Nombreux sont les opposants à l’immigration qui affirment que cette dernière contribue à l’augmentation de la criminalité. Mais est-ce réellement le cas? Des chercheurs ont étudié le cas d’un pays dont la proportion de migrants a triplé en moins de dix ans et ont constaté que l’immigration influence grandement la perception qu’ont les gens de la criminalité, sans pour autant avoir d’incidence réelle sur celle-ci.
DirigĂ©s par Nicolas Ajzenman, professeur d’économie Ă l’UniversitĂ© łÉČËVRĘÓƵ, les travaux rĂ©vèlent que si les populations migrantes ne causent pas de hausse de la criminalitĂ©, les prĂ©jugĂ©s persistent nĂ©anmoins.
« Beaucoup de gens semblent croire qu’il existe un lien entre la criminalité et l’immigration. Nous avons cherché à comprendre cet état de choses en étudiant le cas du Chili, pays qui a récemment été exposé à un afflux migratoire massif », explique Nicolas Ajzenman.
« Au Chili, les migrants représentaient près de 6,5 pour cent de la population en 2018. Au cours des dernières années, c’est non seulement la proportion, mais aussi la composition de la population migrante qui a complètement changé avec l’arrivée de gens du Venezuela et d’Haïti, une tendance qui s’observe également dans d’autres pays d’Amérique latine », précise-t-il.
Les préjugés sur la criminalité augmentent lors de vagues migratoires importantes
Les chercheurs ont constaté que les personnes davantage exposées aux vagues d’immigration citaient plus souvent la criminalité comme étant leur préoccupation première. En effet, elles ont davantage tendance à croire que la criminalité nuit à leur qualité de vie, et qu’elles seront bientôt victimes d’un acte criminel.
Pourtant, au cours des mois précédents, ces gens n’avaient pas été ciblés dans une plus grande proportion par des activités criminelles. Selon les auteurs de l’étude, le nombre d’homicides n’avait pas non plus augmenté de façon disproportionnée dans les municipalités où ces gens vivaient. En outre, les chercheurs ont constaté qu’en plus d’avoir des craintes, les gens avaient recours à des mesures concrètes, comme l’installation d’alarmes supplémentaires ou l’embauche de gardes de sécurité privés. Les auteurs avancent que les médias locaux pourraient jouer un rôle dans la propagation de ces perceptions erronées, puisque les craintes et les réactions liées à la criminalité sont plus marquées dans les régions possédant un nombre relativement élevé de stations locales.
Les craintes non fondées fluctuent en fonction de l’origine et du niveau de scolarité des personnes immigrantes
Les chercheurs ont tenté de savoir si la discrimination contre certains profils d’immigrants pouvait être à l’origine des craintes face à l’immigration. Fait intéressant, leurs travaux ont révélé que ces craintes visaient principalement les immigrantes et immigrants d’origine autre qu’européenne, ce qui donne à penser que les communautés immigrantes d’origine européenne bénéficient d’un statut différent de celui des autres communautés immigrantes. Les auteurs ont également constaté que les comportements adoptés en réaction à l’immigration, comme l’installation d’alarmes, semblaient plus fréquents lorsque les personnes immigrantes étaient moins scolarisées.
« L’immigration occupe une place de plus en plus importante dans le débat politique contemporain, et l’extrême droite ainsi que les groupes d’extrémistes partout dans le monde sont fortement alimentés par l’hostilité à l’égard des communautés immigrantes », fait valoir Nicolas Ajzenman.
« Selon nos recherches, les préoccupations des citoyens et des gouvernements quant à un éventuel lien entre l’immigration et la criminalité au Chili seraient non fondées, ce qui pourrait avoir d’importantes répercussions sur les politiques publiques. »
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L’article «  », par Nicolas Ajzenman, Patricio Dominguez et Raimundo Undurraga, est à paraître dans l’American Economic Journal.