƵ. Les chercheurs ont trouvĂ© un moyen d’utiliser ces enzymes pour dĂ©grader l’« armure de sucre », exposant ainsi le micro-organisme pathogène aux antibiotiques et aux dĂ©fenses immunitaires de l’hĂ´te. Â
 « Nous avons transformé ces enzymes en une sorte de machine destructrice de biofilm que nous utilisons à l’extérieur du micro-organisme, là où se trouvent les molécules de sucre », explique l’auteur principal de l’étude Brendan Snarr, étudiant au doctorat au laboratoire du Dr Sheppard. « Ces  enzymes dévorent toutes les molécules de sucre qu’elles trouvent sur leur chemin et ne s’arrêtent pas tant que la matrice n’est pas détruite. »
« Les prĂ©cĂ©dentes tentatives pour s’attaquer aux biofilms n’ont eu qu’un succès limitĂ©, essentiellement en empĂŞchant la formation du biofilm, ajoute le Dr Sheppard.  Ce traitement d’enzymes est la toute première stratĂ©gie qui s’est montrĂ©e efficace pour Ă©radiquer les biofilms matures, et qui donne des rĂ©sultats avec des modèles de souris infectĂ©es. » Â
« Quand nous avons pris les enzymes des bactéries et que nous les avons appliquées aux champignons, nous avons découvert qu’elles agissaient de façon identique sur le biofilm du champignon, ce qui était surprenant! », affirme la Dre P. Lynne Howell, également une des chercheuses principales de l’étude et professeure au département de biochimie de l’Université de Toronto. « L’essentiel, c’est que cette approche pourrait être une avenue universelle pour mobiliser les propres systèmes de dégradation des biofilms des micro-organismes, et avoir de grandes retombées pour de nombreux micro-organismes, maladies et infections. »
« Plus de 70 % des infections nosocomiales sont associées aux biofilms et on manque tout simplement de moyen pour les traiter! » dit le Dr Sheppard. Selon les deux auteurs principaux de l’étude, le potentiel de ce nouveau traitement enzymatique est énorme et ils espèrent le commercialiser au cours des prochaines années.
Au sujet de l’étude
Les travaux de cette Ă©tudes ont Ă©tĂ© rendus possible grâce au soutien financier des Instituts de recherche en santĂ© du Canada (IRSC), Fibrose Kystique Canada, ainsi que par le (CRSNG),  le Fonds de recherche Quebec santĂ© (FRQS) et la Fondation SickKids.Â
Le Dr Howell et la Dre Sheppard sont Ă©galement des chercheurs un des RĂ©seaux de centres d'excellence du Canada qui a Ă©galement soutenu financièrement ces travaux.Â
Pour en savoir plus, DOI: PNAS
À propos de l’IR-CUSM
L’Institut de recherche du Centre universitaire de santĂ© łÉČËVRĘÓƵ (IR-CUSM) est un centre de recherche de rĂ©putation mondiale dans le domaine des sciences biomĂ©dicales et de la santĂ©. Établi Ă MontrĂ©al, au Canada, l’Institut, qui est affiliĂ© Ă la facultĂ© de mĂ©decine de l’UniversitĂ© łÉČËVRĘÓƵ, est l’organe de recherche du Centre universitaire de santĂ© łÉČËVRĘÓƵ (CUSM) – dont le mandat consiste Ă se concentrer sur les soins complexes au sein de sa communautĂ©. L’IR-CUSM compte plus de 460 chercheurs et près de 1 300 Ă©tudiants et stagiaires qui se consacrent Ă divers secteurs de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et de la recherche en santĂ© Ă©valuative aux sites Glen et Ă l’HĂ´pital gĂ©nĂ©ral de MontrĂ©al du CUSM. Ses installations de recherche offrent un environnement multidisciplinaire dynamique qui favorise la collaboration entre chercheurs et tire profit des dĂ©couvertes destinĂ©es Ă amĂ©liorer la santĂ© des patients tout au long de leur vie. L’IR-CUSM est soutenu en partie par le Fonds de recherche du QuĂ©bec – SantĂ© (FRQS). ircusm.ca
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Julie Robert
Affaires publiques et planification stratĂ©gique, Centre universitaire de santĂ© łÉČËVRĘÓƵ
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