Pierre Michon
(1945-...)
Dossier
Bibliographie
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Class茅e par ordre chronologique, la pr茅sente bibliographie rassemble les entretiens de Pierre Michon parus dans diff茅rents journaux, magazines et revues entre 1989 et 2007. Sauf indication contraire, la majorit茅 de ces textes ont 茅t茅 recueillis dans听Le Roi vient quand il veut. Propos sur la litt茅rature听(textes r茅unis et 茅dit茅s par Agn猫s Castiglione avec la participation de Pierre-Marc de Biasi, Paris, Albin Michel, 2007). Dans ces textes, la question de genre (et du roman en particulier) est le plus souvent abord茅e obliquement, 脿 travers les th猫mes plus vastes de la litt茅rature et de l'茅criture, de la pratique d'茅criture. Si les entr茅es pr茅cisent la r茅f茅rence bibliographique originale de chaque entretien, elles renvoient au听Roi vient quand il veut. |
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芦 D'abord, contemporain 禄, r茅ponse 脿 l'enqu锚te : 芦 O霉 va la litt茅rature fran莽aise ? 禄,听La Quinzaine litt茅raire, no 532, 16-31 mai 1989, p. 13-20. 芦 Contemporain de la 濒茅驳别苍诲别 禄, paru sous le titre : 芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Tristan Hord茅,听Le Fran莽ais aujourd'hui, "La nouvelle", no 87, septembre 1989, p. 21-26. 芦 Une forme d茅chue de la pri猫re 禄, paru sous le titre : 芦 Michon le fils 禄, propos recueillis par Xavier Person,听Atlantiques, no 66, janvier 1992, p. 27-33. 芦 Un jeu de vessies et de lanternes 禄, propos recueillis par Tristan Hord茅,听Recueil, no 21, Champ Vallon, printemps 1992, p. 34-46. 芦 La mer est belle 禄, paru sous le titre : 芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par J茅r么me Giudicelli,听Le M锚me et l'Autre, no 2, printemps 1992, p. 47-63. 芦 Le roi vient quand il veut 禄, paru sous le titre : 芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Daniel Nadaud,听Interlope la Curieuse, revue de l'脡cole des beaux-arts de Nantes, no 5, juin 1992, p. 64-74. 芦听Ch芒telus, B茅n茅vent, M茅gara 禄, propos recueillis par Michel Jourde et Christophe Musitelli,听Les Inrockuptibles, no 46, juin 1993, p. 75-98. 芦听L'entretien d'Olivet 禄, paru sous le titre :听芦 Entretien d'Olivet, juillet 1993 禄, propos recueillis par Marianne Alphant,听L'艗il de la lettre, 芦 Rencontre avec Pierre Michon 禄, dossier r茅alis茅 par la librairie Les Temps modernes 脿 Orl茅ans, 25 f茅vrier 1994, p. 99-112. 芦听Rimbaud et Bernadotte 禄, paru sous le titre :听芦 Correspondances : entretien crois茅 Pierre Michon - Mehdi Belhaj Kacem 禄,听Le Matricule des Anges, no 15, hiver 1996, p. 113-118. 芦 Je me parle en patois 禄, paru sous le titre : 芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Jean-Christophe Millois,听笔谤茅迟别虫迟别蝉, no 9, 1996, repris dans听笔谤茅迟别虫迟别蝉,听芦 Ultimum pr茅texte 禄, Sp茅cial anniversaire cinq ans, 茅t茅-automne 1999, p. 119-126. 芦 Glorieux, cach茅, mort 禄, paru sous le titre : 芦 Interview Pierre Michon 禄, propos recueillis par Cendrine de Susbielle,听Virgin Megapress, no 38, mars 1997, p. 127-132. 芦 Cause toujours 禄, paru sous le titre : 芦 Pierre Michon, un auteur majuscule 禄, propos recueillis par Thierry Bayle,听Le Magazine litt茅raire, no 353, avril 1997, p. 133-159. 芦 La prose de Moby Dick 禄, propos recueillis par Patrick K茅chichian,听Le Monde des livres, 3 octobre 1997, p. 160-163. 芦听Je ne suis pas ce que j'茅cris 禄, paru sous le titre :听芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Anne-Sophie Perlat et Franz Johansson,听Sherzo, 芦 Pierre Michon 禄, no 5, octobre 1998, p. 164-176. 芦 Qu'as-tu fait de tes talents?听禄 paru sous le titre : 芦 L'entretien : Pierre Michon 禄, propos recueillis par Catherine Argand,听Lire, no 271, d茅cembre 1998-janvier 1999, p. 177-191. 芦听Les 茅肠谤颈惫补颈苍s de Balzac 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon, les 茅肠谤颈惫补颈苍s de Balzac 禄, propos recueillis par Marianne Alphant,听Le Magazine litt茅raire, no 373, f茅vrier 1999, p. 192-200. 芦 La chair est la proie de la langue 禄, propos recueillis par Ya毛l Pachet,听Esprit, octobre 2000, p. 201-208. 芦听Un Sade qu'on peut lire 脿 l'茅cole 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon : " Le miracle d'un embrasement de la langue " 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Le Magazine litt茅raire, no 401, septembre 2001, p. 209-221. 芦 Le monde qui appelle 禄, paru sous le titre : 芦 Une heure avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Alain Girard-Daudon,听Encre de Loire, Revue trimestrielle des m茅tiers du livre en Pays de Loire, no 20, octobre 2001, p. 222-228. 芦 Liquider la r茅alit茅 禄, paru sous le titre : 芦 Questions 脿 Pierre Michon听禄, propos recueillis par Jean-Marc Huitorel,听Les Passant immobiles, Nantes, 茅ditions Joca Seria, 2001, p. 229-231. 芦 Les carnets in茅dits de听La Grande Beune听禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Genesis, no 18, 茅ditions Jean-Marc Place, 2002, p. 232-256. 芦 Boum, 莽a c'est du latin 禄, propos recueillis par Jean-Baptiste Harang,听尝颈产茅谤补迟颈辞苍, 10 octobre 2002, p. 257-261. 芦 Si Zhongwen joue du luth 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon, 茅肠谤颈惫补颈苍 majuscule 禄, propos recueillis par Didier Jacob,听Le Nouvel Observateur, no 1981, du 24 au 30 octobre 2002, p. 262-267. 芦 En attendant l'autodaf茅 禄, paru sous le titre : 芦 Pierre Michon : 茅crire avant l'autodaf茅 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Le Magazine litt茅raire, no 415, d茅cembre 2002, p. 268-289. 芦 Mais qu'est-ce qu'on va devenir? 禄, propos recueillis par J.-L. Bertini, C. Casaubon, S. Omont et L. Roux,听La Femelle du requin, "Entre ciel et terre", no 22, hiver 2004, p. 290-309. 芦 La bible est mon pays 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Le Magazine litt茅raire, no 448, d茅cembre 2005, p. 310-317. 芦 Pirate au long cours 禄, paru sous le titre : 芦 Pierre Michon, pirate au long cours 禄, propos recueillis par Bertrand Leclair,听La Quinzaine litt茅raire, no 919, num茅ro anniversaire des quarante ans, 16-31 mars 2006, p. 318-329. 芦听Giono chez les Azt猫ques 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon, lecteur de Jean Giono 禄, propos recueillis par Jacques Chabot,听Bulletin de l'Association des Amis de Jean Giono, no 65, Manosque, printemps-茅t茅 2006, p. 330-346. 芦 La vache et l'archer 禄, paru sous le titre : 芦 Pierre Michon : " Le coup de g茅nie de Gustave Flaubert " 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Le Magazine litt茅raire, no 458, novembre 2006, p. 347-356. 芦 La fleur bleue de Julien Gracq听禄, paru sous le titre :听芦 Entretien avec Pierre Michon : Une litt茅rature de l'attente 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听La Magazine litt茅raire, no 465, juin 2007, p. 357-371. |
