Mystérieux sursauts radio d’origine cosmique : la source se précise
Pour la première fois, des astronomes ont repĂ©rĂ© la galaxie hĂ´te d’un sursaut radio rapideĚý(SRR). Les scientifiques disposent ainsi d’un Ă©lĂ©ment de plus pour dĂ©terminer la cause de ces ondes radioĂ©lectriques puissantes, mais fugaces. Ces impulsions de quelques millisecondes seulement intriguent les astrophysiciens depuis leur dĂ©couverte, il y a une dizaine d’annĂ©es.
«ĚýMaintenant, nous savons qu’au moins un de ces SRR provenait d’une galaxie naine situĂ©e Ă quelque trois milliards d’annĂ©es-lumière de la VoieĚýlactĂ©eĚý», affirme ShriharshĚýTendulkar, chercheur postdoctoral Ă l’UniversitĂ©ĚýłÉČËVRĘÓƵ. En compagnie de collègues astronomes, il a prĂ©sentĂ© ces donnĂ©es aujourd’hui, lors du congrès de l’American Astronomical Society qui se tient Ă Grapevine, au Texas. Les rĂ©sultats de ces travaux ont Ă©galement Ă©tĂ© publiĂ©s dans la revue Nature et ont fait l’objet d’articles connexes dans The Astrophysical Journal Letters.
Jusqu’à maintenant, les astronomes n’étaient mĂŞme pas arrivĂ©s Ă dĂ©terminer avec certitude si les SRR provenaient de la Voie lactĂ©e ou d’une autre galaxie. Or, bien qu’ils en ignorent toujours la cause exacte, ils savent aujourd’hui qu’une de ces puissantes impulsions Ă©manait d’une lointaine galaxie naine, ce qui, en soi, reprĂ©sente «Ěýun pas de gĂ©ant dans la comprĂ©hension de ces phĂ©nomènesĚý», se rĂ©jouit ShamiĚýChatterjee, de l’UniversitĂ©ĚýCornell, lui aussi membre de l’équipe internationale Ă l’origine de cette rĂ©cente dĂ©couverte.
Des sursauts à répétition
On a rĂ©pertoriĂ© Ă ce jour 18ĚýSRR. Tous ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s au moyen de radiotĂ©lescopes Ă une seule antenne ne permettant pas de situer la source des signaux avec assez de prĂ©cision pour que d’autres observatoires puissent cerner le milieu hĂ´te. Toutefois, un de ces SRR se distingue de tous les autresĚý: dĂ©couvert en novembreĚý2012 Ă l’observatoire d’Arecibo, Ă PortoĚýRico, il s’est rĂ©pĂ©tĂ© de nombreuses fois. Cette succession de sursauts a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e pour la première fois Ă la fin de 2015 par PaulĚýScholz, doctorant Ă l’UniversitĂ©ĚýłÉČËVRĘÓƵ.
Puisque l’objetĚý– baptisĂ© FRBĚý121102 en raison de la date du premier signal captĂ©Ěý– Ă©met des sursauts en sĂ©rie, les astronomes ont pu se livrer cette annĂ©e Ă une observation soutenue au moyen du rĂ©seau radiotĂ©lescopiqueĚýVLAĚýKarlĚýG.ĚýJansky (VLA pour very large array, très grand rĂ©seau) de la National Science FoundationĚý(NSF). ConstituĂ© de multiples antennes, ce rĂ©seau radiotĂ©lescopique possède un pouvoir de rĂ©solution suffisant pour permettre la localisation exacte d’un objet cĂ©leste. Au cours d’une campagne d’observation de 83Ěýheures rĂ©parties sur six mois et rĂ©alisĂ©e en 2016, le rĂ©seauĚýVLA a dĂ©tectĂ© neuf sursauts Ă©manant de FRBĚý121102.
Ă€ partir de la position exacte dĂ©finie Ă l’aide de ce rĂ©seauĚýradiotĂ©lescopique, M.ĚýTendulkar et d’autres chercheurs ont obtenu, au moyen du tĂ©lescope GeminiĚýNorth situĂ© Ă Hawaii, une image rĂ©vĂ©lant la prĂ©sence d’une galaxie naine de faible luminositĂ© lĂ oĂą se produisent les SRR. De plus, grâce aux donnĂ©es spectroscopiques provenant du tĂ©lescope Gemini, les chercheurs ont pu Ă©valuer Ă plus de trois milliards d’annĂ©es-lumière la distance sĂ©parant la Terre de cette galaxie naine.
