Jules Huret
(1863-1915)
Dossier
Le roman selon Jules Huret
| Le roman selon Jules Huret, par Evelyne Gagnon, 20 juillet 2010 |
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顿补苍蝉听L'脡cho de Paris聽du 3 mars 1891, Jules Huret inaugure sa c茅l猫bre聽Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire聽; elle s'茅tend sur quatre mois, p茅riode durant laquelle le journaliste interviewe plus de soixante-quatre 茅crivains (po猫tes, romanciers, critiques, dramaturges). Parmi ces gens de lettres, nous retrouvons une vingtaine de romanciers, tant des ma卯tres consacr茅s comme Zola et Goncourt, que des nouveaux venus comme Mirbeau, Gourmont et Rosny. Les questions pos茅es par Jules Huret aux romanciers concernent pour la plupart l'Histoire du roman : ses chefs de file, ses grands courants, son 茅tat actuel, son avenir. 脌 la lecture des entrevues, nous constatons qu'il reste peu de d茅fenseurs du naturalisme. Comme l'exemplifient plusieurs citations ci-jointes, la majorit茅 des romanciers proclament la mort du naturalisme, une mort lib茅ratrice, qui met fin 脿 une litt茅rature brutale, 茅touffante, vaseuse, 芦 [鈥 dont la bassesse nous faisait vomir 禄, d茅clare Remy de Gourmont. Cette rupture n'est gu猫re nouvelle ; les r茅ponses 脿 l'enqu锚te attestent des id茅es qui planent depuis d茅j脿 quelques ann茅es dans les journaux (Le Manifeste des Cinq,聽les critiques de Bruneti猫re, France, Lema卯tre), alors qu'on souligne les insuffisances du roman naturaliste et ses exc猫s. Les r茅ponses aux questions de Jules Huret font clairement sentir un int茅r锚t pour l'补耻-诲别濒脿 du visuel et du tactile ; les romanciers proposent d'abandonner la simple peinture du d茅cor et de s'int茅resser plut么t aux int茅riorit茅s. S'ils s'entendent pour dire que le naturalisme a 茅t茅 fort utile dans l'茅volution litt茅raire, les jeunes romanciers consid猫rent toutefois qu'il a 茅t茅 pouss茅 脿 outrance et que la 谤茅补肠迟颈辞苍 actuelle est in茅vitable. Pour certains, l'茅criture des 芦 psychologues 禄 repr茅sente le retour du pendule ; pour d'autres, elle ne fait qu'une analyse 茅troite de l'esprit humain, et pour pallier l'insuffisance de la description, le roman doit s'茅lever dans une qu锚te plus intellectuelle, une 肠辞尘辫谤茅丑别苍蝉颈辞苍 globalisante de l'univers. L'enqu锚te foisonne en propositions sur l'autre chose聽脿 venir. Chaque romancier d茅fend sa formule : on annonce tant么t un roman symboliste, tant么t mystique, tant么t socialiste. La litt茅rature 脿 venir ne semble pas se dessiner sous formes d'茅肠辞濒别s ma卯tresses, mais plut么t s'atomiser, chacun se d茅liant du pass茅, des ma卯tres, des groupes et proclamant son individualit茅. Certains consid猫rent cette surabondance de directions comme un 茅puisement du genre romanesque, alors que d'autres voient plut么t dans ces multiples tentatives le signe d'une floraison litt茅raire. |
Bibliographie
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Les psychologues : 芦聽Anatole France 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦聽脡douard Rod 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦聽Maurice Barr猫s 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦聽Camille de Sainte-Croix 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦聽Paul Hervieu 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999 Les mages : 芦聽Jos茅phin P茅ladan 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦聽Paul Adam 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. Symbolistes et d茅cadents : 芦 Remy de Gourmont 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. Les naturalistes : 芦 Edmond de Goncourt 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 脡mile Zola 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 J.-K. Huysmans 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 Paul Alexis 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 Henry C茅ard 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. Les n茅o-r茅alistes : 芦 Octave Mirbeau 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 J.-H. Rosny 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 Lucien Descaves 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 Paul Margueritte 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 Abel Hermant 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. Les ind茅pendants : 芦 Jules Claretie 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 Victor Cherbuliez 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. 芦 Juliette Adam 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
Citations
| 芦聽Anatole France 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
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| 芦 1潞 Le naturalisme est-il malade ? - Il me para卯t de toute 茅vidence qu'il est mort, me r茅pondit-il. Je le constate sans une joie d茅mesur茅e, mais aussi sans l'ombre d'un regret. On m'a souvent pr锚t茅 脿 tort une antipathie de parti pris contre le r茅alisme. Je reconnais, au contraire, que Flaubert et les Goncourt ont inaugur茅 magistralement ce proc茅d茅 de litt茅rature m茅thodique et que Zola, avec聽尝'础蝉蝉辞尘尘辞颈谤听别迟听Germinal, a fortement continu茅 l'oeuvre commenc茅e. Mais il 茅tait ais茅 de pr茅voir l'in茅vitable 谤茅补肠迟颈辞苍. Quand on les eut lus, et qu'on se fut dit : 鈥淭out cela est vrai, tr猫s vrai, mais aussi c'est triste, et cela ne nous apprend rien que nous ne sachions鈥︹��, on aspira 脿 autre chose. 禄 (p. 54) 芦 Sans compter qu'il arriva quelques fois que cette pr茅tendue v茅rit茅 devint du parfait mensonge, et du mensonge peu estimable.聽La Terre, par exemple, n'est pas tant l'oeuvre d'un r茅aliste exact que d'un id茅aliste perverti. Ne voir dans les paysans que des b锚tes en rut, c'est tout aussi enfantin, aussi faux et aussi maladif, que de faire de la femme un 锚tre d茅sexu茅, livr茅 au vertige du bleu. Les paysans ne sont pas libidineux pour deux raisons : d'abord ils n'ont pas le temps, ensuite cela les fatiguerait鈥� nous le savons bien鈥� [鈥 Zola, lui, nous montre des paysans, lev茅s 脿 l'aurore, travaillant comme des chevaux, et, malgr茅 cela, s'adonnant 脿 une fornication perp茅tuelle. Non. Pour se donner la peine d'inventer, on pourrait vraiment inventer mieux. 禄 ( p. 54-55) 芦 Et puis, il y a une autre cause 脿 la mort, - provisoire, je veux bien 鈥� du naturalisme. Il n'y a presque plus que les femmes qui lisent le roman, c'est un fait, les hommes n'ont pas le temps. Eh bien ! les femmes n'arrivaient pas 脿 concilier les pr茅jug茅s mondains qui ne sont pas favorables aux oeuvres r茅alistes avec leur amour de la lecture, et le plaisir qu'elles ont 脿 consacrer les r茅putations litt茅raires. Avouez qu'il 茅tait impossible, dans les salons, m锚me les salons bourgeois, de d茅montrer qu'on connaissait聽La Terre聽sur le bout des doigts, et de se passionner pour ou contre, en invoquant des arguments ? Aussi, d猫s les premiers livres de Bourget, vous avez vu l'empressement des femmes vers le roman psychologique. En effet, en m锚me temps qu'elles purent afficher leur auteur favori, elles y trouv猫rent mati猫re 脿 controverse sur les sujets qui les int茅ressaient le plus, elles y virent le souci d'elles, un souci d'amoureux. Car, puisque nous r茅glons le compte du naturalisme, nous pouvons ajouter cette conclusion aux autres : le naturalisme est mort en m锚me temps de聽蝉补濒别迟茅聽et de聽肠丑补蝉迟别迟茅聽! En effet, s'ils peignirent les bassesses et les immondices de la vie 鈥� et par l脿 s'ali茅n猫rent les d茅go没t茅s 鈥� s'ils furent sales, en un mot, jamais ils ne furent voluptueux, et leur client猫le se clairsema vite des tendres et des sentimentaux. Il n'y a pas un amoureux parmi les naturalistes. Cela vous 茅tonne ? Ce n'est pas Zola, qui ne vit et ne montra jamais que la b锚te, ce n'est pas Daudet, ce n'est pas Goncourt qui excelle surtout dans les peintures des d茅viations du sens voluptueux. Alors鈥� 禄 (p.55-56) 芦 2潞 Le naturalisme pouvait-il 锚tre sauv茅 ? - Les deux Goncourt auraient pu sauver le naturalisme et assurer sa dur茅e, s'ils s'茅taient d茅cid茅s 脿 faire du naturalisme mondain, c'est-脿-dire s'ils avaient dirig茅 leur objectif vers les sph猫res mondaines. La r茅alit茅 est aussi bien l脿 qu'ailleurs et les passions d'une femme du monde sont aussi int茅ressantes et f茅condes en observations que cclles des laveuses de vaisselle et des filles. Mais ils y ont pens茅 trop tard, sans doute, 别迟听颁丑茅谤颈别聽reste, dans cette voie, un t芒tonnement. Quand Zola arrive 脿 l'apog茅e de sa renomm茅e, en m锚me temps que triomphait d茅finitivement la d茅mocratie, les grands salons se fermaient, et il n'eut gu猫re, ce semble, l'occasion ou plut么t l'envie de fr茅quenter les femmes du monde. Sans cela, peut-锚tre qu'茅tant alors encore souple, il se f没t d茅cid茅 脿 changer de mati猫re d'exp茅rimentation, et peut-锚tre e没t-il r茅ussi ? Je dis : peut-锚tre, car, au temps o霉 tous deux vivaient encore, les Goncourt, avec leur finesse aristocratique, leur esprit d茅licat et raffin茅, me paraissaient plut么t indiqu茅s pour cette besogne subtile. 禄 (p. 56) 芦 3潞 Par quoi sera remplac茅 le naturalisme ? - Par ce qui, d茅j脿 lui a succ茅d茅, par le roman psychologique dont Bourget a repris la tradition. D'ailleurs, le mouvement est si bien marqu茅 que m锚me les disciples de l'茅肠辞濒别 qui finit se mettent 脿 la psychologie ! Maupassant, dans ses derniers romans, s'y adonne de tout son coeur ; Hennique avait tr猫s longtemps l芒ch茅 ; Huysmans n'avait, lui, jamais pris pied dans la vulgarit茅 naturelle. Et il n'y a gu猫re plus de jeunes 茅crivains de talent qui fassent autre chose : Maurice Barr猫s, cette jeune et si brillante intelligence, ce de Maistre, moins le dogmatisme, Pierre Loti, Rod, Jules Lema卯tre, M. de Vogu毛, que sais-je ! 禄 (p. 56-57) |
