Percer les mystères de la coquille d’œuf
Comment les Ĺ“ufs de poules peuvent-ils ĂŞtre rĂ©sistants aux chocs extĂ©rieurs tout en Ă©tant suffisamment cassants de l’intĂ©rieur pour permettre l’éclosion du poussin? Selon une nouvelle Ă©tude menĂ©e par des scientifiques de l’UniversitĂ©ĚýłÉČËVRĘÓƵ, tout est dans la nanostructure de la coquille.
Cette dĂ©couverte, publiĂ©e aujourd’hui dans la revue ScienceĚýAdvances, pourrait avoir d’importantes retombĂ©es en matière de sĂ©curitĂ© alimentaire au sein de ±ô’a˛µ°ů´Ç-ľ±˛Ô»ĺłÜ˛őłŮ°ůľ±±đ.
Les oiseaux ont bénéficié de millions d’années d’évolution pour fabriquer une coquille d’œuf parfaite, soit une chambre protectrice formée d’une fine membrane biominéralisée protégeant la croissance embryonnaire et contenant les nutriments nécessaires au développement du poussin. La coquille, ni trop fragile, ni trop solide, est capable de résister à la cassure jusqu’au moment de l’éclosion.
Mais qu’est-ce qui procure à la coquille des œufs d’oiseaux ses propriétés uniques?
Pour tenter de le dĂ©couvrir, l’équipe de recherche de MarcĚýMcKee, professeur Ă la FacultĂ© de mĂ©decine dentaire de l’UniversitĂ©ĚýłÉČËVRĘÓƵ, en collaboration avec le groupe de RichardĚýChromik, du DĂ©partement de gĂ©nie, et d’autres collègues, a utilisĂ© de nouvelles techniques de prĂ©paration d’échantillons pour exposer l’intĂ©rieur de la coquille d’œuf afin d’en Ă©tudier la nanostructure molĂ©culaire et les propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques.
«ĚýLes coquilles d’œuf sont reconnues pour ĂŞtre difficiles Ă Ă©tudier Ă l’aide des techniques habituelles, car elles ont tendance Ă briser facilement lorsqu’on tente d’en obtenir une fine tranche Ă examiner au microscope Ă©lectroniqueĚý», mentionne MarcĚýMcKee, qui est Ă©galement professeur au DĂ©partement d’anatomie et de biologie cellulaire de l’UniversitĂ©ĚýłÉČËVRĘÓƵ. «ĚýGrâce Ă un nouvel appareil qui sectionne avec prĂ©cision l’échantillon Ă l’aide d’un faisceau d’ions focalisĂ©s rĂ©cemment acquis par le Laboratoire de microscopie Ă©lectronique de łÉČËVRĘÓƵ, nous avons Ă©tĂ© en mesure d’obtenir une tranche fine d’une coquille d’œuf et ainsi d’en observer la structure interne.Ěý»
Les coquilles d’œuf sont composĂ©es de matières organiques et inorganiques, soit une forte concentration de protĂ©ines et des minĂ©raux contenant du calcium. DimitraĚýAthanasiadou, Ă©tudiante aux cycles supĂ©rieurs et auteure principale de l’étude, a dĂ©couvert que la soliditĂ© de la coquille repose notamment sur la prĂ©sence d’un minĂ©ral nanostructurĂ© associĂ© Ă de l’ostĂ©opontine, une protĂ©ine rĂ©gulatrice de la minĂ©ralisation qu’on trouve Ă©galement dans des matĂ©riaux biologiques composites tels que l’os.
Aperçu de la biologie de l’œuf
Les résultats de l’étude nous éclairent également sur la biologie et le développement des embryons de poulet dans des œufs fécondés, puis incubés. Au moment de la ponte et de la couvaison, l’œuf est suffisamment solide pour résister à la cassure. Au fur et à mesure qu’il croît à l’intérieur de l’œuf, l’embryon de poulet a besoin de calcium pour la formation de ses os. Durant la période d’incubation, la surface interne de la coquille se dissout pour approvisionner l’embryon en cet ion minéral, ce qui, du même coup, a pour effet d’affaiblir suffisamment la coquille pour permettre au poussin de la briser lors de l’éclosion. À l’aide de la microscopie à force atomique et de techniques d’imagerie électronique et radiographique, l’équipe de collaborateurs du professeur McKee a découvert que cette relation bifonctionnelle est tributaire d’infimes modifications de la nanostructure de la coquille qui surviennent au cours de l’incubation.
Dans le cadre d’études parallèles, les chercheurs sont parvenus à reproduire une nanostructure semblable à celle qu’ils avaient découverte dans la coquille d’œuf, par l’ajout d’ostéopontine à des cristaux minéraux obtenus en laboratoire. Le professeur McKee croit qu’une meilleure compréhension du rôle des protéines dans les mécanismes de calcification qui contribuent au durcissement et à la solidité de la coquille d’œuf pourrait avoir d’importantes retombées en matière de sécurité alimentaire.
«ĚýDe dix Ă vingt pour cent des Ĺ“ufs de poules se fendent ou se brisent, ce qui accroĂ®t le risque de salmonelloseĚý», affirme le professeurĚýMcKee. «ĚýLa comprĂ©hension du mĂ©canisme par lequel la nanostructure minĂ©rale contribue Ă solidifier la coquille nous permettra d’isoler les traits gĂ©nĂ©tiques chez les poules pondeuses qui ont tendance Ă produire des Ĺ“ufs plus rĂ©sistants et ainsi de renforcer la sĂ©curitĂ© alimentaire.Ěý»
Ces travaux ont été principalement financés par des subventions du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et par les Instituts de recherche en santé du Canada.
L’article «ĚýNanostructure, Osteopontin and Mechanical Properties of Avian Calcitic EggshellĚý», par D.ĚýAthanasiadou etĚýcoll., a Ă©tĂ© publiĂ© dans la revue ScienceĚýAdvances.
Pour rejoindre le chercheur: marc.mckee [at] mcgill.ca
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