Vaste dégradation du pergélisol dans le Haut-Arctique
Les hausses des températures estivales observées dans les déserts polaires du Haut-Arctique canadien entraînent des changements rapides dans le sol.
Une étude de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ publiée récemment dans la revue présente les résultats de quelque 30 années de cartographie et de relevés aériens de vastes étendues des basses terres du détroit d’Eureka, bordant les îles d’Ellesmere et Axel Heiberg, à une latitude d’environ 80° nord. La recherche porte sur une caractéristique terrestre particulière : le décrochement de fonte régressif, qui se forme lorsque la glace contenue dans le pergélisol fond, provoquant ainsi une dépression du sol en forme de fer à cheval. Si ce phénomène est bien documenté dans le Bas-Arctique, on croyait que le sol du Haut-Arctique, lui, était stable, en raison du climat extrêmement froid des déserts polaires (où la température moyenne annuelle du sol et de l’air est de - 16,5 °C/2,3 °F et de - 19,7 °C /- 3,46 °F, respectivement) et de l’immense épaisseur du pergélisol, qui atteint plus de 500 mètres (environ 0,3 miles). Or, l’équipe de chercheurs de ³ÉÈËVRÊÓƵ a découvert que la situation est tout autre.
« Notre étude révèle que le réchauffement climatique touchant le Haut-Arctique, principalement en raison des hausses des températures de l’air en été observées ces dernières années, a provoqué les changements qui s’opèrent à grande échelle dans le paysage », souligne Melissa Ward Jones, auteure principale de l’étude et doctorante au Département de géographie de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ.
Observations de l’équipe de recherche
- On constate la formation étendue de décrochements de fonte régressifs dans les déserts polaires du Haut-Arctique sur une courte période, notamment durant les saisons estivales inhabituellement chaudes de 2011, 2012 et 2015.
- Le pergélisol des déserts polaires est particulièrement sensible aux hausses de températures estivales, étant donné l’absence de végétation et de couches de matières organiques au sol.
- Bien qu’elle soit relativement courte, la période de dégel (à peine de 3 à 6 semaines par année) est à l’origine de la formation initiale des décrochements de fonte régressifs et de leur expansion ultérieure, au fur et à mesure que leur paroi frontale régresse.
- Les résultats de l’étude indiquent que, quelques années après la formation d’un décrochement, divers facteurs liés au paysage (p. ex., la pente) deviennent plus importants que la température pour leur maintien.
« En dépit du climat polaire désertique qui caractérise une grande portion du Haut-Arctique, la recherche démontre clairement la nature complexe de ce sol riche en glace et de l’interaction entre le climat et le pergélisol », ajoute Wayne Pollard, professeur au Département de géographie de l’Université ³ÉÈËVRÊÓƵ et coauteur de l’étude. « En outre, la recherche soulève des préoccupations relatives aux conclusions simplistes de certaines études, qui généralisent au sujet du lien entre le réchauffement climatique et la dégradation du pergélisol. »
³¢â€™a°ù³Ù¾±³¦±ô±ð « Rapid initialization of retrogressive thaw slumps in the Canadian high Arctic and their response to climate and terrain factors », par Melissa K. Ward Jones, Wayne H. Pollard et Benjamin M. Jones, a été publié dans la revue Environmental Research Letters:
Cette étude a été financée par l’Association universitaire canadienne d’études nordiques (AUCEN), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT), les bourses de recherche David-Erb et Eben-Hobson et le Programme de formation scientifique dans le Nord (PFSN).