| 芦聽脡douard Rod 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Je crois que la litt茅rature naturaliste, sans 锚tre finie, a pass茅 son heure : non seulement 脿 cause des exc猫s de quelques-uns de ses adeptes, mais surtout parce qu'elle a 茅t茅 l'expression litt茅raire de tout un mouvement positiviste et mat茅rialiste qui ne r茅pond plus aux besoins actuels. Le coup d'oeil le plus superficiel sur l'茅tat du monde nous montre que, dans tous les domaines, nous sommes en pleine 谤茅补肠迟颈辞苍. Cette 谤茅补肠迟颈辞苍 a emport茅 le naturalisme. Est-elle une erreur de l'instant ? Est-elle, au contraire, le commencement d'une 猫re de certitudes et de solidit茅 politiques, morales et religieuses ? Je n'en sais rien : nous le verrons ou nous ne le verrons pas. 禄 (p. 64-65) 芦 Il me semble 茅vident, d'ailleurs, que le naturalisme a 茅t茅 fort utile 脿 son heure : il a introduit la pr茅cision dans le roman et la vie dans le style narratif, ce qui est bien quelque chose ; sans parler des libert茅s et des hardiesses qu'il a introduites dans les lettres, et qui, gr芒ce 脿 lui, sont maintenant accept茅es. Aussi, 脿 ce qu'il me semble, y a-t-il une filiation directe entre le naturalisme et le聽psychologisme, malgr茅 les diff茅rences apparentes. 禄 (p. 65) 芦 Je ne me hasarderai pas 脿 proph茅tiser l'avenir de la litt茅rature actuelle. Les psychologues et les symbolistes me semblent des fr猫res, 脿 peu pr猫s jumeaux ; les diff茅rences qui les s茅parent tiennent surtout, je crois, 脿 des diff茅rences de temp茅rament et d'imagination. Les po猫tes sont symbolistes ; les esprits pr茅cis se contentent d'锚tre psychologues. Peut-锚tre sont-ce les symbolistes qui rendront 脿 la litt茅rature le signal茅 service de la sauver de l'abstraction classique. 脌 coup s没r elle en est menac茅e. Mais elle a des chances d'茅viter l'茅cueil, pour cette raison que rien ne se recommence exactement. La question : o霉 allons-nous ? demeure donc absolument r茅serv茅e. Dans le g芒chis des opinions contradictoires, des 茅肠辞濒别s t芒tonnantes, de toutes les id茅es qui se remuent dans les couches sup茅rieures de la litt茅rature, celui qui voudrait distinguer un chemin plus clair que les autres serait bien t茅m茅raire. Pour ma part, je vous l'ai d茅j脿 dit, je crois 脿 la聽谤茅补肠迟颈辞苍, dans tous les sens que ce mot comporte. Mais jusqu'o霉 ira cette 谤茅补肠迟颈辞苍 ? C'est le secret de demain. 禄 (p. 65) |
| 芦聽Maurice Barr猫s 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Oh oui !聽ce qu'on a appel茅 naturalisme聽est une formule d'art qui est aujourd'hui bien morte. Mais remarquez comme c'est toujours le besoin de la v茅rit茅 qui fait les 茅volutions en art. Une esth茅tique se fait jour : peu 脿 peu la beaut茅 qu'elle a innov茅e devient une formule, et fait des adeptes ; une 茅肠辞濒别 est n茅e, elle vit, s'茅panouit ; puis, les disciples 茅triquent de plus en plus la formule ; et, 脿 partir de ce moment, c'est un art mort. Le naturalisme a pass茅 par ces phases ; mais il ne faut pas oublier les services qu'il a rendus. Il est venu 脿 un moment o霉 la litt茅rature 脿 l'eau de rose d'Octave Feuillet 茅tait 脿 la mode ; il y avait l脿 un parti pris de voir avec une certaine beaut茅 conventionnelle les gens du monde, et de ne voir qu'eux, contre lequel les naturalistes ont heureusement r茅agi ; ils ont 茅largi le cadre des pr茅occupations du romancier, ils ont d茅go没t茅 m锚me les gens du monde de cette beaut茅 poncive. Mais enfin, 脿 leur tour, fatalement ils ont subi la loi commune, et je les crois bien finis aujourd'hui. 禄 (p. 66-67) 芦 脌 qui, selon vous, a profit茅 cette d茅faite du naturalisme ? - Je crois que c'est un fait, elle a profit茅 aux psychologues. Leur grande vogue vient de ce qu'ils ont eu des pr茅occupations trop n茅glig茅es par les naturalistes. Ceux-ci avaient fait de minutieuses et pittoresques descriptions des aspects ext茅rieurs et des gestes, des passions, des app茅tits humains. Ceux-l脿, au contraire, Bourget, par exemple, ont voulu consid茅rer ces app茅tits comme le ferait un savant d'une plante qu'il 茅tudierait, en consid茅rant toutes ses racines, la terre o霉 elle pousse et l'atmosph猫re o霉 elle se d茅veloppe. En outre, de m锚me que les naturalistes, par 谤茅补肠迟颈辞苍 contre l'ancienne convention mondaine, s'茅taient cantonn茅s dans la vulgarit茅, les psychologues ont cherch茅 des milieux autres que des milieux de m茅diocrit茅 et des 芒mes diff茅rentes des 芒mes vulgaires. Il doit y avoir plus de luttes et d'int茅ressants d茅bats dans l'芒me, par exemple, d'une imp茅ratrice d茅tr么n茅e qui a connu toutes les gloires et toutes les ruines, que dans l'芒me d'une femme de m茅nage dont le mari rentre habituellement ivre et la b芒t, ou dans celle d'un Sioux attach茅 au poteau de guerre ! 禄 (p. 67-68) 芦 Je fais des livres o霉 de mes amis, en effet, veulent voir des symboles ; et, vraiment, j'ai le go没t de faire dire 脿 mes personnages des choses d'un sens plus g茅n茅ral que le r茅cit des menus faits de leur existence : dans ce sens, je serais donc symboliste. D'ailleurs, c'est l脿 un terme bien vague ; il est certain que, de tout temps, l'art a 茅t茅 symboliste et que, seuls, peut-锚tre, les naturalistes ont affich茅 le parti pris de se tenir dans le fait divers, dans le cas exceptionnel, dans le particulier 茅troit, sans vouloir admettre les g茅n茅ralisations. Tous les personnages de Moli猫re, ceux de Shakespeare et de nos auteurs classiques, sont en m锚me temps des cas particuliers et g茅n茅raux, des 锚tres vivants et des聽types聽: Tartuffe, Rom茅o, B茅atrice, par exemple. 禄 (p. 68) 芦 Personnellement, puisque vous me parlez de moi, je dois vous dire que je ne consacrerais pas volontiers mon existence 脿 ciseler des phrases, 脿 r茅nover des vocables. J'aimerais mieux relire certaine pr茅face que M. Boutroux a mise 脿 l'Histoire de la philosophie grecque聽de Zeller, - ou les pages de Jules Soury, sur la Delia de Tibulle ou les聽R锚veries d'un pa卯en mystique, de Louis M茅nard. Il n'y a pas 脿 dire, les gens ayant une intelligence un peu rigoureuse sont tout de m锚me plus int茅ressants que les 芦 artistes 禄 attitr茅s. Et puis, savez-vous que Henri Heine n'est un po猫te si 茅mouvant que par les qualit茅s qui font en m锚me temps de lui un des plus profonds penseurs de ce si猫cle ? Il a la culture et la clairvoyance鈥� M锚me en art, voyez-vous, il y a int茅r锚t 脿 ne pas 锚tre imb茅cile. 禄 (p. 68-69) 芦 Faites-vous entrer vos livres dans cette formule que vous indiquiez tout 脿 l'heure de psychologie symbolique ? - J'y t芒che.聽Le Jardin de B茅r茅nice, qui vient de para卯tre, est le dernier volume d'une s茅rie de trois ouvrages o霉 j'ai essay茅 d'exprimer ce que j'appelle et ce qu'on a assez appel茅 :聽La Culture du Moi. C'est la monographie, c'est une th茅orie de l'individualisme.聽Sous l'oeil des Barbares聽montre la difficult茅 qu'a un jeune homme 脿 se conna卯tre, 脿 se d茅velopper et 脿 se d茅fendre.聽L'Homme libre聽est un trait茅 de la gymnastique du moi : comment, avec les proc茅d茅s d'Ignace de Loyola et de la Vie des saints, on peut arriver 脿 faire 茅prouver par son moi tout ce qu'il y a d'茅motion au monde.聽Le Jardin de B茅r茅nice聽est, d'une part, un trait茅 pour concilier les n茅cessit茅s de la vie int茅rieure avec les obligations de la vie active, et, d'autre part, un acte de soumission devant l'Inconscient qu'on peut appeler le Divin. 禄 (p. 70) |
| 芦聽Camille de Sainte-Croix 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 En 1884, j'ai publi茅 mon premier roman,听La Mauvaise Aventure, qui fit quelque bruit, et portait pour sous-titre :聽Histoire romanesque. En 1887, j'茅mis dans la pr茅face de mon second roman,听Contempler, une fois pour toutes, le principe de mes id茅es sur le roman que je ne con莽ois qu'essentiellement聽romanesque. [鈥 Dans cette pr茅face de聽Contempler聽脿 laquelle il me faut revenir, je raillais surtout la mode grave adopt茅e par les farceurs contemporains de traiter scientifiquement toute affaire litt茅raire. Pourtant il ne peuvent faire qu'un roman soit autre chose qu'une histoire feinte, 茅crite en prose, o霉 l'auteur cherche 脿 exciter l'int茅r锚t, soit par le d茅veloppement des passions, soit par la peinture de sp茅ciales moeurs, soit par la singularit茅 des aventures. 脌 quelque jargon qu'ils aient recours pour avantager l'importance de leurs productions, quel que soit leur besoin de laisser croire qu'ils continuent Darwin ou Spinoza, il sera toujours facile de ramener l脿 tous nos conteurs. 禄 (p. 73-74) 芦 Un romancier ne compte comme 茅crivain qu'autant qu'il vaut comme homme, grand 茅crivain s'il a de grands sentiments 鈥� petit 茅crivain, s'il a de petits sentiments, - nul, s'il n'en a pas. S'il poss猫de les dons qui constituent tout grand caract猫re, il n'a nul besoin de se livrer 脿 tant d'acrobaties pour que ce qu'il signe soit distingu茅. Qu'il prenne sa plume : 脿 quelque suggestion personnelle qu'il ob茅isse en 茅crivant spontan茅ment des imaginations, toujours elles porteront, puisqu'elle 茅manent de la vie m锚me, le beau signe de V茅rit茅. Et c'est l脿 tout ce qui peut int茅resser quiconque les lira sans parti pris. De ceux que nous apprenons amoureusement, nous n'avons jamais song茅 脿 recevoir une doctrine p茅dagogique. Il a fallu M. Taine pour qualifier Stendhal de psychologue ; et si G茅rard de Nerval a fait du symbolisme, c'est bien sans s'y forcer. 禄 ( p. 75-76) 芦 Les oeuvres sont hautes montagnes ou claires vall茅es ; non point des 茅difices. L'茅crivain est un terrain o霉 la pens茅e pousse en fleurs de style, larges, hautes et sauvages. Ceux-l脿 qui font oeuvre de serre demeurent des bourgeois de banlieue, horticulteurs ou rocailleurs. Voil脿, mon cher confr猫re, quelles sont mes d茅j脿 vieilles id茅es sur le roman 鈥� romanesque, puisque roman. 禄 (p. 76) |