Citations
| 芦 D'abord, contemporain 禄, r茅ponse 脿 l'enqu锚te : 芦 O霉 va la litt茅rature fran莽aise ? 禄,听La Quinzaine litt茅raire, no 532, 16-31 mai 1989, p. 13-20. |
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| 芦 On parle beaucoup de ce " retour au r茅cit ", mais je crois que cela concerne davantage le march茅 du livre que l'art litt茅raire (le r茅cit traditionnel, le roman, s'est toujours mieux vendu que les textes relevant de genres plus inclassables, plus p茅rilleux ; en redorant son blason on le vend mieux encore, on d茅culpabilise l'acheteur paresseux : j'ai peur que cette fin de la " terreur " soit aussi celle d'une certaine exigence). En tout cas, faire de ce crexu de la vague un raz-de-mar茅e est pour le moins exag茅r茅 : il n'y a pas eu de retour, puisqu'il n'y a pas eu d'茅clipse. On veut seulement l茅gitimer ce qu'on ne prenait plus la peine de l茅gitimer, soit qu'on juge芒t le r茅cit injustifiable, ou au contraire qu'il allait sans dire. On parle aussi de ce retour au sujet, au je : mais ce qu'on voit 脿 l'oeuvre dans les positions de narration, c'est bien davantage le je de l'individualisme, expressif, effusif, que le je de l'茅nonciation tyrannique, celui qui m茅tamorphose le sujet en pure litt茅rature et le d茅livre miraculeusement de l'individu qui le porte ; en d'autres termes, le sujet h茅riss茅 d'intentions du psychanalysant, et non le sujet litt茅raire qu'aucune intention n'absout, enti猫rement gag茅 sur la r茅ussite esth茅tique et sans cesse y 茅chouant. Et bien s没r ce je d茅cisif r茅sonne aussi dans l'oeuvre de tel ou tel de nos contemporains, mais je ne vois l脿 nul " retour " : il y a de ces grandes voix despotiques dans l'avant-garde comme dans une certaine tradition, dans Claude Simon comme dans Des For锚ts ou Jouhandeau, et c'est tout simplement ce qui fait qu'un texte devient oeuvre (de m锚me, la modernit茅 n'a pu paradoxalement nous convaincre de la mort du sujet que par les voix inimitables de Barthes ou de Blanchot). Bref, la grande question, dans les produits de l'avant-garde comme dans ce r茅cit " qui revient ", c'est celle que se posait Jakobsen mais qui s'est toujours pos茅e : Qu'est-ce qui, d'un texte, fait une oeuvre d'art ? Et nulle intention ne peut en faire l'茅conomie. 禄 (p. 14-15) 芦 Le pr茅tendu retour au r茅cit sert peut-锚tre de couverture 脿 quelque chose de plus grave : on assiste au retour en force de la non-litt茅rature sur le terrain m锚me du litt茅raire ; d'une facilit茅 agressive qui n'avait plus gu猫re de sol th茅orique sous les pieds depuis vingt ans. [...] Quelle que soit la puret茅 des intentions de quelques-uns, cela profite surtout 脿 l'increvable r茅action poujadiste et hussarde contre les clercs, avec ses valeurs r茅gressives, non litt茅raires, bref ses postures publicitaires : l'ignorance revendiqu茅e, l'imagination, l'esprit, l'actuel, la cr茅ativit茅, la fantaisie, la productivit茅, toutes qualit茅s dont les classes moyennes (c'est-脿-dire tout le monde, et en particulier les acheteurs de livres) dotent spontan茅ment l'茅肠谤颈惫补颈苍. Autrement dit, le consensus reprend en main la litt茅rature ; il envahit ce champ qui est sa n茅gation m锚me et y fait des affaires ; il donne 脿 ses objets un format standard qu'il recouvre de noms divers, " r茅cit " aupr猫s des intellectuels, " roman " aupr猫s des masses ; il d茅culpabilise la facilit茅 afin de la vendre sans la moindre entrave. Le march茅 du livre n'a plus le besoin ni la patience de d茅guiser : 脿 ce qu'il ne s'embarasse m锚me plus d'appeler art, il a substitu茅 depuis longtemps la marchandise, sans tambour ni trompette. 禄 (p. 15-16) |
| 芦 Contemporain de la 濒茅驳别苍诲别 禄, paru sous le titre : 芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Tristan Hord茅,听Le Fran莽ais aujourd'hui, "La nouvelle", no 87, septembre 1989, p. 21-26. |
| 芦 [Question : Quels sont les avantages de la bri猫vet茅 ? Quelles exigences comporte-t-elle ? R茅ponse :] " La bri猫vet茅 est essentielle. J'incline 脿 penser que j'茅cris des听romans courts听- densifi茅s, ress茅r茅s, d茅graiss茅s - plut么t que des nouvelles. Je r锚ve d'un roman plus pur que l'autre, le long - " aujourd'hui, je vais fabriquer un petit roman de trente pages ", disait Lautr茅amont. Je suis toujours surpris de l'entensivit茅 de cette baudruche qu'est le roman, ce fourre-tout emcombr茅 de digressions, de dialogues, d'effets de v茅rit茅, o霉 l'茅nonciation se perd : le bouillon est trop allong茅, elle s'y noie. Il est vrai que les thurif茅raires du genre vantent cette souplesse infinie : mais je ne peux m'emp锚cher d'y voir de la mauvaise foi, une impuissance maquill茅e en triomphe. Ce que je recherche, c'est peut-锚tre l'茅pure du roman, son minimum vital,听ce qui lui suffit听: quelque chose comme ce que fut le sonnet 脿 tout le champ de la po茅sie, cette petite prison de quatorze vers essentiels en regard d'unit茅s po茅tiques certes plus souples, plus longues, plus libres - mais grev茅es d'inessentiel. Je voudrais que, le livre une fois referm茅, l'茅pure de ce r茅cit minimal soit claire au lecteur, strictement 茅vidente et longuement r茅sonnante comme le sont les rimes d'un sonnet. Cette joie de la totalit茅 embrass茅e et comprise est 茅videmment inaccessible au lecteur de roman, dont la lecture entrecoup茅e a pu durer une semaine, et 脿 qui ne reste, le livre fini, qu'une tonalit茅 g茅n茅rale, un听feeling听: une vague frustration accompagne cette trop grande libert茅 de lecture. Pour parler franc : le r茅cit bref permet de tenir en main le lecteur, de lui interdire la lecture plurielle, de lui 么ter sa libert茅 et de le charmer au sens fort. S'il joue le jeu, s'il se laisse听prendre, il en peut tirer je crois des gratifications plus enivrantes, plus archa茂ques. " 禄 (p. 24-25) |
| 芦 Une forme d茅chue de la pri猫re 禄, paru sous le titre : 芦 Michon le fils 禄, propos recueillis par Xavier Person,听Atlantiques, no 66, janvier 1992, p. 27-33. |
