³ÉÈËVRÊÓƵ

L’apprentissage de l’anglais, un droit fondamental

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L’apprentissage de l’anglais ouvre une porte sur la culture canadienne riche d’avantages. Les nouveaux arrivants au Canada peuvent entrer sur le marché du travail, étudier à l’université et enrichir leur vie sociale. Qui devrait être privé d’autant de bienfaits? Je suis d’avis que l’apprentissage de l’anglais est un droit de la personne.

Quel que soit notre pays de résidence, les changements démographiques survenus sur le globe sont indéniables. Ces changements, qui ont inévitablement influencé nos sociétés, se manifestent également dans les salles de classe : le monde de l’éducation – particulièrement aux adultes – a radicalement changé au cours des 25 dernières années, tout comme notre compréhension de celui-ci.

Mes 21 ans d’expérience comme professeure d’anglais au Canada m’ont convaincue que l’éducation est un droit fondamental. Mais pour les nouveaux arrivants (dont beaucoup sont déjà hautement scolarisés), l’apprentissage de l’anglais, c’est encore plus : c’est un aspect essentiel de leur intégration à la culture canadienne, qui leur est souvent complètement étrangère. Au cours des deux dernières décennies, j’ai enseigné à des élèves d’âges variés – de 17 à 75 ans. J’ai aussi eu la chance d’apprendre à connaître des gens des quatre coins de la planète, notamment l’Amérique latine, l’Afrique occidentale et du Nord, le Moyen-Orient, l’Europe de l’Est et l’Asie.

Le Québec d’aujourd’hui est une province majoritairement francophone. La langue maternelle la plus fréquente est le français, et l’anglais est généralement enseigné à l’école. Au sein du Canada, nous sommes une « société distincte ». Ce n’est pas un problème pour mes étudiants africains; mais pour les autres, c’est parfois tout un défi. Comment les nouveaux arrivants, qui ne parlent ni français ni anglais, peuvent-ils participer pleinement à la société? Comment peuvent-ils obtenir des emplois dans leur domaine s’ils ne sont à l’aise dans aucune des deux langues officielles du Canada, et n’ont aucune expérience de travail au pays?

En tant qu’enseignante aux adultes, je me fais un devoir de définir les valeurs culturelles québécoises pour aider mes élèves à comprendre la société dans laquelle ils vivent. L’apprentissage d’une langue, quelle qu’elle soit, exige une compréhension de la culture dont elle est issue. Les expressions et autres idiomes aident à saisir l’humour et l’étymologie de la langue, qui à leur tour ouvrent une fenêtre sur la culture. Je cherche également à créer un milieu d’apprentissage positif et stimulant. Dans un article intitulé « Paulo Freire and Pedagogy For Social Justice », qui explore les travaux du philosophe et pédagogue brésilien éponyme, Rich Gibson tente de résumer l’objectif de l’éducation aux adultes selon Paulo Freire. Il conclut que le Brésilien a choisi d’enseigner à ses élèves une approche axée sur la résolution de problèmes pour les aider à développer leur pensée critique dans leur nouvelle langue. La tâche peut s’avérer très aisée, ou au contraire particulièrement ardue, selon le passé culturel et la situation socioéconomique des apprenants dans leur pays d’origine. Dans son livre sur les systèmes de valeurs culturelles en Afrique publié en 1955, Cultural Anthropology, M. J. Herskovits décrit la culture comme un modèle d’intégration des connaissances, des croyances et des comportements humains. Depuis, la notion de compréhension de la culture a évolué, particulièrement en Amérique du Nord. On parle maintenant de culture à contexte riche et à contexte pauvre, de culture populaire, de culture organisationnelle et même de sous-culture.

En tant qu’enseignant aux adultes, par où commencer?

Par la définition d’Horace Kallen, un philosophe américain d’origine allemande, qui avance que le pluralisme culturel se fonde sur différents groupes coexistant démocratiquement et paisiblement. Dans ma classe, j’utilise le terme « sensibilité culturelle ». Souvent, je demande à mes élèves d’observer leur environnement et les gens qui les entourent – en route vers l’école, au parc, dans le métro, etc. – et de se poser les questions suivantes :

  • Qu’est-ce qui semble populaire dans cette « nouvelle » société?
  • Quels comportements sont jugés acceptables ou inacceptables?
  • Quelles sont les croyances religieuses, familiales, financières, etc.?
  • Quelles sont les règles de bienséance, au restaurant ou dans les cafés par exemple?


Les Nord-Américains adorent le café; au Canada, tous connaissent le Tim Hortons. On n’y va pas que pour donner rendez-vous à nos amis; on peut aussi y organiser des rencontres officielles et informelles. Le problème survient lorsque les valeurs, les comportements, les croyances et les façons de faire des élèves sont différents des nôtres. Faut-il exiger l’adaptation? Faire preuve d’une empathie débordante? Idéalement, les enseignants aux adultes doivent trouver le juste équilibre entre la culture (et la formation) d’origine et la pédagogie canadienne. Il suffit d’intégrer les expériences personnelles des élèves au processus d’apprentissage, ce qui favorisera leur autonomisation.

L’apprentissage d’une langue n’est pas qu’une question de structure grammaticale et de prononciation. C’est aussi la découverte d’éléments sous-jacents, soit la mentalité de la langue dans une société donnée. Par exemple, l’expérience des nouveaux arrivants sera différente au Québec et en Colombie-Britannique, deux provinces qui ont chacune leur sous-culture. Les Québécois ont leurs propres comportements – des modèles culturels naturellement compris par les habitants. Les formules de salutation peuvent varier d’une province à l’autre, même si la langue utilisée est la même. Les étudiants peuvent s’en rendre compte par eux-mêmes lors des sorties (activités parascolaires) comme le patinage sur glace et la cueillette de pommes, qui enrichissent le processus d’apprentissage. Les élèves ont l’occasion de découvrir l’histoire de leur ville et de découvrir les influences culturelles du passé. Ça n’a pas de prix.

Pourquoi priver qui que ce soit de ces expériences et de leurs avantages?

Au Canada, l’apprentissage de l’anglais est un droit fondamental. Et pour parler couramment une langue, il ne suffit pas d’en comprendre les mots : le mode d’expression revêt également une importance critique. Comprendre les innombrables nuances de la langue peut demander du temps. Mais surtout, chaque fois que les élèves travaillent en équipe (ce qui est courant en Amérique du Nord), ils apprennent à coexister en harmonie et découvrent des modes de communication qui leur étaient peut-être jusqu’alors étrangers.

La langue est en constante évolution, et tous les membres de la société doivent s’y adapter; pour ce faire, ils doivent d’abord comprendre la culture qui la sous-tend. Vivre dans une société multiculturelle n’est pas toujours facile, mais c’est aussi très gratifiant. Au bout du compte, nous avons tous (en tant que collectivité) la responsabilité morale de contribuer ensemble à l’évolution de la culture, tout en parlant la même langue.

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About Anna Panunto

Titulaire d’un baccalauréat en arts et d’une maîtrise en sciences de l’éducation de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ, elle enseigne aux adultes à la Commission scolaire English-Montréal et à l’École d’éducation permanente de ³ÉÈËVRÊÓƵ depuis 20 ans. Également rédactrice pigiste, elle a publié des recueils de poésie, des nouvelles et des articles, et elle parle trois langues : anglais, français et italien.

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