| 芦聽Paul Hervieu 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 La m茅thode naturaliste et la m茅thode psychologique me semblent avoir l'inconv茅nient pareil d'avoir enseign茅 trop visiblement leurs proc茅d茅s, de trop montrer leur trame, et d'茅tablir, 脿 l'usage de tous, un canevas 脿 livres, sur lequel il n'est pas n茅cessaire d'锚tre un聽濒颈迟迟茅谤补迟别耻谤聽proprement dit pour y broder son petit roman. Il suffirait d'锚tre intelligent ; mettons : tr猫s intelligent. 脌 tout homme de belle intelligence, qui a de la m茅moire, et un peu d'exp茅rience d'avoir d茅j脿 v茅cu vingt ou vingt-cinq ans, les naturalistes et les psychologues sont venus d茅montrer qu'il pouvait faire un roman. - 鈥淰oyons, tu as 茅t茅 petit gar莽on, coll茅gien, militaire. Tu es carabin ? employ茅 de minist猫re ? canotier ? v茅locip茅diste ? Raconte ce que cela t'a fait voir, sentir, aimer ou ha茂r. Essaie de bien te rappeler, de tout te rappeler. Raconte-toi. Tout 莽a, c'est de la litt茅rature ; c'est de la litt茅rature. Certes oui, c'est ordinairement de la litt茅rature qui nous est ainsi offerte. Mais il est permis de concevoir une forme plus haute de l'art, une 茅mancipation de la pens茅e plus large que l'脡tat autobiographique, une fa莽on d'oeuvre o霉 l'artiste, ne laissant point transpara卯tre le secret de ses chemins, nous m猫ne par plus de myst猫re dans l'茅motion ou l'茅merveillement. Je suis trop respectueux de l'effort d'autrui, et d'ailleurs je me sais trop faillible, pour vouloir rechercher ici aucun type de l'茅crivain dont je pourrais soutenir qu'il n'aurait eu besoin que d'une grande finesse d'esprit, pour ce qu'il a r茅alis茅 d'茅crire, et non ce don indescriptible, mais si sensible, qui constitue le vrai 濒颈迟迟茅谤补迟别耻谤. Mais, pour le type de ce dernier, quelques exemples me serviront 脿 le caract茅riser parmi quelques-uns de ceux qui me semblent constituer le v茅ritable cours de la litt茅rature, et le marquer, dans le temps pr茅sent, comme le Rh么ne se marque dans le L茅man. [鈥 Des romans, comme聽Daniel Valgraive, de Rosny, comme聽En rade,聽d'Huysmans, comme聽Le Cr茅puscule des Dieux, d'脡l茅mir Bourges, comme聽Un Caract猫re, d'Hennique,听La Force des choses, de Paul Marguerite, ou聽厂辞苍测别耻蝉别听de Jean Lorrain, ne peuvent 茅clore que dans les r茅gions surnaturalistes de l'hallucinations ou du r锚ve. Est-ce qu'aucune pers茅v茅rance de volont茅, aucune ing茅niosit茅 d'observation aurait pu mettre Octave Mirbeau sur la voie de trouver ces inspirations souvent g茅niales, ces visions, ces sources grisantes de passions, d'o霉 sont sortis聽Le Calvaire,听L'Abb茅 Jules聽别迟听S茅bastien Roch聽? En cons茅quence, je ne puis 锚tre port茅 qu'脿 la sympathie pour les tentatives qui tendent 脿 茅lever la litt茅rature, m锚me jusqu'脿 la rendre tr猫s escarp茅e. 禄 (p. 78-79) 芦 Toutefois, quant 脿 r茅ussir, les symbolistes me paraissent entrer dans la lutte pour la vie sous des conditions anormales et d茅savantageuses pour eux. Je m'explique par une comparaison : on a longtemps discut茅 pour savoir si, dans la nature, c'茅tait le p猫re ou la m猫re qui faisait l'enfant. Au temps de聽L'Homme aux quarante 茅cus, la physiologie attribuait ce r么le au p猫re. Eh bien ! en litt茅rature, j'ai le sentiment que l'auteur soit le m芒le, et qu'il fasse une esp猫ce d'enfant au lecteur. Et ce qui me fait un peu douter que le symbolisme, 脿 moins de perfectionnement, puisse 锚tre bien f茅cond, c'est que je lui trouve des formes gracieuses, mais avec des fa莽ons d'茅chapper qui sont presque de pudeur f茅minine ; de sorte qu'il ne me semble enfanter l'id茅e que lorsque le lecteur apporte l脿 un temp茅rament d'auteur. 禄 (p. 79-80) 芦 D'autre part, il se produit peut-锚tre aussi, dans la litt茅rature, une autre 茅volution, dont les Goncourt auraient eu la vue proph茅tique lorsque, en 1856, apr猫s une lecture d'Edgar Poe, ils 茅crivaient : 鈥淐'est la r茅v茅lation de quelque chose dont la critique n'a point l'air de se douter : de l'imagination 脿 coups d'analyse. Le roman de l'avenir appelle 脿 faire plus l'histoire des choses qui se passent dans la cervelle de l'humanit茅 que des choses qui se passent dans son coeur.鈥� Ce 鈥渜uelque chose鈥� a l'air de se d茅gager puissamment de l'oeuvre de Maurice Barr猫s, et d'appara卯tre aussi chez un nouveau venu, de talent original, dans les Contes pour les Assassins, de M. Maurice Beaubourg. 禄 (p. 80) |
| 芦聽Jos茅phin P茅ladan 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 J'ai publi茅 dans聽L'Artiste, il y a quelques ann茅es La Seconde Renaissance fran莽aise et son Savonarole,聽茅tude compar茅e de romantisme et du鈥� n茅ant qui lui a succ茅d茅. J'ai montr茅 la niaiserie d'une formule litt茅raire emprunt茅e 脿 une phrase de Claude Bernard, et qui, 茅tendue aux beaux-arts, produirait des鈥� ignominies. Doctrinalement, le naturalisme n'a jamais exist茅 : ses hommes, sans exception, pr茅sentent unies l'ignorance de l'histoire litt茅raire 脿 l'inconscience en mati猫re d'abstrait鈥� Ce sont des sans-culottes, c'est-脿-dire des incultiv茅s r茅duits 脿 leur propre temp茅rament. Mais s'il est lyrique, le temp茅rament suffit 脿 produire des oeuvres valables : de m锚me qu'un avocat dou茅 s'appuie d'une cause inf芒me pour plaider path茅tiquement. Je vois dans le naturalisme un synchronisme du suffrage universel, et le protagonisme anti-esth茅tique de la canaille : l'茅criture fait sa cour 脿 la rue comme jadis au roi. [鈥 Les psychologues, Monsieur, portent au moins une meilleure 茅pith猫te, extensible, celle-l脿, aux g茅nies, de d'Aurevilly et Villiers de L'Isle-Adam, en remontant jusqu'脿 Balzac et 脿 ce Chateaubriand, le ma卯tre de tout le monde en ce si猫cle. 禄 (p. 82-83) 芦 Ce qui remplacera la grossi猫ret茅 des peintures et les jongleries de mots et de m猫tres ?聽La prostitution, Monsieur, car l'茅crivain qui, au lieu d'imposer son propre id茅al au public incarne l'id茅al courant toujours bas, est un prostitu茅. Je crois que l'avenir est aux filles, en art comme en tout, car je crois 脿 la fatale et imminente putr茅faction d'une latinit茅 sans Dieu et sans symbole. L'avenir appartient aux pollutionnels ; les uns pollueront la bourgeoisie, les autres la pl猫be ; il y aura des sp茅cialistes pour spasme d茅cent et titillation nationale. 禄 (p. 83) 芦 Quant 脿 mon 茅thop茅e dont les huiti猫me et neuvi猫me romans paraissent ce mois, voici ma formule. Il n'y a qu'un sujet en art : 艗dipe ou Orph茅e ou Hamlet, c'est-脿-dire un h茅ros aux prises avec une 茅nigme morale ou sociale. L'int茅r锚t r茅side dans la lutte du h茅ros contre lui-m锚me ou l'antagonisme des 锚tres et des choses. Dois-je pr茅ciser l'h茅ro茂sme : l'adh茅sion 脿 un abstrait, et partant l'incarnation d'une id茅e, au m茅pris de l'instinct et du sens commun. De M茅rodack 脿 Samas et Tammuz, passant par Nebo, Adar et Nergal, j'ai maintenu cette formule et la maintiendrai encore une trentaine de fois. Puisque vous me sollicitez de m'expliquer, je n'admets que l'art pour l'id茅e et d猫s lors j'alourdis mes romans de toute la m茅taphysique que suscite le sujet, m茅prisant trop le public pour songer un instant 脿 son plaisir : et f茅mininement satisfait de rester difficile 脿 lire comme 脿 aborder. 禄 (p. 84) 芦 Qu'est-ce que le Magisme ? dites-vous, Monsieur. C'est la supr锚me culture, - la synth猫se supposant toutes les analyses, le plus haut r茅sultat combin茅 de l'hypoth猫se unie 脿 l'exp茅rience, le patriciat de l'intelligence et le couronnement de la science 脿 l'art m锚l茅. En outre, le Magisme peut s'appeler le patrimoine des hauts esprits 脿 travers le temps, le lieu et la race, toujours conserv茅. Le magisme n'a aucun avenir, parce que, en r茅alit茅, je connais cinq mages, sans me compter : 鈥渓'abb茅 Lacuria, le marquis de Saint-Yves, de Gua茂ta, Papus, Barlet. 鈥� Le reste est fait de tous les d茅soeuvrements et de tous les insucc猫s. [鈥 Le聽minimum聽d'un mage est fait de trois choses : g茅nie, caract猫re, ind茅pendance. 禄 (p. 84-85) 芦 Les chefs-d'oeuvre de chaque race sont les livres religieux de cette race : inutile, n'est-ce pas, d'茅num茅rer Bible, Vedas, Thorah, Kabbale. Les deux plus grandes oeuvres de cette fin de si猫cle,听Parsifal聽别迟听础虫毛濒, sont des th猫mes catholiques. Hors les religions, il n'y a pas de grand art et lorsqu'on est d'茅ducation latine : hors du catholicisme, il n'y a que le n茅ant. Voil脿 pourquoi, comme Mage, j'enseigne que le devoir sup茅rieur de l'intellectuel r茅side tout entier 脿 la manifestation du Divin : voil脿 pourquoi je juge que la fin de la France n'est plus qu'une question d'ann茅es. 禄 (p. 85-86) |