| 芦 [Question : En quoi est-ce un 茅chec d'茅crire ? R茅ponse :] " Sans doute en ce que la volont茅 de r茅conciliation qui pr茅side 脿 l'茅criture n'est jamais 脿 la mesure de l'extr锚me retranchement de celui qui s'est mis en situation d'茅crire. La m锚me pratique (茅crire, peindre) qui vise 脿 r茅concilier avec le monde est une pratique de retranchement, de rupture. L'茅criture est une pratique solitaire, et quel que soit son d茅sir de communaut茅, elle est toujours loin de son compte. Mallarm茅 茅crit : " Qui 茅crit... se retranche. " Mais on est pas forc茅 d'aller aussi loin que lui qui voulait 锚tre mort, exclu de tout. Il a m锚me 茅crit dans une lettre 脿 un ami : " Dieu merci, je suis compl猫tement mort. " 禄 (p. 28) 芦 [Votre 茅criture emprunte au registre du religieux, tant par son vocabulaire que par un style parfois presque oratoire. R茅ponse :] La litt茅rature est une forme d茅chue de la pri猫re, la pri猫re d'un monde sans Dieu. On 茅crit comme jadis on s'adressait 脿听quelqu'un, 脿 un autre qu'autrui, 脿 une grand instance fantasmatique mais comblante, qu'on appelait Dieu. Le grand tiers. Ce matin, je lisais cette phrase dans un de mes carnets, je ne sais plus si elle est de moi : " Dieu existe car il est le d茅dicataire de l'art. " Elle me semble plut么t sonner comme du Malraux. " 禄 (p. 29) 芦 [Vous 锚tes donc assez 茅loign茅 d'une litt茅rature contemporaine plus ludique, qui semble faire l'茅conomie du tragique. R茅ponse :] " Cette litt茅rature court le double risque de la frivolit茅 et de l'autisme : d'un c么t茅 la danse sur le vide, de l'autre le babil d'un seul, le solipsisme, l'incommunicabilit茅 des avant-gardes. Les contemporains manquent souvent de ferveur. C'est l脿 qu'脿 mes yeux passe le clivage : d'un c么t茅 les 茅肠谤颈惫补颈苍s fervents qui postulent un grand autrui donnant sens 脿 la communait茅 des lecteurs, de l'autre les frivoles s'adressant 脿 un autrui simple, 茅clat茅, minimal. " 禄 (p. 30) 芦 [Le titre de votre dernier livre,听Rimbaud le fils, situe le cr茅ateur dans sa solitude face 脿 l'absence du p猫re. R茅ponse :] "L'茅肠谤颈惫补颈苍 est un fils 茅grotant depuis la fin du romantisme. Avant, il y avait une litt茅rature d'h茅ritage qui se passait sans probl猫me de g茅n茅ration en g茅n茅ration, de p猫re sain en fils sain. Le prom茅th茅isme maladif du post-romantisme a fait d茅raper ce dispositif : la litt茅rature est maintenant le champ de bataille des fils sans p猫res, des fils 茅ternels. C'est cela, la crise de la litt茅rature, la litt茅rature comme crise : tous ces fils sont en r茅volte contre d'autres fils qui les ont pr茅c茅d茅s, et non plus contre des p猫res. Et avec le p猫re a disparu l'instance l茅gitimante, celle qui dit au fils : tu es听茅肠谤颈惫补颈苍. " 禄 (p. 31) |
| 芦 Un jeu de vessies et de lanternes 禄, propos recueillis par Tristan Hord茅,听Recueil, no 21, Champ Vallon, printemps 1992, p. 34-46. |
| 芦 [Question : On pourrait commencer par 茅clairer les relations entre听濒茅驳别苍诲别,听vie听别迟听biographie. R茅ponse :] " Mes premiers textes se donnent pour des听vies, ils l'affichent dans le titre. Alors on me dit depuis que je suis un auteur de听vies, et j'ai voulu m'en expliquer, le justifier en th茅orie, mais peut-锚tre n'ai-je fait que r茅pondre apr猫s coup 脿 une demande toute ext茅rieure, me cantonnant l脿 o霉 on voulait me cantonner. Si bien que je r茅ponds 脿 chaque fois au coup par coup, et sans doute diff茅remment. Je vais essayer cette fois d'茅chapper aux d茅limitations de genres litt茅raires, o霉 je suis mal 脿 l'aise - mais je vais enfoncer des portes ouvertes. Faire passer une biographie pour une听vie, c'est c茅der au fantasme de totalit茅 ; c'est donner la succession d'instants d'une existence pour un parcours orient茅, coh茅rent, tendu vers un but [...]. Et dans un sens, c'est ce qu'a toujours fait tout romancier, faute de quoi ses personnages tomberaient听en morceaux, en petits morceaux, en tout petits morceaux. Mais, d'un point de vue plus optimiste, ou plus volontariste, on peut dire aussi qu'une听vie, c'est ce chaos d'exister, une existence donc, d猫s lors qu'elle achoppe sur le peu de chose qui la transforme en destin - c'est-脿-dire qui lui donne un sens. Et, comme la rencontre d'un sens et d'une existence - l'incarnation du sens - se fait 脿 corps d茅fendant, avec perte et fracas, avec douleur, parfois avec en plus de la joie, cela plus que tout m茅rite d'锚tre racont茅 et lu -听濒茅驳别苍诲茅. " 禄 (p. 34-35) 芦 [Question : 脡crire bri猫vement, est-ce une contrainte ? R茅ponse :] " [...] 脡crire court va 脿 l'encontre des grandes machines romanesques totalisantes, avec une bonne grosse听奥别濒迟补苍蝉肠丑补耻耻苍驳听bien carr茅e, 脿 la mode Mitteleuropa ou am茅ricaine. Mais je vais trop loin : dans ces grandes machines, il y a aussi de bons livres. L'茅肠谤颈惫补颈苍 se coule dans le moule qu'il peut, et ce n'est pas le genre qui fait le talent. Dans notre temps de prolif茅ration, o霉 toute chose pullule comme le fait le Capital, on peut aussi brandir avec d茅lectation le听Rasoir d'Occam听aff没t茅 au XIVe si猫cle : " Il ne fait pas multiplier le nombre d'entit茅s au-del脿 de ce qui est n茅cessaire." Par-del脿听 ces justifications oiseuses, j'茅cris court pour garder intacte l'茅motion, le tremblement, d'un bout 脿 l'autre. La longueur de corde impartie au fildef茅riste est br猫ve. " 禄 (p. 35-36) |
| 芦 La mer est belle 禄, paru sous le titre : 芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par J茅r么me Giudicelli,听Le M锚me et l'Autre, no 2, printemps 1992, p. 47-63. |
| 芦 [Question : Pourquoi, d猫s lors, regarder Van Gogh [dans听Vie de Joseph Roulin] 脿 travers un petit postier de province, Roulin, qui n'a l'envergure que d'un personnage secondaire et dont vous 茅crivez qu'il ne comprend pas l'oeuvre du peintre ? R茅ponse :] " Comment la comprendrait-il ? Qu'est-ce que 莽a veut dire comprendre une oeuvre ? [...] Vous savez, ce type de personnages, Roulin ou ceux de听Vies minuscules, c'est le type romanesquement tr猫s ancien du t茅moin, du petit t茅moin. C'est tr猫s employ茅 dans le roman populiste et ses avatars nobles, Cervantes, C茅line. C'est une figure extr锚mement efficace parce que le lecteur peut directement听compatir听avec elle : c'est la figure chr茅tienne du pauvre, c'est le prol茅taire ou Charlot. C'est la figure qui gagne d'embl茅e et sans m茅diation la sympathie du lecteur, et dans ce sens c'est une facilit茅 populiste. " 禄 (p. 50-51) 芦 [Question :听Vies minuscules听est une affirmation puisque les derniers mots sont : " Qu'ils soient ! " Comme si tout votre travail visait 脿 une sorte de miracle. R茅ponse :] Oui, je voudrais faire appara卯tre comme charnellement les personnages dont le parle. Peut-锚tre que toutes les听V.M., ces vies d'hommes 茅cras茅s et morts sans traces, ont 茅t茅 茅crites pour qu'ils r茅pondent 脿 l'injonction de la derni猫re page :听L猫ve-toi, Lazare. Mais le miracle (ou la chance) c'est aussi pour moi r茅ussir 脿 faire quelques petits livres - car 茅crire ne m'est pas naturel, et