Ressentir le confinement jusque dans l'intestin
Selon une nouvelle étude menée par des scientifiques de l'Université ³ÉÈËVRÊÓƵ et de l'Université de Montréal, des changements significatifs dans le microbiome intestinal des membres de l'équipe qui ont pris part à l'expérience spatiale simulée Mars 500 ont été observés après 520 jours de confinement.
Dans l’étude publié dans le Computational and Structural Biotechnology Journal, les chercheurs ont analysé les données provenant des échantillons fécaux des six participants originaires de Russie, d'Europe et de Chine.
L'équipe a vécu dans un habitat complètement étanche à Moscou de juin 2010 à novembre 2011 pour simuler une mission habitée vers Mars, que les agences spatiales internationales espèrent réaliser dans les années 2030. Ce confinement a été le plus long jamais vécu par des humains dans des conditions contrôlées.
L'objectif était de tester les effets que peut avoir une vie coupée du monde sur la santé physiologique et psychologique. Les six membres de l'équipe ont quitté leur milieu confiné avec des altérations majeures de leur masse corporelle et de leur force musculaire entre autres, comme l'avaient montré de précédentes études.
La découverte des changements du microbiome représente un chaînon manquant entre ces symptômes et permet aux scientifiques de mieux comprendre la capacité des astronautes à travailler et à se rétablir après un vol spatial de longue durée, ainsi que la manière dont les humains interagissent généralement avec leur habitat.
Perturbations majeures du métabolisme
En plus d’avoir subi d'importantes pertes de poids et de force musculaire, les membres de l'équipe de Mars 500 ont présenté, après leur sortie du confinement, des perturbations majeures prédiabétiques du métabolisme du glucose, un symptôme souvent observé après un vol spatial prolongé.
Dans leur étude, les chercheurs ont utilisé une technologie génomique nouvellement créée pour repérer plusieurs modifications du microbiome de l'équipe, notamment des pertes de bactéries intestinales bénéfiques qui dégradent normalement l'amidon résistant, améliorent l'absorption des nutriments et préviennent l'inflammation intestinale.
L'analyse a également révélé qu'un long confinement semblait augmenter un nombre de bactéries intestinales découvertes récemment chez l'humain et dont l'importance pour la santé n'est pas encore bien comprise.
«Nous devons faire attention à ne pas supposer une relation de cause à effet entre les changements du microbiome intestinal et la perturbation du métabolisme de l'équipe», a déclaré le biologiste de l'Université de Montréal Nicholas Brereton, auteur principal de l'étude et chercheur à l'Institut de recherche en biologie végétale.
Une étape importante
«Mais la réduction marquée de ces bactéries intestinales particulières va parfaitement de pair avec les symptômes relevés et la détection des changements significatifs du microbiome est une étape importante pour préserver la santé des astronautes», a dit M. Brereton.
Son collègue et coauteur Frédéric Pitre, biologiste à l'UdeM, ajoute: «Ce qui nous intrigue, c'est l'augmentation significative d'espèces microbiennes spécifiques inconnues qui ont été observées dans d'autres études récentes où l’on a employé des technologies métagénomiques avancées, mais qui restent encore un peu mystérieuses.»
La détérioration de la santé musculosquelettique et métabolique des astronautes est reconnue comme un facteur de risque majeur lors des vols spatiaux et l'on s'attend à ce que cet effet soit amplifié au cours de missions de plus longue durée, comme celles vers Mars.
Pour leur étude, Nicholas Brereton et ses collègues ont mis au point des techniques de génomique à haute résolution pour identifier et quantifier avec précision les espèces du microbiome intestinal et ont finalement découvert que plus de 200 étaient partagées par les participants de l’expérience.
Communs à tous les individus
«Des parties substantielles du microbiome humain sont uniques à chaque individu, comme dans tout autre écosystème, mais il existe également des bactéries intestinales communes à tous les individus et importantes», a indiqué Emmanuel Gonzalez, spécialiste en métagénomique à l'Initiative interdisciplinaire sur les infections et l'immunité de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ.
L’auteur principal de l'étude, qui est également associé au Centre canadien de génomique computationnelle du même établissement, a mentionné que «l'évaluation du microbiome à très haute résolution nous a permis de mettre en lumière ces changements importants qui touchaient tous les participants de Mars 500 et qui n'avaient pas été vus auparavant».
«Une autre comparaison intéressante, a-t-il poursuivi, a été faite entre les bactéries intestinales des membres de l'équipe et celles des surfaces de leur habitat scellé, ce qui permet d’envisager dans quelle mesure les microbiomes humains et environnementaux pourraient interagir comme une sorte de dialogue entre les écosystèmes.»
³¢'é³Ù³Ü»å±ð L’article « » par Nicholas Brereton, Frédéric Pitre et Emmanuel Gonzalez, a été publié dans le Computational and Structural Biotechnology Journal. L’étude a été financée par l’Agence spatiale canadienne et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. |
L’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ
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