| 芦聽Paul Adam 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 [鈥 l'oeuvre du naturalisme dans l'茅volution des id茅es au dix-neuvi猫me si猫cle est termin茅e. R茅action contre l'hypocrisie de l'脡cole du bon sens de Feuillet et d'Ohnet, le naturalisme a analys茅 les app茅tits et les enthousiasmes, les extr锚mes de la nature humaine active, ext茅rieure, contingente ; les psychologues, depuis Stendhal, par cons茅quent tr猫s ant茅rieurs, analysent les associations d'id茅es et de sentiments, la vie restreinte et int茅rieure. Chacune des deux 茅肠辞濒别s accomplit une oeuvre parall猫le, analytique et documentaire : elle met en place les 茅l茅ments de la vie g茅n茅rale de l'homme soumis aux influences naturelles imm茅diates et concr猫tes ; le psychologisme 茅tudie l'individu soumis aux influences psychiques des milieux sociaux ; le naturalisme, la domination des instincts animaux sur l'锚tre raisonnable ; le psychologisme, les heurts de l'芒me raisonnante et form茅e par l'茅ducation menteuse contre les asp茅rit茅s des r茅alit茅s sociales. Le r茅alisme de l'une et l'autre 茅肠辞濒别 est intense ; les analyses d'Adolphe聽sont aussi r茅elles que les analyses de L'Assommoir, les sujets d'exp茅rience diff猫rent, voil脿 tout. 禄 (p. 88) 芦 Justement toutes ces formules d'analyse diff茅rentes 茅taient pour rappeler une synth猫se : c'est le r么le du symbolisme de la produire, et je crois que c'est le but qu'il se propose. Il voudrait aussi bien traduire la vie ext茅rieure des naturalistes que la vie int茅rieure du psychologue, et le masque conventionnel, avec ses influences, de l'茅肠辞濒别 du bon sens. 脡videmment ce sont l脿 des th茅ories que peu d'oeuvres encore ont appuy茅es. D'ailleurs les artistes qui se recommandent de l'茅tiquette symboliste gardent chacun leur personnalit茅 qui n'entre pas toujours exactement dans les bornes de la formule. 禄 (p. 89) 芦 J'ai une formule 脿 moi que je voudrais exercer sans contr么le. L'art, 脿 mon avis, n'a pas son but en lui-m锚me. Je le d茅finirais l'inscription d'un dogme dans un symbole, il est un moyen pour faire pr茅valoir un syst猫me et mettre au jour des v茅rit茅s. Ce n'est donc pas pour distraire ou pour int茅resser que je fais de la litt茅rature ; il me serait 茅gal, en principe, de n'锚tre actuellement lu par personne, car j'ai la conviction que dans vingt-cinq ou trente ans, les quinze cents lecteurs qui me comprennent maintenant seront dix mille et ainsi de suite, progressivement. 禄 (p. 90) 芦 Quels sont donc, alors, les dogmes que vous pr茅tendez inscrire dans vos symboles ? - C'est d'abord la r茅alisation de cette synth猫se n茅cessaire dont je viens de vous parler. Saisir les rapports des donn茅es h茅t茅rog猫nes apport茅es par les naturalistes et les psychologues, en tirer la raison vitale et essentielle des mouvements humains qui, pour moi, sont tr猫s li茅s aux mouvements de la plan猫te dont l'homme n'est que, pour ainsi dire, une cellule c茅r茅brale et l'humanit茅 l'enc茅phale ; exprimer ces rapports entre les lois sup茅rieures de gravitation, entre l'inconnu ou聽Dieu聽et le ph茅nom猫ne conscient du personnage choisi, celui-ci 茅tant une forme passag猫re o霉 se manifeste, d'ailleurs, l'essence divine et premi猫re, - en un mot r茅aliser dans tout leur ensemble les th茅ories du spinozisme. 禄 (p. 89) |
| 芦 Remy de Gourmont 禄, Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Il n'y a aucun doute sur les tendances des nouvelles g茅n茅rations litt茅raires : elles sont rigoureusement antinaturalistes. Il ne s'agit pas d'un parti-pris, il n'y eut pas de mot d'ordre donn茅 ; nulle croisade ne fut organis茅e ; c'est individuellement que nous nous sommes 茅loign茅s avec horreur d'une litt茅rature dont la bassesse nous faisait vomir. Et il y a encore moins de d茅go没t peut-锚tre que d'indiff茅rence. Je me souviens que, lors de l'avant-dernier roman de M. Zola, il nous fut impossible, au聽Mercure de France, de trouver parmi huit ou dix collaborateurs r茅unis, quelqu'un qui e没t lu enti猫rement聽La B锚te humaine, ou quelqu'un qui consent卯t 脿 la lire avec assez de soin pour en rendre compte. Cette sorte d'ouvrages et la m茅thode qui les dicte nous semblent si anciennes, si de jadis, plus loin et plus surann茅es que les plus folles truculences du romantisme ! 禄 (p.163-164) 芦 Dire qu'il n'y eut, en cette guerre de partisan contre le naturalisme, aucune entente pr茅paratoire du c茅nacle, aucun conciliabule de loge carbonariste, c'est, je crois, la v茅rit茅, mais en abandonnant M. Zola, les jeunes gens savaient qui suivre. Leur ma卯tre (je parle sp茅cialement des plus id茅alistes d'entre nous) 茅tait Villiers de l'Isle-Adam, cet 茅vang茅liste du r锚ve et de l'ironie, et, mort, il est toujours celui que l'on invoque, que l'on relit famili猫rement, celui dont les moindre bouts de papier posthumes ont la valeur de reliques v茅n茅r茅es sans 茅quivoques. Son influence, sur la jeunesse intelligente, est immense : il est notre Flaubert, pour nous ce que fut Flaubert pour la g茅n茅ration naturaliste, qui l'a, d'ailleurs, si mal compris. 禄 (p.164) 芦 Il fallait un adversaire plus direct que tous ceux que je viens de nommer ; Huysmans, engag茅 par distraction dans cette 茅quipe, repris assez promptement conscience de sa valeur personnelle et de sa mission. Apr猫s avoir fait du naturalisme sup茅rieur, m锚me en la stricte formule impos茅e, 脿 celui de M. Zola (voyez聽Les Soeurs Vatard), il se f芒cha tout d'un coup, jeta ses fr猫res 脿 l'eau (ils y sont rest茅s) et lib茅ra, en d茅ployant聽脌 Rebours, toute une litt茅rature neuve qui 茅touffait, 茅cras茅e sous un tas d'immondices. Nous lui devons beaucoup : il faut insister l脿-dessus et le redire et relire tel chapitre de ce m茅morable br茅viaire. 禄 (p.165) 芦 Maintenant il faut 锚tre juste, on n'茅tait pas mauvais, sans r茅mission, dans la formule naturaliste. L'observation exacte est indispensable 脿 la refabrication artistique de la vie. M锚me pour une figure de r锚ve pur, un peintre est tenu 脿 respecter l'anatomie, 脿 ne pas faire divaguer les lignes, 脿 ne pas plaquer d'impossibles couleurs, 脿 ne pas s'abandonner 脿 des perspectives chinoises. L'id茅alisme le mieux d茅termin茅 au m茅pris de la r茅alit茅 brute doit s'appuyer sur l'exactitude relative qu'il est donn茅 脿 nos sens de pouvoir conna卯tre. Ce besoin de l'exactitude, le naturalisme nous l'a mis dans le sang : tel son r么le et son bienfait. Mais ce bienfait est acquis et ce r么le est fini. Qu'est, ou que sera l'autre chose ? Je n'en sais rien. [鈥 Si l'on d茅nommait cette litt茅rature nouvelle l'Id茅alisme, je comprendrais mieux et m锚me tout 脿 fait bien . L'Id茅alisme est cette philosophie qui, sans nier rigoureusement le monde ext茅rieur, ne le consid猫re que comme une mati猫re presque amorphe qui n'arrive 脿 la forme et 脿 la vraie vie que dans le cerveau ; l脿, apr猫s avoir subi sous l'action de la pens茅e de myst茅rieuses manipulations, la sensation se condense ou se multiplie, s'affine ou se renforce, acquiert, relativement au sujet, une existence r茅elle. Ainsi, ce qui nous entoure, ce qui est ext茅rieur 脿 nous n'existe que parce que nous existons nous-m锚mes. Donc, autant de cervelles pensantes, autant de mondes divers, et, lorsqu'on veut les repr茅senter, autant d'arts diff茅rents. Ce que vous appelez r锚ve et fantaisie est la vraie r茅alit茅 pour qui a con莽u ce r锚ve ou cette fantaisie. Donc, encore, libert茅 illimit茅e dans le domaine de la cr茅ation artistique, anarchie litt茅raire. Aussi bien, est-ce l'茅tat pr茅sent de la litt茅rature. C'est le plus enviable. Gardons-nous des faiseurs de r猫gles ; n'acceptons aucune formule ; livrons-nous 脿 nos temp茅raments, soyons et restons libres. 禄 (p.165-166) 芦 On m'a dit que dans mon roman r茅cemment publi茅,听Sixtine, j'avais 鈥渇ait du symbolisme鈥� : or, voyez mon innocence, je ne m'en 茅tais jamais dout茅. N茅anmoins, je l'appris sans grand 茅tonnement : l'inconscience joue un si grand r么le dans les op茅rations intellectuelles; - je crois m锚me qu'elle joue le premier de tous, celui d'imp茅ratrice-reine!禄 (p.166) 芦 Ah ! je crois tout de m锚me que si la critique 茅tait aux mains d'hommes aussi clairvoyants, aussi francs, d'茅crivains aussi passionn茅s, d'aussi noble caract猫re que M. Octave Mirbeau, - au lieu d'appartenir aux France, aux Lema卯tre, 脿 tous les rat茅s de l'脡cole Normale, - Villiers n'aurait pas d没, pour vivre, peiner comme un manoeuvre, ni Mallarm茅 enseigner courageusement l'anglais 脿 des potaches, ni Huysmans forclore, en un bureau, les meilleures heures de sa vie ! 禄 (p.167) 芦 La prose, c'est le roman, le roman lib茅r茅 des vieux harnois : il ne s'est pas renouvel茅 aussi vite que la po茅sie. Il n'y a pas, hormis Huysmans, de ma卯tre 脿 comparer 脿 ceux d'hier, 脿 Flaubert, 脿 Barbey d'Aurevilly, aux Goncourt ; il n'y a m锚me pas un fou lucide qui nous jette dans les jambes quelques聽Chants de Maldoror.聽Les psychologues s'茅teignent un 脿 un, comme les bougies d'un cand茅labre, en les salons o霉 ils fr茅quentent. Seuls brillent, dans la p茅nombre, Barr猫s aliment茅 par l'ironie et Margueritte dont la flamme est une 芒me. Quand aux naturalistes de la derni猫re heure, Descaves, si consciencieux artiste, les repr茅sente, et il y suffit ; et d'entre les inclassables, enfin, surgissent un 茅trange et presque t茅n茅breux fantaisiste, un enfant (terrible) de l'auteur des聽Diaboliques, Jean Lorrain, C. de Sainte-Croix, romancier subtil, incorruptible critique, et ce brodeur de si fines 茅toles, F. Poictevin. 禄 (p. 168) 芦 En somme, si j'en devais juger par ce qu'il m'est donn茅 de r锚ver pour ma propre litt茅rature [鈥 je pourrais m'aventurer 脿 dire que la litt茅rature prochaine sera聽mystique. Un catholicisme, un peu sp茅cial, mais pas h茅r茅tique, r茅gnera demain, - pour combien de temps ? 鈥� sur l'art tout entier. [鈥 Un peu d'encens, un peu de pri猫re, un peu de latin liturgique, de la prose de Saint Bernard, des vers de Saint Bonaventure, - et des secrets pour exorciser M. Zola ! 禄 (p.168) |