je suppose que 莽a n'est naturel 脿 personne. Il faut que je me persuade passionn茅ment de l'id茅e que le miracle va peut-锚tre arriver en cours d'茅criture, qu'au d茅tour d'une phrase et gr芒ce 脿 l'茅crit, je vais comprendre dans l'茅blouissement quelque chose - au monde, 脿 mon rapport au monde. Bataille a une pens茅e superbe l脿-dessus. Il dit 脿 peu pr猫s : " Toute oeuvre d'art, bien s没r, peut exister ind茅pendamment du听d茅sir de prodige. Mais toute oeuvre d'o霉 ce d茅sir est absent n'est pas une grande oeuvre ". Et 莽a je le crois volontiers. Il faut vouloir percer quelques murs, croire que prodigieusement les mots vont y entamer une br猫che, pour commencer d'茅crire et persister. " 禄 (p. 57) 芦 [Question : De m锚me en ce qui concerne la dimension de vos livres, on per莽oit une pr茅dilection pour la forme courte. R茅ponse :] " Ce n'est pas un a priori. Il s'est trouv茅 que 莽a marchait bien comme 莽a. Chacun de mes r茅cits est 茅crit d'un seul 茅lan. Ce sont des fugues de 30 脿 60 pages qui me permettent de ne pas perdre de vue mon听incipit听et d'amener mon 茅motion de d茅part intacte jusqu'脿 la fin. C'est de la fabrique 茅motionnelle : je veux 茅crire dans ce tremblement, comme un fil-de-f茅riste sur sa corde. Et j'aimerais que le lecteur tremble comme moi sur cette petite longueur de corde. " 禄 (p. 58) 芦 [Une autre expression m'a frapp茅 dans ce que vous venez de dire : " 脟a marche ! " Comment sentez-vous que 莽a marche ? R茅ponse :] " J'ai face 脿 l'acte d'茅crire une tactique contourn茅e, peut-锚tre supersitieuse, c'est-脿-dire qu'il faut que j'approche l'茅criture par des traverses, des biais, les mille ruses de la lat茅ralit茅 ; c'est ce que je fais, m'approcher. 脟a marche si mon angle d'attaque lat茅ral est juste. Et 莽a ne marche pas si j'aborde mon sujet frontalement. Je passe mon temps 脿 d茅placer le tabouret. Si je me dis bille en t锚te, bien assis devant la question : " Qu'est-ce que je pense de Rimbaud, qu'ai-je 脿 dire de cela ? ", rien ne peut en sortir, absolument rien. Mais tout 脿 coup, un jour, un matin, j'ai bien d茅plac茅 le tabouret, j'ai biais茅 la question, et ma premi猫re phrase est l脿. Et quand la premi猫re phrase est l脿, il n'y a plus qu'脿 tirer le fil, tout continue, tout听marche. Je peux ajouter que 莽a marche quand je suis ivre de mon sujet, quand je m'茅prends de lui. " 禄 (p. 58-59) 芦 [En somme 茅crire, c'est ne pas penser, surtout s'茅carter de toute d茅marche herm茅neutique... R茅ponse :] " L'interpr茅tation est un genre, la litt茅rature un autre : ils ne doivent pas 锚tre men茅s de front. Stevenson (脿 moins que 莽a ne soit Borges ?) avait cette formule amusante : il disait que dans une oeuvre de fiction, l'茅肠谤颈惫补颈苍 doit se garder de l'interpr茅tation pour la m锚me raison que Dieu ne fait pas de th茅ologie. Il y a une sorte de b锚tise, ou d'in茅l茅gance, dans la litt茅rature qui se met 脿 penser autrement que par m茅taphores. " 禄 (p. 59-60) 芦 Question : En m锚me temps, vous rejetez tout romanesque. Votre marge de manoeuvre n'est-elle pas 茅troite ? R茅ponse :] " Tr猫s 茅troite. Mas c'est dans une petite marge que je me sens 脿 ma place, parce que inventer de toutes pi猫ces quelque chose (c'est 莽a le " romanesque "), 莽a me semble tr猫s outrecuidant. Je me donne de multiples contraintes, ou des obstacles (par exemple un r茅f茅rent fort, inalt茅rable, inali茅nable, come la vie de Van Gogh ou de Rimbaud), mais cela accept茅, ma libert茅 est totale. Faulkner disait que nous disposons tous d'un territoire pas plus grand qu'un timbre-poste, et que ce qui importe ce n'est pas sa superficie, mais la profondeur 脿 laquelle on le creuse. Mon timbre-poste est minuscule. Je ne sais pas si je le creuse bien... " 禄 (p. 61) 芦 Question : [...] Quel rapport entretiennent chez vous la peinture et l'茅criture ? R茅ponse :] " C'est extr锚mement fort : j'茅cris entour茅 d'images. Je suis iconol芒tre, j'ai " le culte des images ", comme disait Baudelaire. Tout cela entre dans ma strat茅gie de l'apparition, de l'茅crit conduisant au visible. 脟a me permet aussi des tactiques plus ponctuelles : si je suis 脿 court d'id茅es, il me suffit d'ouvrir un libre de peinture et de tomber sur tel tableau pour trouver imm茅diatement une m茅taphore, une pens茅e, bref, des phrases : oui, la peinture fait 茅crire, si on ne l'interpr猫te pas, si on s'y perd, si on l'interroge et la pille.听脟a marche. " 禄 (p. 61-62) |
| 芦 Le roi vient quand il veut 禄, paru sous le titre : 芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Daniel Nadaud,听Interlope la Curieuse, revue de l'脡cole des beaux-arts de Nantes, no 5, juin 1992, p. 64-74. |
| 芦 [Question : Dans ta qu锚te de portraits, n'es-tu pas toujours, en fait, l'objet d茅tourn茅 de ceux-ci ? Ne sont-ils pas autant d'autoportraits ? R茅ponse :] " [...] Ainsi, dans ce que tu appelles mes听portraits, je suis le sujet du portrait, le comte, c'est-脿-dire dans mes textes le personnage de Watteau par exemple, ou Van Gogh ; je suis celui qui peint, et aussi celui qui raconte, le t茅moin, l'humble narrateur, le cur茅 Carreau ou le facteur Roulin ; et je suis enfin une troisi猫me voix qui appara卯t 莽脿 et l脿 dans mes textes, qui est moi sans doute,听l'茅肠谤颈惫补颈苍, le gratte-papier qui est mang茅 par l'ombre, tout au fond du tableau. J'aimerais bien qu'il y ait en plus le roi, c'est-脿-dire la litt茅rature, ou le sens, ou le vrai, ou peut-锚tre tout simplement le lecteur. Mais le roi vient quand il veut. Alors oui, des autoportraits, dans la mesure o霉 le meilleur moyen de se mettre soi-m锚me en lumi猫re, en souffrance, en 茅preuve, c'est encore de passer par l'autre, d'锚tre l'autre dans un fort mouvement de sympathie, de compassion, d'茅quivalence. Des autoportraits pour traquer l'autre en soi-m锚me. Mais s没rement pas des autoportraits pour " me chercher ". Car, comme disait Gide, un 茅肠谤颈惫补颈苍 (un peintre aussi bien) qui " se cherche " court le risque de se trouver - et d猫s lors il n'y a plus que des tics et du bluff, une technique qui se fait passer pour int茅riorit茅, de l'aquis maquill茅 en esp茅rance. " 禄 (p. 66-67) 芦 [Sur la phrase : " On est devenu tr猫s fort depuis qu'on sait que le langage ment " dans听Vie de Joseph Roulin] Alors peut-锚tre que dans cette phrase 茅crite un peu l茅g猫rement, sur laquelle tu me fais r茅fl茅chir, peut-锚tre que je veux dire deux choses apparemment contradictoires : d'abord oui, tout le langage, et en particulier la litt茅rature, qui est comme l'芒me du langage, ment comme un arracheur de dents. Mais celui 脿 qui on arrache la dent, le lecteur, doit croire aveugl茅ment les paroles du charlatan, car son soulagement, sa paix, sa jouissance sont 脿 ce prix. On se croit tr猫s fort en sachant que la litt茅rature ment, mais on est encore plus fort quand on a la faiblesse d'y croire. Qui sait jouir de la belle falsification trouve parfois un peu de v茅rit茅. 禄 (p. 74) |