Une humble et modeste galaxie hĂ´te
«ĚýLes SRR captĂ©s proviennent, semble-t-il, d’une humble et modeste galaxie dont la masse Ă©quivaut Ă moins deĚý1ĚýpourĚý100 de la masse de notre Voie lactĂ©eĚý», prĂ©cise ShriharshĚýTendulkar. «ĚýCela a de quoi Ă©tonner. On s’attend normalement Ă ce que les SRR proviennent de vastes galaxies, soit celles qui possèdent le plus d’étoiles et d’étoiles Ă neutrons, ces rĂ©sidus d’étoiles massives. Cette galaxie naine est moins riche en Ă©toiles, mais ces dernières s’y forment rapidement, ce qui pourrait indiquer que les SRR Ă©manent de jeunes Ă©toiles Ă neutrons. Les galaxies naines sont le théâtre de deux autres types de phĂ©nomènes extrĂŞmes frĂ©quentsĚý: les sursauts gamma de longue durĂ©e et les supernovæ super lumineuses. La prĂ©sente dĂ©couverte pourrait laisser entrevoir un lien entre les SRR et ces deux types d’évĂ©nements.Ěý»
Outre les signaux lumineux en provenance de FRBĚý121102, le rĂ©seauĚýVLA a dĂ©tectĂ©, dans la mĂŞme rĂ©gion, une source constante et persistante d’ondes radio plus faibles.
Afin de situer l’objet avec une prĂ©cision encore plus grande, une Ă©quipe d’observateurs a eu recours aux multiples radiotĂ©lescopes des rĂ©seaux interfĂ©romĂ©triques Ă très longue base europĂ©en (EVN) et amĂ©ricain (rĂ©seau VLBA de la NSF) ainsi qu’au tĂ©lescope WilliamĚýE.ĚýGordon de l’observatoire d’Arecibo, faisant 1Ěý000Ěýpieds de diamètre.
«ĚýCes observations d’une extrĂŞme prĂ©cision ont rĂ©vĂ©lĂ© que la distance entre les sursauts et la source persistante Ă©tait probablement d’au plus 100ĚýannĂ©es-lumièreĚý», souligne JasonĚýHessels, de l’Institut nĂ©erlandais de radioastronomie et de l’UniversitĂ© d’Amsterdam.
«ĚýĂ€ notre avis, soit les sursauts et la source d’émission continue sont un seul et mĂŞme objet, soit il existe entre les deux une sorte de lien physiqueĚý», explique BenitoĚýMarcote, du Joint Institute for VLBI ERIC (JIVE), situĂ© Ă Dwingeloo, aux Pays-Bas.
Le radiotélescope CHIME à la rescousse
Selon les astronomes, les sources les plus probables des SRR sont soit une jeune Ă©toile Ă neutronsĚý– possiblement un magnĂ©tar dotĂ© d’un champ magnĂ©tique hyper puissantĚý– entourĂ©e de matĂ©riel Ă©jectĂ© lors de l’explosion d’une supernova ou de matĂ©riel Ă©jectĂ© par un pulsar issu de l’explosion, soit un trou noir supermassif actif de la galaxie, les ondes radio provenant de jets de matĂ©riel issus du voisinage du trou noir.
«ĚýLe mystère des SRR est loin d’être Ă©lucidĂ©Ěý», reconnaĂ®t VictoriaĚýKaspi, professeure de physique Ă łÉČËVRĘÓƵ et Ă©minente scientifique membre de l’équipe internationale ayant menĂ© ces nouvelles Ă©tudes. «ĚýToutefois, nous venons de faire un grand pas en avant en repĂ©rant la galaxie hĂ´te de cette succession de signaux.Ěý»
Le radiotĂ©lescope interfĂ©romĂ©trique CHIME (Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment, expĂ©rience canadienne de cartographie de l’hydrogène), installĂ© en Colombie-Britannique, pourrait nous fournir les rĂ©ponses qui nous manquent, poursuit la PreĚýKaspi. En balayant la moitiĂ© de la voĂ»te cĂ©leste chaque jour, CHIME pourrait dĂ©celer quotidiennement des dizaines de SRR, prĂ©cise-t-elle. «ĚýLorsque nous comprendrons l’origine de ce phĂ©nomène, nous aurons en main une sonde novatrice et fort utile pour scruter l’Univers.Ěý»
Cette étude a été financée en partie par le Conseil national de recherches du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, l’Institut canadien de recherches avancées, la Chaire d’astrophysique et de cosmologie Lorne Trottier, le European Research Council et la National Science Foundation des États-Unis.
Tendulkar, S. P., et al. 2017, ApJL, 834, L7. Ěý
Marcote, B., et al. 2017, ApJL, 834, L8.Ěý
Chatterjee, S. et al. 2017, Nature.
PHOTO: łÉČËVRĘÓƵ postdoctoral researcher Shriharsh Tendulkar at AAS press conference (Gemini Observatory/AURA/NSF/NRC | Peter Michaud)