| 芦 Edmond de Goncourt 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Oui, r茅pondit-il 脿 ma premi猫re question, - je crois que le mouvement聽naturaliste聽鈥� disons naturiste, comme s'expriment les Japonais, - je crois qu'il touche 脿 sa fin, qu'il est en train de mourir, et qu'en 1900 il sera d茅funt et remplac茅 par un autre. Oui, il sera d茅c茅d茅 脿 la suite d'une mort naturelle, sans 锚tre empoisonn茅, comme on le pr茅tend, par ses oeuvres, - et cela logiquement, parce qu'il aura un demi-si猫cle d'existence, qui est la moyenne de l'existence des mouvements litt茅raires de ce temps : du romantisme tout aussi bien que du naturalisme. Et les deux mouvements litt茅raires auront fait chacun leur besogne : le romantisme aura infus茅 du sang neuf dans l'an茅mie de la langue de la Restauration ; le naturalisme aura remplac茅 l'humanit茅 de dessus de pendule聽du romantisme par de l'humanit茅 d'apr猫s nature. Or, comme tout mouvement litt茅raire est une 谤茅补肠迟颈辞苍 contre le mouvement qui l'a pr茅c茅d茅, il est incontestable que, dans l'茅volution qui doit s'accomplir, cette 谤茅补肠迟颈辞苍 aura lieu鈥� 禄 (p.186) 芦 [鈥 les gens qui se posent, d'avance, pour nos successeurs, me semblent 锚tre presque tous des po猫tes. [鈥 je me demande si, au dix-neuvi猫me si猫cle, en cette toute-puissance de la prose po茅tique, en cette domination de la langue de Chateaubriand et de Flaubert, je me demande si un grand mouvement intellectuel peut 锚tre men茅 par des versificateurs. Les vers me semblent, 脿 moi, la langue des jeunes peuples, des peuples 脿 l'aurore, et non pas la langue des vieux peuples, des peuples 脿 leur coucher de soleil. Hugo a 茅t茅 une exception monstrueuse de g茅nie. Il peut encore exister derri猫re lui des charmeurs dans le genre, mais l'action de la litt茅rature sur les masses, je crois qu'elle n'appartient plus aux vers. 禄 (p.186-187) 芦 De quel c么t茅, selon vous, ma卯tre, s'oriente la 谤茅补肠迟颈辞苍 ? - C'est clair comme le jour : dans le mouvement qui se pr茅pare, il se fera une pr茅dominance de la psychologie sur la physiologie. Mais je ne vois pas encore les chefs, les t锚tes de colonnes de ce mouvement. Dans les gens qui viennent apr猫s nous, je discerne des gens d'un tr猫s grand talent, comme Huysmans, comme Maupassant, comme Mirbeau, comme Rosny, comme Margueritte, comme Hennique, comme d'autres encore ; mais en dehors de l'ind茅pendance et de l'envol茅e libre de tout talent, ces nouvelles fourn茅es de la gloire me semblent se rattacher encore 脿 l'茅肠辞濒别 naturaliste. 禄 (p.187) 芦 Ma pens茅e, en d茅pit de la vente plus grande que jamais du roman, est que le roman est un genre us茅, 茅cul茅, qui a dit tout ce qu'il avait 脿 dire, un genre dont j'ai tout fait pour tuer le聽romanesque, pour en faire des sortes d'autobiographies, de m茅moires de gens qui n'ont pas d'histoire. Mais ce n'est point assez encore. Pour moi il y a une nouvelle forme 脿 trouver que le roman pour les imaginations en prose, et l'inventeur et les propagateurs de cette forme, qu'ils soient mat茅rialistes, spiritualistes, symbolistes, n'importe quoi en聽iste聽seront, selon mon id茅e, les meneurs du mouvement intellectuel du vingti猫me si猫cle. 禄 (p.188) 芦 Vous ne me parlez pas des psychologues, fis-je ? - Eh ! bien cela nous permettra d'en finir avec cette 茅tiquette de 鈥渘aturaliste鈥� qu'on a coll茅e, malgr茅 nous, sur nos chapeaux. Est-ce que nos oeuvres sont tant que 莽a naturalistes d'un bout 脿 l'autre ? Est-ce que nous n'avons pas compris que dans une oeuvre, dans un livre m锚me, il doit y avoir du physique et du psychique ? Combien de livres a 茅crits Daudet, qu'on ne peut pas classer dans ce compartiment 茅troit o霉 on nous enferme ! Zola lui-m锚me n'a-t-il pas fait Le R锚ve ? Et moi, qui ai fait聽Germinie Lacerteux, n'ai-je point 茅crit聽Madame Gervaisais, un roman d'un psychologue aussi psychologue que les plus psychologues de l'heure actuelle!禄 (p.188) |
| 芦 脡mile Zola 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Le naturalisme est fini ! Qu'est-ce 脿 dire ? Que le mouvement commenc茅 avec Balzac, Flaubert, Goncourt, continu茅 ensuite par Daudet et moi, et d'autres que je ne nomme pas, tire 脿 sa fin ? C'est possible. Nous avons tenu un gros morceau de si猫cle, nous n'avons pas 脿 nous plaindre ; et nous repr茅sentons un moment assez splendide dans l'茅volution des id茅es au dix-neuvi猫me si猫cle pour ne pas craindre d'envisager l'avenir. Mais pas un ne nous a dit encore, et j'en suis 茅tonn茅 : 鈥淰ous avez abus茅 du fait positif, de la r茅alit茅 apparente des choses, du document palpable ; de complicit茅 avec la science et la philosophie ; vous avez promis aux 锚tres que le bonheur dans la v茅rit茅 tangible, dans l'anatomie, dans la n茅gation de l'id茅al et vous les avez tromp茅s ! Voyez, d茅j脿 l'ouvrier regrette presque les jurandes et maudit les machines, l'artiste remonte aux balbutiements de l'art, le po猫te r锚ve au moyen 芒ge鈥� Donc, sectaires, vous avez fini, il faut autre chose, et nous, voil脿 ce que nous faisons !鈥� [鈥� ] cette 谤茅补肠迟颈辞苍 est logique, et, pendant dix ans, pendant quinze ans, elle peut triompher, si un homme para卯t, qui r茅sume puissamment en lui cette plainte du si猫cle, ce recul devant la science. Voil脿 comment le naturalisme peut 锚tre mort ; mais ce qui ne peut pas mourir, c'est la forme de l'esprit humain qui, fatalement, le pousse 脿 l'enqu锚te universelle, c'est ce besoin de rechercher la v茅rit茅 o霉 qu'elle soit, que le naturalisme a satisfait pour sa part. Mais que vient-on offrir pour nous remplacer ? Pour faire contrepoids 脿 l'immense labeur positiviste de ces cinquante derni猫res ann茅es, on nous montre une vague 茅tiquette 鈥渟ymboliste鈥�, recouvrant quelques vers de pacotille. Pour clore l'茅tonnante gloire de ce si猫cle 茅norme, pour formuler cette angoisse universelle du doute, cet 茅branlement des esprits assoiff茅s de certitude, voici le ramage obscur, voici les quatre sous de vers de mirliton de quelques assidus de brasserie. 禄 (p. 190) 芦 L'avenir appartiendra 脿 celui ou 脿 ceux qui auront saisi l'芒me de la soci茅t茅 moderne, qui, se d茅gageant des th茅ories trop rigoureuses, consentiront 脿 une acceptation plus logique, plus attendrie de la vie. Je crois 脿 une peinture de la v茅rit茅 plus large, plus complexe, 脿 une ouverture plus grande sur l'humanit茅, 脿 une sorte de classicisme du naturalisme. 禄 (p. 192) 芦 Le romantisme s'expliquait, socialement, par les Secousses de la R茅volution et les guerres de l'Empire ; apr猫s ces massacres les 芒mes tendres se consolaient dans le r锚ve. Litt茅rairement, il est le d茅but de l'茅volution naturaliste. La langue, 茅puis茅e par trois cents ans d'usage classique, avait besoin d'锚tre retremp茅e dans le lyrisme, il fallait refondre les moules 脿 images, inventer de nouveaux panaches. Mais, ici [symbolisme], quel besoin de changer la langue enrichie et 茅pur茅e par les g茅n茅rations romantiques, parnassiennes, naturalistes ? Et quel mouvement social traduit le symbolisme, avec son obscurit茅 de bazar 脿 dix-neuf sous ? Ils ont, au contraires, tout contre eux : le progr猫s, puisqu'ils pr茅tendent reculer ; la bourgeoisie, la d茅mocratie, puisqu'ils sont obscurs. 禄 (p. 192) 芦 Donc, c'est entendu, le naturalisme finira quand ceux qui l'incarnent auront disparu. On ne revient pas sur un mouvement, et ce qui lui succ茅dera sera diff茅rent, je vous l'ai dit. La mati猫re du roman est un peu 茅puis茅e, et pour la ranimer il faudrait un bonhomme ! Mais, encore une fois, o霉 est-il ? Voil脿 toute la question [鈥 D'ailleurs, si j'ai le temps, je le ferai, moi, ce qu'ils veulent ! 禄 (p. 193) |