| 芦听Ch芒telus, B茅n茅vent, M茅gara 禄, propos recueillis par Michel Jourde et Christophe Musitelli,听Les Inrockuptibles, no 46, juin 1993, p. 75-98. |
| 芦 [Question : Mais vous savez qu'on pr茅sente votre travail comme une entreprise de restauration d'une litt茅rature 茅clatante qui retrouverait le lustre de la langue et de la rh茅torique anciennes, apr猫s les errements des avants-gardes. R茅ponse :] " Ce n'est pas une restauration : les 茅carts de langage sont multiples, la rh茅torique est bris茅e sans cesse. Les langues de Claudel, de Chateaubriand ou de Bossuet me plaisent consid茅rablement, mais il me semble que je les casse. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? J'ai beaucoup lu certaines avant-gardes, les gens de Tel quel par exemple, dans les ann茅es 60. Les avant-gardes nous ont 脿 la fois emp锚ch茅s d'茅crire et ont fait, peut-锚tre, que nous n'avons pas 茅crit n'importe comment. Nous sommes plusieurs 脿 qui elles ont permis d'茅viter un rel芒chement et un retour. Il faut les avoir toujours 脿 l'esprit. Ce sont des lectures qui nous ont permis d'affiner notre go没t tout en ne r茅cusant pas pour autant le grand style. Regardez les engouements de ces gens-l脿 : Artaud, c'est quand m锚me du tr猫s grand style. Et Louis-Ren茅 Des For锚ts : voil脿 quelqu'un qui a toujours lu avec beaucoup d'attention et de respect les multiples rappels 脿 l'ordre de l'avant-garde, mais qui avait en d茅pit de cela une oeuvre de langue, de grandes strophes, de grands enjambements. Une des raisons peut-锚tre pour lesquelles on veut me faire endosser cet habit r茅actionnaire, c'est qu'脿 mes yeux le vieux concept p茅rim茅 de beaut茅 conserve en art une valeur pertinente. " 禄 (p. 95-96) |
| 芦听L'entretien d'Olivet 禄, paru sous le titre :听芦 Entretien d'Olivet, juillet 1993 禄, propos recueillis par Marianne Alphant,听L'艗il de la lettre, 芦 Rencontre avec Pierre Michon 禄, dossier r茅alis茅 par la librairie Les Temps modernes 脿 Orl茅ans, 25 f茅vrier 1994, p. 99-112. |
芦 [Question : En 茅crivant votre premier livre,听Vies minuscules, aviez-vous le sentiment qu'il s'agissait d'un roman ou d'une autobiographie ? R茅ponse :] "J'avais l'intention de commencer par du roman mais je m'en sentais 鈥� et j'en 茅tais 鈥� totalement incapable. J'ai v茅cu dans cette impossibilit茅 jusqu'脿 35 ans. Il y avait une sorte d'injonction cat茅gorique qui me fondait : 茅crire une grand roman. Mais avec 莽a on ne peut rien faire : je n'avais gu猫re de vie, pas de travail ni d'activit茅 sociale, l'id茅e de roman n'茅tait l脿 que pour d茅nier la r茅alit茅 que j'茅tais, enjoliver l'ensemble avec ce que j'avais glan茅 de recettes de l'ancien temps. 脡videmment 莽a ne marchait pas. J'ai toujours pens茅 que la seule chose qui 茅tait compl猫tement hors de ma port茅e et de mes possibilit茅s, c'茅tait la litt茅rature. Et j'ai besoin d'y croire encore pour avoir un peu de go没t. Et c'est sans doute quand je me suis rendu compte que du temps s'茅tait 茅coul茅 dans cette qu锚te stupide et tout 脿 fait romanesque, c'est par une esp猫ce de retour involontaire sur moi que je me suis dit qu'il y avait peut-锚tre, dans ce qui s'茅tait r茅ellement pass茅 l脿 et o霉 j'avais vainement essay茅 de jouer ma vie, la mati猫re d'une sorte de livre. Ce retour c'est les听Vies minuscules. " 禄 (p. 99-100) 芦 [Question : Pourquoi le roman plut么t que la po茅sie ? Vous ne r锚viez pas d'锚tre Rimbaud ? R茅ponse :] "[鈥 La po茅sie n'茅tait pas cette grande chose 茅trang猫re qui me changerait miraculeusement en un autre. Je m'茅tais mis en t锚te que les oeuvres plus longues, celles que je convoitais de faire, 茅taient faites pas pur effet de gr芒ce, sans aucune peine. Je voulais penser que la grande cr茅ation litt茅raire 茅tait ce qui venait sans forcer. Mais pour que la gr芒ce soit flagrante, il ne fallait pas que ce soit trop court. Rimbaud, je me disais : non, tout de m锚me, 莽a ne suffit pas. Une oeuvre, c'est plusieurs m猫tres dans cette biblioth猫que... " 禄 (p. 100) 芦Cette op茅ration d'茅criture dont je parle, et qui est peut-锚tre tr猫s partag茅e, doit 锚tre 脿 la fois surdocument茅e et compl猫tement trait茅e dans le noir, m锚me tout 脿 fait dans le noir, sinon ce somnambulisme serait un travail, j'aurais l'impression que 莽a ne me tombe pas du ciel. Or, il faut que j'aie l'impression que 莽a me tombe du ciel. Je sais combien c'est l脿 une machinerie, mais sans elle o霉 serait le plaisir d'茅crire, o霉 serait la jouissance, o霉 serait le fantasme du cr茅ateur hors du temps ? On 茅crit en ne sachant pas tout 脿 fait de quoi on parle, mais en sachant qu'en le disant de cette fa莽on-l脿, 莽a vous 茅meut consid茅rablement. Et que celui qui va le lire, puisqu'il est usager du m锚me langage, va vibrer de la m锚me fa莽on sans savoir pourquoi non plus. Tous les grands textes que je lis me dont cet effet. J'ai l'impression que leur auteur en ma卯trise totalement la formulation mais ne ma卯trise pas le savoir qui serait au coeur de cette formulation : comme si certaines phrases avaient le don d'enclore 脿 la fois une extr锚me force 茅motionnelle et un myst猫re total, comme si le langage avait parfois des noeuds鈥� Mais l脿 je sens que je suis parti dans une esp猫ce de truc鈥� Demandez-moi des choses b锚tes. 禄 (p. 106-107) |
| 芦听Rimbaud et Bernadotte 禄, paru sous le titre :听芦 Correspondances : entretien crois茅 Pierre Michon - Mehdi Belhaj Kacem 禄,听Le Matricule des Anges, no 15, hiver 1996, p. 113-118. |