| 芦 J.-K. Huysmans 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 脡videmment, [鈥 le naturalisme est fini鈥� Il ne pouvait pas toujours durer ! Tout a 茅t茅 fait, tout ce qu'il y avait 脿 faire de nouveau et de typique dans le genre. [鈥 Je crois que dans le domaine de l'observation pure, on peut s'arr锚ter l脿 ! [鈥 l脿 o霉 il [Zola] a pass茅, il ne reste plus rien 脿 faire : de m锚me qu'apr猫s Flaubert, la peinture de la vie m茅diocre est interdite 脿 quiconque, et qu'apr猫s Balzac il est inutile de reprendre des Goriot ou des Hulot ; de m锚me encore鈥� Tenez, dans ce quartier de la rue de S猫vres et de Vaugirard, il y a des coins de couvent qui me tenteraient bien鈥� mais quoi ! comment oser m锚me essayer, quand on a lu Les Mis茅rables聽! Non, je vous dis, apr猫s des 锚tres pareils, il n'y a plus qu'脿 s'asseoir鈥� 禄 (p. 196) 芦 Que pensez-vous des psychologues ? [鈥 - [鈥 Cela existe-t-il donc aussi ? Eh bien, ils auront beau faire, allez, ce n'est pas eux qui auront les reins assez solides pour fiche Goncourt bas ! Quand on a fait聽La Faustin,聽on peut 锚tre tranquille [鈥. Goncourt l'a bien comprise, l'erreur du naturalisme, et il l'a 茅vit茅e ; sa com茅dienne est une exception, elle est sur茅lev茅e, elle est superbe ! S'il nous avait d茅peint Schneider, ou n'importe quelle autre dans le genre, 莽a n'aurait pas int茅ress茅. D'abord qui 莽a, les psychologues ? Bourget ? Avec ses romans pour femmes juives, sa psychologie de th茅i猫re, comme l'a si bien qualifi茅e Lorain. Barr猫s avec ses joujoux an茅miques ? [鈥 Il y a dans ce si猫cle-ci un certain Hello qui est tout de m锚me un peu plus fort qu'eux tous ; et, quand vous 锚tes arriv茅, j'en lisais un autre, un mystique flamand du treizi猫me si猫cle, le d茅nomm茅 Ruysbroeck [鈥 Eh bien, vraiment, vous savez, il y a plus de science et de 肠辞尘辫谤茅丑别苍蝉颈辞苍 du coeur humain dans une page de celui-l脿 que dans tous les Stendhal, tous les Bourget et tous les Barr猫s du monde ! 禄 (p. 200) 芦 Selon vous, o霉 va-t-on ? - 脌 vrai dire, je n'en sais rien. Le mat茅rialisme cr猫ve ; le spiritualisme pur est impossible ; le juste milieu, en cela, comme en tout, est 茅coeurant鈥� Je vous le dis, je n'en sais rien ; il faut attendre le Messie鈥'il doit venir. [鈥 Zola ne vous a-t-il pas dit que, s'il en avait le temps, il se mettrait lui-m锚me 脿 chercher聽l'autre chose聽? [鈥 Eh bien ! savez-vous qu'il en est capable ! [鈥 Il est encore jeune, et s'il veut, d'un coup de ses reins d'athl猫te, il peut percer le tunnel o霉 il a accul茅 le naturalisme鈥� 禄 (p.200-201) |
| 芦 Paul Alexis 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Non, il n'est pas mort le naturalisme ! Il est si peut mort, que, entrevu peut-锚tre par Bacon et, 脿 coup s没r, par Diderot, pratiqu茅 inconsciemment par l'auteur de聽Manon Lescaut, repris dans ce si猫cle par Balzac et Stendhal (que Flaubert, les Goncourt, Duranty, Zola et quelques autres continu猫rent], le naturalisme n'en est tout de m锚me encore qu'aux premiers balbutiements. En cette fin de si猫cle, o霉 tant de choses sont mures, sur le point de crouler de v茅tust茅, lui est encore jeune, tout jeune. Demain, plus encore qu'aujourd'hui, lui appartient. Le naturalisme sera la litt茅rature du XXe si猫cle. 禄 (p. 205) 芦 Le naturalisme n'est pas une 鈥渞h茅torique鈥�, comme on le croit g茅n茅ralement, mais quelque chose d'autrement s茅rieux, 鈥渦ne m茅thode鈥�. Une m茅thode de penser, de voir, de r茅fl茅chir, d'茅tudier, d'exp茅rimenter, un besoin d'analyser pour savoir, mais non une fa莽on sp茅ciale d'茅crire. [鈥 Au contraire, le naturalisme est assez large pour s'accommoder de toutes les 鈥溍ヽritures鈥�. Le ton d'un proc猫s-verbal d'un Stendhal, la s茅cheresse impopulaire d'un Duranty trouvent gr芒ce devant lui autant que le lyrisme concentr茅 et impeccable de Flaubert, que l'adorable nervosit茅 de Goncourt, l'abondance grandiose de Zola, la p茅n茅tration malicieuse et attendrie de Daudet. Tous les temp茅raments d'茅crivains peuvent aller avec lui. Aussi le naturalisme n'est-il nullement une secte une confr茅rie, une 茅肠辞濒别, un clan, une franc-ma莽onnerie, une chapelle. On n'y entre pas comme dans un moulin, ou 脿 la brasserie. On ne s'y pr茅sente pas comme 脿 l'Acad茅mie ou aux Mirlitons. Du naturalisme 茅clate 鈥� et nous prend au coeur 鈥� 脿 chaque page m锚me de聽厂补濒补尘尘产么听[鈥 禄 (p.206) 芦 Voil脿 donc bien 茅tabli que le naturalisme n'est nullement ce qu'un tas de critiques ont eu le snobisme de croire. Ni une fa莽on sp茅ciale de tortiller le verbe 茅crit ! ni une affectation d'immortalit茅 ou de brutalisme ! ni une panac茅e pouvant rem茅dier au manque de talent ! Comme vous le disait M. Edmond de Goncourt, il consiste 脿 remplacer de plus en plus l'humanit茅 de 鈥渄essus de pendule鈥� du romantisme, par de l'humanit茅 d'apr猫s nature. 禄 (p. 207) 芦 Le naturalisme, en somme, n'est qu'une ramification, dans le domaine de la litt茅rature, du large courant g茅n茅ral qui emporte le si猫cle vers plus de science, vers plus de v茅rit茅 et, sans doute aussi, plus de bonheur. Les vrais naturalistes, les purs, ne sont donc pas six, ni deux, ni un 脿 proprement parler, il n'en existe pas encore. Mais ils seront l茅gion, car la voie est large, le but haut et lointain, et c'est dans cette direction que peineront 脿 leur tour nos enfants et les enfants de nos petits-enfants. Quant 脿 nous-m锚mes, et 脿 ceux de nos a卯n茅s que nous aimons, en nous effor莽ant de les continuer, ni les uns ni les autres ne sommes encore v茅ritablement des naturalistes. Le romantisme, dont nous sommes tous sortis, est encore l脿, trop pr猫s. Nul de nous n'est jusqu'ici parvenu 脿 purger compl猫tement son sang du virus romantique h茅r茅ditaire. 禄 (p. 208-209) 芦 Mais, Bourget except茅, je trouve que les psychologues ne sont que des naturalistes malingres, affaiblis. De petits fr猫res 脿 nous, mal venus, avant terme, qu'il a fallu 茅lever dans du coton, et qui se ressentiront toute leur vie d'une jeunesse souffreteuse, pouss茅e en serre chaude. Qu'ils prennent donc du fer, sacrebleu ! ces gaillards-l脿. Oh ! ils en ont besoin ! Peut-锚tre, alors, cesseront-ils de s'astreindre 脿 ne faire que du demi naturalisme. Je vous demande un peu, lorsqu'on n'arrive 脿 la connaissance compl猫te de l'homme par la physiologie et la psychologie, pourquoi tenir une des deux fen锚tres obstin茅ment ferm茅es ? L'erreur inverse, d'ailleurs, serait tout aussi imb茅cile鈥� Bourget, lui, au moins, bien qu'on le place parmi les psychologues, est un passionn茅 de lettres et de vie, un sain et un vigoureux, qui ne crache nullement sur la physiologie鈥� 禄 (p. 209) 芦 Au vingti猫me si猫cle, il n'y aura m锚me plus d'茅肠辞濒别s du tout. Car le naturalisme est le contraire d'une 茅肠辞濒别. Il est la fin de toutes les 茅肠辞濒别s, mais l'affranchissement des individualit茅s, l'茅panouissement des natures originales et sinc猫res. 禄 (p. 210) |
| 芦 Henry C茅ard 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Comment le naturalisme peut-il mourir puisqu'il n'a jamais exist茅 ? - Comment, jamais exist茅 ? 鈥� Non, il n'a jamais exist茅 ainsi qu'on l'entend g茅n茅ralement, c'est-脿-dire comme une litt茅rature d'accident, comme un produit spontan茅 de notre 茅poque. Dans tous les si猫cles, il y a toujours eu 脿 l'茅tat latent, derri猫re la litt茅rature officielle, parall猫lement 脿 la litt茅rature d'imagination, une litt茅rature d'observation. Sous Louis XIV, c'est Fureti猫re avec聽Le Roman bourgeois, c'est surtout l'admirable Saint-Simon. Plus tard, 脿 c么t茅 de Voltaire, c'est Diderot et Restif de la Bretonne. Plus tard encore, en m锚me temps que Victor Hugo, c'est Balzac. Lequel des deux matera l'autre, la fonction ou l'esprit, toute la question est l脿. Ce qui existe r茅ellement, c'est le fait de voir les choses telles qu'elles sont, dans l'atmosph猫re que leur donne la science du moment. La minorit茅 mat茅rialiste se d茅sint茅ressera-t-elle jamais de l'observation ? l'humanit茅 茅chappera-t-elle jamais 脿 elle-m锚me ? Il y aura toujours des individus qui pr茅f猫reront r锚ver. D'autres, au contraire, aimeront mieux conna卯tre, encore que leur savoir leur am猫ne un accroissement de douleur. Mais qui est ma卯tre de la tournure des intelligences ? Quant au naturalisme, sa vie ou sa mort apparentes n'ont pas d'importance. Admettez qu'il se soit tromp茅 dans la formule de ses th茅ories et qu'il leur ait donn茅 une d茅fectueuse application, son erreur ne signifierait rien. Il a servi, il a excit茅 la litt茅rature et donn茅 le go没t du nouveau, de l'original. A-t-il cess茅 d'锚tre vrai ? C'est possible. Mais alors il se trouve dans les conditions m锚mes de toutes les exp茅riences scientifiques, o霉 la r茅alit茅 d'hier n'est plus celle de demain. 禄 (p. 212) 芦 [鈥 ne croyez-vous pas possible et normale une 谤茅补肠迟颈辞苍, - provisoire si vous voulez, - contre la litt茅rature mat茅rialiste ? - Parbleu ! et il faut qu'elle soit. O霉 serait la vie sans ces combats continuels ? Et puis, c'est le pendule, c'est le va-et-vient, et ce qui para卯t si extraordinaire, au demeurant, n'est que monotone. Regardez. La litt茅rature de la Renaissance est une 谤茅补肠迟颈辞苍 contre le mysticisme du moyen 芒ge. Qu'est-ce que le romantisme ? une 谤茅补肠迟颈辞苍 contre l'esprit positif du dix-huiti猫me si猫cle. 禄 (p. 213) 芦 La psychologie ! Mais on n'en fait pas dans les livres ! Ce n'est pas une science dont les principes se d茅duisent d'eux-m锚mes ; c'est l'empirisme de la vie ; elle n'existe que par l'accumulation des observations qu'on peut faire sur les autres et sur soi-m锚me. Cela peut servir 脿 poser des r猫gles et des axiomes, mais qui sont alors purement du domaine de la philosophie ; ce n'est donc pas encore de la litt茅rature ; car il ne suffit pas d'inventer de toutes pi猫ces des personnages en leur attribuant arbitrairement tels ou tels go没ts, telles ou telles habitudes comme le fait Bourget pour avoir fait ce qu'on pourrait de m锚me appeler un roman psychologique.Tenez, voyez Bourget, il 茅crit quelque part cette phrase : 鈥淐'茅taient des femmes d'un esprit tr猫s retir茅, car elles habitaient au fond de la cour !鈥� Eh bien ! non ! si c'est 脿 ce qu'on appelle conna卯tre 鈥渓es rouages du coeur humain鈥�, 莽a n'est vraiment pas fort ! 