[Sur la technicit茅 litt茅raire] 芦 Dans des unit茅s courtes et charg茅es telles que sont mes historiettes, la technique demeure esclave de ce qui m'importe, c'est-脿-dire la tension, l'茅motion, la rapidit茅 d'ex茅cution, l'ivresse 茅nonciative, quelque chose aussi comme une sorte d'intelligence fugace qui bri猫vement s'annexe tout ce qui n'est pas elle 鈥� toutes causes qui convergent peut-锚tre vers ce que vous appelez le chant. Dans cette pratique et de moi-m锚me et de la langue, la technicit茅 litt茅raire m'est aussi consubstantielle et asservie que la main qui tient mon stylo : c'est une servante styl茅e, on n'y pense pas. Mais il va de soi que dans les constructions longues et m没rement pens茅es, o霉 la tension et la quasi-intelligence ont le temps de respirer, de reprendre pied, de marquer la pause, bref de retomber, alors la technicit茅, la fabrique, la crapulerie romanesque, l'intelligence complaisamment 茅prise d'elle-m锚me 鈥� toute cette d茅go没tation soudain l'emporte et pr茅tend r茅gner sur moi et mon texte, ce que je ne saurais accepter sans accepter aussi une chute ph茅nom茅nale de potentiel. Et ne croyez pas que ce soit une question de morale ou de d茅cision : non, c'est que le style me tombe des mains et que je ne peux que rire de moi-m锚me, si je me vois en train de bricoler du roman. L'oeuvre longue 鈥� ce qu'on appelle aujourd'hui roman 鈥� c'est l'acceptation du relatif, de la jactance, du travail ; c'est un jeu de copules et de brouillage des points de colle qui font tenir ces copules ; on touille et trafique le texte, on le d茅colle du moment absolu 脿 la faveur duquel il est n茅 : on fait ce qu'on appelle tr猫s justement un produit. Et il y a toujours quantit茅 de bons ap么tres qui me disent : alors, ton grand roman, c'est pour quand ? C'est sans doute la meilleure fa莽on de me demander de rentrer gentiment dans le circuit avec un bon produit. Et parfois je c猫de, je fais semblant d'茅crire un long roman, et 莽a donne des projets comme L'Origine du monde. Cela dit, il est tout 脿 fait 茅vident que si un jour je peux tenir sans fabrique mon potentiel 茅nonciatif intact sur trois cent pages, je ne le refuserai pas - seulement j'ai peur d'锚tre sous perfusion 脿 la page trois cent. 禄 (p. 113-115) |
| 芦 Glorieux, cach茅, mort 禄, paru sous le titre : 芦 Interview Pierre Michon 禄, propos recueillis par Cendrine de Susbielle,听Virgin Megapress, no 38, mars 1997, p. 127-132. |
[脌 propos de听Trois auteurs听et de听Mythologies d'hiver] 芦 Vous me parlez de louagne, d'exaltation, et il est vrai que c'est ce que j'茅prouve envers la litt茅rature en g茅n茅ral. Mais il y a aussi le contraire. J'ai pour la litt茅rature une grande ambivalence d'esprit, je l'aime, je n'aime qu'elle puisque c'est mon destin, et en m锚me temps je la d茅teste de m'avoir vou茅 脿 ce travail vide, harassant. Elle n'a peut-锚tre plus de r茅alit茅 dans le monde dans lequel nous vivons. La litt茅rature n'est plus un art majeur. Les m茅dias font semblant de ne pas le savoir, parce que 莽a fait fonctionner leur parlotte... L'art de notre si猫cle, on le sait bien, c'est le cin茅ma. Les 茅肠谤颈惫补颈苍s sont des esp猫ces de survivants maintenus sous perfusion, on ne sait pas pourquoi, un peu comme une r茅serve d'Indiens. Si on 茅crit aujourd'hui, on peut aimer passionn茅ment la litt茅rature - on doit aussi la d茅tester. Elle est peut-锚tre une chose du pass茅, comme on dit. 禄 (p. 127-128) 听 |
| 芦 Cause toujours 禄, paru sous le titre : 芦 Pierre Michon, un auteur majuscule 禄, propos recueillis par Thierry Bayle,听Le Magazine litt茅raire, no 353, avril 1997, p. 133-159. |
芦 [Question : La听Grande beune听a suivi un silence de plusieurs ann茅es. C'est celui de vos textes qui approche le plus la forme romanesque. R茅ponse :] " Oui. C'est presque un roman, cette听Grande Beune. En tout cas il a 茅t茅 re莽u comme tel. Le projet initial 茅tait beaucoup plus vaste, sous le titre de听L'Origine du monde, en r茅f茅rence 脿 Courbet et au d茅sir massif de ma buraliste qui est au coeur du r茅cit, si je puis dire, ou son ventre, et aussi parce qu'il y est beaucoup question de pr茅histoire, d'archa茂smes. Mais avec tout le bruit qu'on a fait autour du tableau de Courbet ces derni猫res ann茅es, j'ai 茅t茅 bien oblig茅 de laisser tomber ce titre.听Pour revenir au " roman听",听La Grande Beune, donc, la centaine de pages qui a 茅t茅 publi茅e repr茅sente 脿 peine le tiers de ce qui a 茅t茅 茅crit. C'est que ces deux tiers qui n'ont pas 茅t茅 publi茅s, ces deux tiers en plus, c'茅taient deux tiers en trop. C'茅tait " tout un roman ", justement听: c'茅tait fabriqu茅, planifi茅, ficel茅, et n茅cessairement truqu茅 puisque tendu vers l'arbitraire d'une forme assez fatigu茅e听: celle du petit objet de trois cents pages qu'affectionne le march茅 sous le nom de roman. Seul m茅ritait d'锚tre publi茅 ce qui l'a 茅t茅听: le d茅sir fou et sans issue d茅finie d'un tr猫s jeune homme pour une belle dame, d茅sir que j'a 茅prouv茅 moi-m锚me pendant cent pages. Apr猫s il fallait de l'action, la possession ou le renoncement, la fornication ou le meurtre, les rebondissements comme on dit, tous ces 茅v茅nements tr猫s relatifs et arbitraires dans lesquels le roman perd en chemin le potentiel 茅nerg茅tique de la prose. " 禄 (p. 136-137) |
| 芦 La prose de Moby Dick 禄, propos recueillis par Patrick K茅chichian,听Le Monde des livres, 3 octobre 1997, p. 160-163. |
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Note: |
| 芦听Je ne suis pas ce que j'茅cris 禄, paru sous le titre :听芦 Entretien avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Anne-Sophie Perlat et Franz Johansson,听Sherzo, 芦 Pierre Michon 禄, no 5, octobre 1998, p. 164-176. |
芦 [Question : Et partagez-vous sa m茅fiance [la m茅fiance de Borges] 脿 l'encontre du roman ? R茅ponse :] " Mis 脿 part les classiques du XIXe si猫cle, les romans fondateurs, jusqu'脿 Proust, jusqu'脿 Joyce, jusqu'脿 Faulkner, qu'on lit avec ferveur, ce qui nous passe par les mains maintenant est souvent un sous-produit des types litt茅raires mis en place au si猫cle dernier. Ces romans sont des exercices rh茅toriques sur une forme qui, 脿 mon sens, est assez poussive. Car qu'茅tait-ce que le roman au XIXe si猫cle ? Une 茅tude sociologique doubl茅e d'une histoire d'amour. Je ne crois pas qu'aujourd'hui le roman soit le plus apte 脿 faire cela, le cin茅ma y parvient beaucoup mieux. C'est 茅videmment un avis personnel, qui vient surtout du fait que je ne peux plus lire de romans, sauf quelques exceptions vraiment originales, car 茅videmment il y en a encore. Je pense, en particulier, aux romans qui jouent sur le registre du polar, de la science-fiction... " 禄 (p. 166) [Sur le refus du roman et le choix de la forme br猫ve] 芦听 C'est une idiosyncrasie, c'est ma forme en quelque sorte, ce n'est pas un choix id茅ologique. Quand on me demande de parler du roman, je semble prendre des positions 脿 l'emporte-pi猫ce. En fait, c'est simplement une forme litt茅raire qui m'est 茅trang猫re. Je me souviens d'une anecdote 脿 ce propos. Quand Gaston Gallimard demandait 脿 Henri Michaux : 芦 Mais quand est-ce que vous nous donnez un roman ? 禄, Michaux r茅pondait : 芦 Si un roman vient, je le prendrai volontiers, je vous l'apporterai. 禄 Il n'en est pas venu, c'est tout. 禄 (p. 167) |
| 芦 Qu'as-tu fait de tes talents?听禄 paru sous le titre : 芦 L'entretien : Pierre Michon 禄, propos recueillis par Catherine Argand,听Lire, no 271, d茅cembre 1998-janvier 1999, p. 177-191. |
[Sur le roman contemporain comme un pur artefact] 芦听 Je vois la plupart du temps la vocation transform茅e en carri猫re. En 茅crivant un roman tous les ans, les auteurs diluent l'茅lan initial, cet 茅lan qui porte toute l'茅criture. Dans le m锚me temps, il est tr猫s difficile de s'affranchir, d'exister en dehors de cette r猫gle. Un 茅肠谤颈惫补颈苍 n'existe pas, n'est pas pay茅 s'il ne publie pas. 禄 (p. 180-181) 芦 [Question : Vous-m锚me, comment qualifierez-vous vos textes, de quel genre rel猫vent-ils ? R茅ponse :] " Je ne les qualifie pas. Je veux 锚tre libre, 茅crire dans une forme qui n'a pas de nom. Pourquoi faudrait-il le faire ? Les听Petits po猫mes en prose听de Baudelaire, la听Recherche du temps perdu听de Proust ou les听Confessions d'un mangeur d'opium听de Thomas de Quincey ne sont pas estampill茅s. La notion de genre finit avec le XVIIIe si猫cle. " 禄 (p. 181) 芦 Mallarm茅 disait : " Il n'y a pas de prose. Il n'existe que du vers plus ou moins rythm茅 ". Voil脿, au plus juste, ma fa莽on de concevoir l'茅crit. 禄 (p. 184) [Sur la parution de deux chapitres de听La Grande beune听dans une revue litt茅raire qui n'ont finalement pas 茅t茅 int茅gr茅s au livre] 芦听 La centaine de pages qui a 茅t茅 publi茅e en livre repr茅sente 脿 peine le tiers de ce qui a 茅t茅 茅crit. Il m'a fallu huit ans pour comprendre que ces deux tiers 茅taient en trop, qu'ils faisaient de ce livre tout un roman, qu'il me fallait d茅pouiller le texte, en faire la sc猫ne d'exposition d'un mythe primitif, la mise en place d'un dispositif du d茅sir. Un d茅sir qui ne doit ni s'accomplir ni 锚tre refus茅. Je n'ai pas envie d'茅crire des p茅rip茅ties. Surtout avec des personnages qui rel猫vent de la pure invention. Je ne supporte pas, en fait, de cr茅er des ectoplasmes. 禄 (p. 185) 芦 [Question : Ce sont vos personnages que vous appelez des ectoplasmes ? R茅ponse :] " Cr茅er des personnages comme je l'ai fait dans La Grande Beune me d茅go没te un peu. Il existe d茅j脿 tellement d'茅肠谤颈惫补颈苍s, tellement de romanciers qui peuplent le monde d'ectoplasmes鈥� La coupe est pleine, plus personne n'y croit. Je n'ai pas besoin d'inventer des vies, des personnages. Il y a suffisamment de gens qui sont morts et qui attendent que l'on parle d'eux. " 禄 (p. 185) |
| 芦听Les 茅肠谤颈惫补颈苍s de Balzac 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon, les 茅肠谤颈惫补颈苍s de Balzac 禄, propos recueillis par Marianne Alphant,听Le Magazine litt茅raire, no 373, f茅vrier 1999, p. 192-200. |
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Note: |
| 芦 La chair est la proie de la langue 禄, propos recueillis par Ya毛l Pachet,听Esprit, octobre 2000, p. 201-208. |
| [Sur le d茅bat litt茅raire qui entoure la forme de l'oeuvre de Pierre Michon] 芦听 Il s'agit bien en effet d'un d茅bat contemporain plus ou moins tu ou affich茅 dont le coeur serait cette question inavou茅e : le roman n'est-il pas un genre ext茅nu茅, comme l'茅tait la trag茅die classique au temps de Voltaire ? Et, dans la mesure o霉 je ne baisse pas tout 脿 fait les bras, c'est-脿-dire dans la mesure o霉 je fais des petits textes qui ressemblent tout de m锚me 脿 des r茅cits, brefs, mais des r茅cits, je me sens proche de beaucoup de contemporains imm茅diats qui essaient aussi de sortir du roman sans pr茅tendre tout d茅molir. Mais fermement et absolument. Parmi ceux-l脿, beaucoup reprennent la forme br猫ve, mais des formes br猫ves qui ne seraient pas ce que le si猫cle dernier a appel茅 la nouvelle - qui n'est qu'un morceau de roman. Et nous avons 脿 notre disposition la forme tr猫s ancienne des听vies听- on me pr锚te, 脿 moi et 脿 d'autres, le fait d'avoir r茅instaur茅 ce genre, mais c'est une tarte 脿 la cr猫me, il n'y a l脿 ni invention ni retour. Cette forme, que j'appelle听vie听par commodit茅, me para卯t 锚tre le roman d茅barrass茅 de son grand fourbi, ou fourre-tout. Je vais m'expliquer par une m茅taphore pharmaceutique. Dans la notice des m茅dicaments, on lit par exemple : p茅nicilline : 0,5% ; excipient : 99,5%. Eh bien, le roman tel qu'il se pratique aujourd'hui de plus en plus me para卯t 锚tre un gigantesque excipient dans lequel la p茅nicilline est perdue. Ce genre que j'appelle une听vie, 莽a n'est apr猫s tout que le roman d茅barrass茅 de ses copules, de son tirage 脿 la ligne, de sa " pens茅e " et de son remplissage. Il est vrai que les romans de Flaubert par exemple 茅taient des vies sans copule :听Vie d'Emma Bovary听ou听Vie de F茅licit茅听qui ont re莽u par la suite d'autres titres. 禄 (p. 202-203) 芦 [Question : Ce changement de format entre le roman du XIXe si猫cle et les " vies " du XXe si猫cle tient-il alors moins 脿 un changement de genre qu'脿 un changement de souffle et d'茅nergie ? R茅ponse :] " 脌 mon sens, le roman long, romanesque, sans excipient, puissant sans bavardage, a 茅t茅 men茅 脿 son terme au XXe si猫cle dans des exp茅riences comme celles de Joyce ou Faulkner, ou Beckett, qui y ont mis fin. Ils ont men茅 le genre 脿 sa derni猫re perfection. Nous vivons un temps d'茅pigones de ces gens-l脿, bien sages, bien-pensants, bien ob茅issants, bien听谤茅惫辞濒耻迟颈辞苍苍补颈谤别蝉, qui sont tellement en dessous de leurs mod猫les. Pour reprendre la m茅taphore de la trag茅die classique, apr猫s Corneille et Racine, c'茅tait fini : il y a eu des 茅pigones encore pendant deux si猫cles, jusqu'脿 Ponsard, qui 茅tait contemporain de Hugo. Mais la chose 茅tait morte. Des spectres. Mais je g茅n茅ralise trop. Je ne peux r茅pondre 脿 cette question qu'en mon nom propre. Oui, mon 茅nergie, ou ma jouissance d'茅crire, ne se d茅ploie que dans le bref. Le geste artistique qui me para卯t le plus admirable au monde est celui de ces vieux peintres orientaux qui, pendant dix ans, ne font rien, se prom猫nent au bord de l'eau, et qui, tout 脿 coup, en deux minutes et trois coups de pinceau, font un admirable canard. On est loin du travail de for莽at auquel ce temps veut astreindre nos romanciers : un, voire deux livres par an, beaucoup de souffrances et de labeur perdus 脿 chercher des copules. Faire du bref, c'est aussi, id茅ologiquement, 茅chapper au pi猫ge de la production, de la libre entreprise, du march茅. " 禄 (p. 204-205) 芦 Le roman ne sait pas qu'il va au petit bonheur, comme dans la vie. Le roman est le singe de la vie. Il est de la dur茅e, de la dur茅e qui aime la dur茅e. Sa chute vient comme la mort dans la vie, mais 莽a nous connaissons, on s'en fout. (Borges dit : " Le roman est une superstition de notre temps ", mais Borges est tr猫s poli). 禄 (p. 208) |