禄 (p. 213) 芦 Mais n'y a-t-il pas eu des violences dans le naturalisme ? - Qu'appelez-vous violences ? Il y a eu le r茅sultat logique des chinoiseries spiritualistes contre lesquelles il luttait. D'ailleurs ces libert茅s de langage sont classiques et essentiellement dans les traditions fran莽aises des myst猫res et des vieux fabliaux ; c'est l'茅ternel style de la querelle entre la chair et l'esprit, entre le pr茅cis et l'impr茅cis. Le quinzi猫me si猫cle suivait d茅j脿 le d茅bat du corps et de l'芒me, et la pol茅mique s'茅tablit aujourd'hui dans les livres comme jadis elle se faisait au long des porches de cath茅drales. [鈥 Aux accents des psaumes liturgiques sacerdotalement chant茅s sous les sombres piliers, elle [la vie] m锚le au grand soleil le cri de protestation de ses besoins physiques et l'hymne des revendications de la chair. Rabelais, lui aussi, avait 茅t茅 satur茅 jusqu'au d茅go没t des subtilit茅s enseign茅es dans les 茅肠辞濒别s, aussi c'est pour s'en venger et rendre 脿 la nature ses droits m茅connus qu'il a embren茅 de sa scatologie agressive toutes les pages de son oeuvre. Pourtant si la dispute continue, les adversaires commencent 脿 se mieux conna卯tre. La chair a d茅m锚l茅 les fonctions de l'esprit et l'esprit se montre plus volontiers indulgent aux pratiques de la chair. La physiologie peu 脿 peu a amen茅 quelque rapprochement, et l'heure n'est peut-锚tre pas tr猫s 茅loign茅e o霉 les deux 茅l茅ments oppos茅s finiront par se tol茅rer, sinon par s'entendre. 禄 (p. 214-215) 芦 [鈥 je crois avoir devin茅 ce qu'ils [les symbolistes] pr茅tendent r茅aliser. Ils ont cette pr茅occupation de rendre les notes harmoniques, les vibrations infinit茅simales des circonstances et des 锚tres. Ils ont entrepris de d茅composer la sensation comme les impressionnistes tentent en leur tableaux de d茅composer la lumi猫re. 禄 (p. 216) 芦 Quand ils [les symbolistes] se tromperaient, o霉 serait le mal ? et ne faut-il pas se souvenir que c'est des t芒tonnements des alchimistes impuissants et acharn茅s 脿 fabriquer de l'or qu'est sortie la chimie moderne, et qu'aucun effort n'est jamais inutile ni m茅prisable. D'ailleurs, je tiens pour toutes les manifestations nouvelles, quelles qu'elles soient. Nos pr茅f茅rences ne signifient rien. Les querelles d'茅肠辞濒别 n'ont que l'int茅r锚t de la circonstance, il faut les laisser de c么t茅 et voir les choses avec plus de d茅tachement. 禄 (p. 216-217) 芦 Aussi, demanderais-je aux symbolistes qu'avant d'茅tudier l'补耻-诲别濒脿, ils connussent d'abord le听濒脿听! Car s'ils ne tiennent compte que de la sonorit茅 des choses, comme ils paraissent y tendre, ils auront vite fatigu茅 ceux qui laisseront volontiers leur oreille artiste s'amuser un instant 脿 la musique des mots, mais dont l'esprit a besoin, en fin de compte, d'images et d'observations pr茅cises. La litt茅rature est un r茅sum茅 de tout, elle comprend aussi, 脿 c么t茅 des agr茅ments de la musique, l'ordonnance de la peinture et la proportion de l'architecture, elle comprend tant d'autres choses encore ! Il n'y a d'avenir pour un mouvement litt茅raire quelconque que s'il se soucie du c么t茅 scientifique. 禄 (p. 217) 芦 Mais je crois qu'il viendra un bonhomme qui, sans s'en douter pour un sou, ramassera tout 莽a, les id茅es en l'air, les tendances et les th茅ories des uns et des autres, fera en litt茅rature ce que Wagner a fait en musique, et rendra, en m锚me temps, la musique, la sensation, la peinture des choses ! Oh ! ce sera beau, cela ! Et je voudrais bien le voir ! Ce sera bien beau ! Et puis apr猫s l'homme qui aura r茅alis茅 le r锚ve, on dira : 鈥� Il nous en donne trop, celui-l脿 ! 鈥� Et on recommencera, on fera contre lui une 谤茅补肠迟颈辞苍, et tout le monde se mettra 脿 travailler et 脿 ne pas se comprendre ; cela jusqu'脿 la fin des si猫cles. 鈥� L'histoire litt茅raire ne nous donne pas de plus consolante le莽on. 禄 (p. 218) |
| 芦 Octave Mirbeau 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Le naturalisme ! mais je m'en fiche ! Croyez vous que, dans cinquante ans seulement, il subsistera quelque chose des 茅tiquettes autour desquelles on se bat 脿 l'heure qu'il est ! Mais qu'il soit vivant ou mort, le naturalisme, est-ce que Zola ne demeure pas l'artiste 茅norme, l'茅vocateur puissant des foules, le descriptif 茅blouissant qu'il a toujours 茅t茅 ? Quand il a 茅crit un beau livre, qu'est-ce que 莽a peut nous faire que 莽a soit naturaliste ou pas naturaliste ! Tout de m锚me, il y a une 谤茅补肠迟颈辞苍, 谤茅补肠迟颈辞苍 bienfaisante contre cette absence de toute pr茅occupation de l'intellectuel, contre cette n茅gation de tout id茅al, qui auront marqu茅 d'une tache b锚te l'茅肠辞濒别 naturaliste. Et tout le mouvement actuel est aussi le signe que la jeunesse n'est pas morte et qu'elle s'occupe un peu 脿 se frayer un chemin au travers des vieux ronds-de-cuir qui d茅tiennent toutes les sp茅cialit茅s de la litt茅rature et de l'art. 禄 (p. 225) 芦 Barr猫s, on est l脿 脿 l'emb锚ter tout le temps avec son聽moi, c'est idiot ! Mais tonnerre ! son聽moi聽est plus int茅ressant, je pense, que celui de M. Sarcey qui en encombre les colonnes de trois cents journaux tous les jours ! Et je consid猫re son dernier livre, son聽Jardin de B茅r茅nice, comme un pur chef-d'oeuvre ; c'est tr猫s grand, tr猫s 茅lev茅, cela, et c'est plein de pr茅occupations tr猫s nobles. Les psychologues ! Je sais bien que le mot est devenu assommant, mais, enfin, il y en a de toutes sortes. La psychologie de Bourget, c'est un peu de la psychologie de carton 茅crite par un cerveau d'une intelligence et d'une vari茅t茅 extraordinaires, mais c'est aussi, h茅las ! de l'excellent snobisme ; et celle de Paul Hervieu est vraiment extraordinaire ; son Inconnue est l'oeuvre d'un des hommes les plus dou茅s de ces temps-ci. 禄 (p. 227) 芦 Ils attendent le Messie ! Quel Messie ? Mais 脿 aucune 茅poque de la litt茅rature il n'y a eu une pareille floraison d'art. 脌 part les gens qui personnifient notre si猫cle avec M. Meilhac et M. Hal茅vy, qu'est-ce que les esprits les plus difficiles demandent de plus que Mallarm茅, que Verlaine, que Mend猫s, que Zola, que Maeterlinck, que Tailhade ? 禄 (p. 227-228) 芦 Vous ne m'avez pas dit quelle direction para卯t prendre le roman ? 鈥� Socialiste, il deviendra socialiste, 茅videmment ; l'茅volution des id茅es le veut, c'est fatal [鈥 L'esprit de r茅volte fait des progr猫s, et je m'茅tonne [鈥 que les mis茅rables ne br没lent pas plus souvent la cervelle aux millionnaires qu'ils rencontrent [鈥 Oui, tout changera en m锚me temps, la litt茅rature, l'art, l'茅ducation, tout, apr猫s le chambardement g茅n茅ral [鈥 que j'attends cette ann茅e, l'ann茅e prochaine, dans cinq ans, mais qui viendra [鈥 j'en suis s没r!禄 (p. 229-230) |
| 芦 J.-H. Rosny 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Il 茅tait, en effet, 茅vident depuis longtemps pour moi que la fin du naturalisme 茅tait proche, qu'elle s'imposait par exc猫s de mat茅rialisme triomphant, par exc猫s d'inclairvoyance et d'in肠辞尘辫谤茅丑别苍蝉颈辞苍 de notre 茅poque ; il 茅tait tomb茅 脿 la pire des chinoiseries ; c'茅tait l'application m茅diocre d'une th茅orie 茅troite et mesquine, de l'茅肠辞濒别. Je dis de l'茅肠辞濒别, car il ne faut pas rendre responsables de ce r茅sultat les figures du naturalisme, mais bien ceux qui ont constitu茅 l'茅肠辞濒别. Il faut bien distinguer entre les聽肠谤茅补迟别耻谤蝉聽du r茅alisme, et ceux qui les ont suivis. Les premiers naturalistes furent des 锚tres n茅cessaires, ils furent les apporteurs de choses nouvelles, bien plus que leurs rivaux les id茅alistes ; car M. Renan, par exemple, malgr茅 sa facilit茅 脿 manier les id茅es g茅n茅rales, ne m'appara卯t pas comme un esprit聽肠谤茅补迟别耻谤, au contraire de Flaubert et des Goncourt qui n'ont pas cette aptitude, mais qui surent apporter 脿 la litt茅rature les 茅l茅ments f茅conds qui lui manquaient. Quant 脿 Zola, son r么le dans le naturalisme a 茅t茅 de deuxi猫me ordre ; il n'a pas 茅t茅 un聽肠谤茅补迟别耻谤, mais avant tout l'homme politique de la bande, homme qui mit en oeuvre, non sans habilet茅, du reste, et non sans puissance, les 茅l茅ments d'art que Balzac, Flaubert et Goncourt lui ont fournis. Il vous a dit qu'il ferait peut-锚tre l'autre chose聽qui est 脿 faire pour remplacer le naturalisme. Eh bien ! ce sera tant pis, car il la fera mal, et g芒chera et compromettra la besogne 脿 laquelle d'autres pourvoieraient beaucoup mieux鈥� Pour Daudet, on ne peut le rendre responsable d'aucune des 茅troitesses th茅oriques du naturalisme, vu qu'il n'a jamais admis une doctrine unique en art ; aussi a-t-il une vision tr猫s tol茅rante et tr猫s indulgente des 锚tres : c'est un 肠谤茅补迟别耻谤 de types. 