| 芦听Un Sade qu'on peut lire 脿 l'茅cole 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon : " Le miracle d'un embrasement de la langue " 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Le Magazine litt茅raire, no 401, septembre 2001, p. 209-221. |
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Note : |
| 芦 Le monde qui appelle 禄, paru sous le titre : 芦 Une heure avec Pierre Michon 禄, propos recueillis par Alain Girard-Daudon,听Encre de Loire, Revue trimestrielle des m茅tiers du livre en Pays de Loire, no 20, octobre 2001, p. 222-228. |
| [Sur le roman comme genre ext茅nu茅] 芦 Je suis prosateur, c'est-脿-dire romancier 脿 ma fa莽on, puisque j'茅cris des histoires, et que notre 茅poque a la manie d'appeler roman tout ce qui est histoire 茅crite : le roman est une superstition de notre temps selon la belle formule de Borges. 禄 (p. 226) |
| 芦 Les carnets in茅dits de听La Grande Beune听禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Genesis, no 18, 茅ditions Jean-Marc Place, 2002, p. 232-256. |
| [Sur le geste d'interruption de l'茅criture qui fait l'oeuvre] 芦听 C'est difficile. Le probl猫me, c'est que je ne vais pas pouvoir m'expliquer sans donner une opinion... Voil脿 en deux mots. Dans le roman achev茅, clos, tel qu'il se pratique maintenant, tel qu'il s'est toujours pratiqu茅 depuis si猫cles 脿 de tr猫s rares exceptions, comme Flaubert par exemple, il y a une sorte d'in茅l茅gance par saturation. Il faut remplir une forme de 250 ou 500 pages, qui se d茅veloppe, avec ce qu'il faut de surprises et de choses convenues, une histoire qui va 脿 son terme, bien boucl茅e, comme un film, avec une chute qui arrive 脿 point nomm茅 avant le mot "fin ". Pour moi, c'est mortel. C'est le domaine de la libert茅 relative et d茅lay茅e, celle de la parole - alors que le bref joue avec la libert茅 absolue, celle de l'acte. 禄 (p. 244) 芦 [Question : Voulez-vous dire que la cr茅ativit茅 doit se localiser dans l'ellipse, le manque, une sorte d'omission qui serait une libert茅 pour le lecteur ? R茅ponse :] " Oui. Il va de soit que si听Notre-Dame de Paris, qui est un magnifique roman, s'arr锚ta卯t au moment o霉 on d茅couvre qu'Esmeralda est la fille de la vieille mendiante qui la conspue, ce serait magnifique. On aurait l脿 un mythe pur. Un myst猫re. Mais non, Hugo n'a pas la force de s'en tenir 脿 l'ind茅cidable. 脟a reste g茅nial, bien s没r, parce que c'est Hugo. Mais quand la trame romanesque est satur茅e sans g茅nie, comme 莽a se passe la plupart du temps, c'est franchement insupportable. Je trouve plus de plaisir comme lecteur dans les comptes-rendus scientifiques des arch茅ologues ou des ethnologues, dans leurs incertitudes et leurs contradictions que dans la plupart des romans bien ficel茅s de notre temps o霉 je ne ressens plus aucune v茅ritable satisfaction. D'ailleurs, je ne les lis plus. 脌 quoi bon produire ces vieux artefacts bien boucl茅s ? Donc, je travaille 脿 autre chose : pas des romans, des blocs de prose. Et les carnets sont un des instruments de ce travail. " 禄 (p. 244-245) |
| 芦 Si Zhongwen joue du luth 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon, 茅肠谤颈惫补颈苍 majuscule 禄, propos recueillis par Didier Jacob,听Le Nouvel Observateur, no 1981, du 24 au 30 octobre 2002, p. 262-267. |
| 芦 Faulkner assume sa lourdeur et la poursuit. C'est un v茅ritable romancier. Il y en a peu. Comme Balzac, c'est un 茅肠谤颈惫补颈苍-fleuve. Il charrie tout, mais ne contient pas sa propre critique. Borges dit quelque part : " Tout livre qui ne contient pas son contre-livre peut 锚tre consid茅r茅 comme incomplet. " [...] Faulkner est capital, c'est un tournant. Il y a vraiment, pour tout 茅肠谤颈惫补颈苍 aujourd'hui, un avant et un apr猫s-Faulkner. Il est dans ce sens plus important, je crois, que Proust, Joyce ou Kafka. Parce qu'on sent imm茅diatement la coupure. C'est la marque du g茅nie, d'un cr茅ateur de formes incomparables, 脿 son insu. 禄 (p. 265) |
| 芦 Mais qu'est-ce qu'on va devenir? 禄, propos recueillis par J.-L. Bertini, C. Casaubon, S. Omont et L. Roux,听La Femelle du requin, "Entre ciel et terre", no 22, hiver 2004, p. 290-309. |
| 芦 [Question : Si vous n'锚tes pas romancier, comment vous d茅finissez-vous ? R茅ponse :] " Tout prend une apparence idiote : prosateur ? 脟a ne veut rien dire prosateur. Il y a pourtant une si belle r茅flexion de Michel Deguy : 芦 Le roman cache la prose fran莽aise. 禄 Mais c'est quoi, la prose fran莽aise ? Je n'ai d'ailleurs jamais dit que je n'茅crirais pas de roman. " 禄 (p. 298) |
| 芦听Giono chez les Azt猫ques 禄, paru sous le titre :听芦 Pierre Michon, lecteur de Jean Giono 禄, propos recueillis par Jacques Chabot,听Bulletin de l'Association des Amis de Jean Giono, no 65, Manosque, printemps-茅t茅 2006, p. 330-346. |
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Note : |
| 芦 La vache et l'archer 禄, paru sous le titre : 芦 Pierre Michon : " Le coup de g茅nie de Gustave Flaubert " 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听Le Magazine litt茅raire, no 458, novembre 2006, p. 347-356. |
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Note : |
| 芦 La fleur bleue de Julien Gracq听禄, paru sous le titre :听芦 Entretien avec Pierre Michon : Une litt茅rature de l'attente 禄, propos recueillis par Pierre-Marc de Biasi,听La Magazine litt茅raire, no 465, juin 2007, p. 357-371. |
| 芦 脌 force de lire et de relire depuis des ann茅es ses fragments critiques -听笔谤茅蹿茅谤别苍肠别蝉, les听Lettrines,听En lisant en 茅crivant, etc. - j'avais fini par me faire de Gracq une id茅e un peu dans le genre de Sainte-Beuve ou de Val茅ry : le grand 茅肠谤颈惫补颈苍 essayiste. J'avais perdu de vue le romancier. Or, apr猫s m'锚tre replong茅 dans ses fictions, je retrouve chez Gracq quelque chose qui ressemble bien plus 脿 Jules Verne qu'脿 Sainte-Beuve, plus 脿 Stevenson et Conrad qu'脿 Val茅ry : de la grande narration, une vraie machine romanesque. Ce qui est singulier, c'est que c'est puissamment romanesque, mais sans nouveaut茅 technique particuli猫re - et pourtant absolument neuf.听Le Rivage听est un bouquin qui est branch茅 directement sur l'Aventure, la grande fiction narrative telle qu'on la r锚vait au XIXe si猫cle. On y entend souffler ce qu'il appelle听l'esprit-de-l'histoire. En langue fran莽aise, c'est peut-锚tre le dernier grand roman de ce format. Pourquoi Gracq s'est-il arr锚t茅 d'茅crire de la fiction dans les ann茅es 1970 ? 脌 peu pr猫s au m锚me moment que Simenon... Pourquoi ? 禄 (p. 358-359) |