禄 (p. 240) 芦 L'autre chose c'est une litt茅rature plus complexe, plus haute鈥� c'est une marche vers l'茅largissement de l'esprit humain, par la 肠辞尘辫谤茅丑别苍蝉颈辞苍 plus profonde, plus analytique et plus juste de l'univers聽tout entier聽et des plus humbles individus, acquise par la science et par la philosophie des temps modernes. La v茅rit茅 n'est pas dans les extr锚mes, et les psychologues sont tout aussi complets que leurs rivaux ; leur conception de l'芒me est 茅galement 茅troite. Cette vision 茅triqu茅e de la vie les a men茅s tout droit au pessimisme. L'autre chose聽sera donc aussi une 谤茅补肠迟颈辞苍 contre le pessimisme qui r茅sulte surtout de l'in肠辞尘辫谤茅丑别苍蝉颈辞苍 des 茅l茅ments constitutifs de son 茅poque et de l'茅poque elle-m锚me. Un homme p茅n茅tr茅 de la philosophie de son si猫cle en portera, dans ses moindres actes, reflet ; un homme qui aura re莽u l'茅ducation classique traditionnelle ne verra pas, ne sentira pas de la m锚me fa莽on qu'un autre dont l'茅ducation philosophique et scientifique sera compl猫te ; le baiser de l'amant procurera 脿 l'un la sensation de l'espace dont il a la notion, chez l'autre il se recoudra peut-锚tre en un simple afflux sanguin. Il est tr猫s 茅vident que les Grecs de P茅ricl猫s, par exemple, dans les moindres actes de leur existence, subissaient l'influence esth茅tique de leur si猫cle, et il est 茅vident aussi que le sens du beau n'est pas la caract茅ristique de la moyenne de la bourgeoisie moderne. L'茅volution sociale, le progr猫s mat茅riel ont cr茅茅 d'autres visions, ont suscit茅 d'autres 茅motions chez les 锚tres ; les 茅motions des uns ne sont pas les 茅motions des autres, et, pour pouvoir les comprendre toutes et les traduire, l'茅crivain d'脿 pr茅sent doit avoir la聽肠辞尘辫谤茅丑别苍蝉颈辞苍听(je ne le r茅p猫te pas trop) historique, scientifique, industrielle, p茅r茅grinatrice de l'茅poque 脿 laquelle nous vivons. L'autre chose, ce sera aussi une 谤茅补肠迟颈辞苍 contre la morale 茅vang茅lique rapport茅e par les Slaves, c'est-脿-dire contre le reniement de la civilisation et du progr猫s au b茅n茅fice les id茅es de renoncement. Mais il faudra deux ou trois g茅n茅rations peut-锚tre pour faire triompher cette formule, et les artistes qui l'auront comprise et appliqu茅e devront se r茅signer 脿 锚tre sacrifi茅s 脿 leurs successeurs. Retenez que je ne veux pas dire qu'脿 c么t茅 de cet art, il ne puisse vivre et s'茅panouir une litt茅rature tr猫s noble et tr猫s belle, toute diff茅rente de l'autre, une litt茅rature id茅aliste qui sera le fruit de l'茅ducation classique, et qui satisfera certaines cat茅gories d'esprit. Plusieurs arts dissemblables peuvent fort bien vivre c么te 脿 c么te, et l'admettre c'est encore comprendre la vari茅t茅 des cerveaux modernes.禄 (p. 242-243) |
| 芦 Lucien Descaves 禄, Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Mais ce mouvement dont l'on parle tant 脿 pr茅sent, cette 谤茅补肠迟颈辞苍 contre l'outrance du naturalisme, il faut en rechercher les premier signes dans notre fameux manifeste des聽Cinq聽paru en 1887 ! Avons-nous 茅t茅, 脿 ce moment, assez conspu茅s ! On nous accusa de vouloir nous faire un peu de r茅clame sur le dos de Zola ; 脿 pr茅sent tout le monde tombe d'accord que le r猫gne du torchon est pass茅, tout le monde, le Pontife lui-m锚me ! Et il est bien temps, en effet. D'ailleurs, Zola commence vraiment 脿 se fatiguer鈥� c'est vrai, depuis聽Germinal, il baisse鈥� Vous ne trouvez pas ? Tenez, je viens de lire聽L'Argent. Plus que jamais il me fait l'effet d'un grand entrepreneur de b芒tisse qui construit des maisons de rapport 脿 six 茅tages dans les quartiers ouvriers de la litt茅rature鈥� Et toujours la m锚me distribution de pi猫ces, les m锚mes escaliers, les m锚mes portes et les m锚mes cordons de sonnettes. Au temps de聽La Conqu锚te des Plassans聽c'茅tait un architecte, qui savait vous installer avec go没t un mobilier et choisir les tentures qu'il faut ; 脿 pr茅sent, je le r茅p猫te, c'est un ma卯tre-ma莽on qui fait coller les moellons les uns par-dessus les autres, v'lan ! 莽a y est. C'est de la copie de journal tout b锚tement b芒cl茅e, avec autant de facilit茅 qu'on d茅marquerait un fait divers. Aujourd'hui il faut trois cents lignes ? les voil脿 ! C'est de l'ouvrage 脿 l'ann茅e. 禄 (p. 254-255) 芦 Voyez-vous les successeurs du naturalisme ? - Mais ce sera tout le monde ! Entendons-nous, tous ceux qui auront du talent et du temp茅rament. 脡videmment on ne fera pas comme les autres on fait, on ne tra卯nera pas dans les ordures expr猫s. Je serais assez de l'avis de Huysmans qui r锚ve un naturalisme spiritualiste鈥� [鈥 Il l'explique ainsi : un 茅gal souci de la chair et de l'esprit, psychologie et physiologie m锚l茅es, deux chemins parall猫les courant au m锚me but, un 脿 terre, un autre en l'air. Je vous dirais bien que j'essaie pr茅sentement d'appliquer cette th茅orie dans un roman sur les aveugles, si rien justement ne m'horripilait 脿 l'茅gal des th茅ories et des ratiocinations. Ayez d'abord du talent, tout est l脿. Si vous voulez vous offrir, par surcro卯t, le luxe d'une esth茅tique particuli猫re, je le verrai parbleu bien, car les livres sont 茅crits, j'imagine, pour en recevoir l'endosse. 禄 (p. 255-256) 芦 Aimez-vous bien les Psychologues ? [鈥 - Les poitrinaires chics de la litt茅rature ? dit-il. Leurs jours sont compt茅s, mais, comme de vrais phtisiques qu'ils sont, ils ne se voient pas mourir ; et, dans les milieux o霉 sonne leur toux, on leur cache leur position en les couvrant de fleurs : ce sont de beaux mariages, des si猫ges 脿 la Chambre, des d茅corations, etc., etc鈥� Mais tonnerre ! qu'on leur colle des bureaux de tabac, et qu'ils nous fichent la paix ! 禄聽 (p. 256) 芦 Il n'en manque pas, de beaucoup de talent et d'avenir ; vous les connaissez comme moi : c'est Hennique, Margueritte, Rosny. [鈥 n'y a-t-il pas encore Mirbeau, Geffroy, Paul Bonnetain, Maeterlinck, Ajalbert, la r茅daction du聽Mercure de France, Vallette, Jules Renard, et Gourmont en t锚te ; et Abel Hermant, un encore, celui-ci, qui dans son dernier livre : Amour de t锚te, a joliment l芒ch茅 Zola ! 禄 (p. 257) 芦 Quels sont, dans le roman moderne, les ma卯tres dont vous vous r茅clamez ? - Oh ! d'abord, nos ma卯tres 脿 tous, Balzac, Hugo, Flaubert et les Goncourt, puis Alphonse Daudet, qui a 茅crit聽Sapho, Huysmans, et les grands sacrifi茅s que vos interview茅s ont n茅glig茅 de nommer : Barbey d'Aurevilly, Villiers de l'Isle-Adam, Vall猫s auquel Caraguel seul a pens茅, et qui a laiss茅, dans le roman, deux arri猫re-petits-cousins de talents : Henry F猫vre, avant qu'il f没t du roman comique, et Darien, celui de Bas-les-Coeurs et de Biribi. 禄 (p. 257-258) |
| 芦 Paul Margueritte 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Laissons de c么t茅 mes sympathies et admirations personnelles pour MM. De Goncourt et Alphonse Daudet, pour Huysmans, Lavedan, 脡l茅mir Bourges, Bonnetain, Mirbeau, Hennique, Descaves, Jules Case et J. Rosny qui m茅rite une 茅pith猫te 脿 part, sp茅cifiant tout ce qu'il apporte de neuf et d'humain. Tous ces 茅crivains sont connus et reconnus. J'aimerais attirer votre attention sur deux manifestations tr猫s particuli猫res et tr猫s diff茅rente du jeune Roman, dans la personne d'Antony Blondel et de Jean Lombard. Voil脿 Blondel, par exemple ! Qui en dehors de quelques lettres, conna卯t son聽Camus听(d'Arras), son聽Bonheur d'aimer聽? Il va publier chez Havard un livre :聽Le Mal moderne. La critique, complaisante aux vantards, s'interesse-t-elle 脿 ce modeste ? Ses romans ont, 脿 un degr茅 rare, l'odeur, le go没t et le sens de la vie. Aucune litt茅rature ! les sentiments et les sensations m锚mes dans leur fleur ! Nul n'a mieux d茅peint la plante humaine et ses d茅p茅rissements, sa lente ascension vers le jour, son 茅panouissement difficile au bonheur, au succ猫s, 脿 l'amour. Richepin a qualifi茅 Blondel : un Saint-Simon paysan, tant ses paysans fleurent la terre. Mais il a 茅tudi茅 depuis des types plus complexes, une casuistique d'芒me plus raffin茅e. Jean Lombard ! vous connaissez sans doute ses grandes fresques hallucin茅es, o霉 grouillent, en un style polychrome et d'une barbarie voulue, les foules mortes de Rome sous H茅liogabale, et de Byzance sous Constantin Copronyme. On dirait d'immenses tapisseries que l'air agite, et dont les personnages vivent et d茅filent, le long d'une spirale o霉 on les voit r茅appara卯tre, en des retours d'attitude et des r茅p茅titions de geste. Lombard sait rendre l'ondoiement des masses, l'enchev锚trement des rouages politiques. Rosny et lui semblent appel茅s 脿 茅crire le roman social, qui sera une des litt茅ratures les plus int茅ressantes de l'avenir. Il est bien d'autres jeunes de valeur ! Camille de Sainte-Croix, tenez ! Deux de ses romans, d茅j脿, dans un style de belle race, ont confess茅 des dandysmes du coeur, des cas de conscience singuliers. Robert Godet, p茅n茅trant et lucide analyste du聽Mal d'aimer聽! Georges Beaume, et ses paysans du Languedoc ; les d茅licats et sinc猫res romans de Jean Blaize, Fran莽ois Sauvy et Am茅d茅e Pigeon. Mais 脿 quoi bon insister ? Ils ont tous publi茅 un, deux ou trois romans ; ils travaillent et r茅ussiront. Car, en d茅finitive, il n'y a que cela qui compte, le livre, la chose faites bravement, simplement, honn锚tement ! 禄 (p. 264-265) |
| 芦 Abel Hermant 禄, Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Je ne vois gu猫re qu'un principe, d'apparence bien 茅l茅mentaire, presque na茂ve, sur lequel je ne saurais transiger : c'est qu'un artiste, m锚me dans le roman 脿 sujet contemporain, dans le roman que nous prenons sur le vif, doit avoir pour unique souci de faire oeuvre d'art et de cr茅er de la beaut茅. 禄 (p. 267) 芦 脌 ce titre, je r茅pudie les th茅ories naturalistes, qui appliqu茅es 脿 la lettre, feraient en somme du roman une oeuvre utilitaire ou encyclop茅dique ; je r茅pudie les th茅ories psychologistes, qui lui donneraient un objet diff茅rent mais une forme pareille, et qui en feraient 茅galement une oeuvre d'exposition ou d'instruction. Entendons-nous : si je me s茅pare des naturalistes, c'est pour des motif d'esth茅tique s茅rieuse, et je ne m'associe point 脿 la 谤茅补肠迟颈辞苍 commerciale qui se tente contre le naturalisme aujourd'hui ; je ne r茅茅dite point le vieil acte d'accusation qui en incrimine la vulgarit茅, la lourdeur et le pessimisme un peu simple. 鈥� Je me s茅pare des psychologistes pour des motifs analogues, mais je veux encore moins m'associer 脿 la croisade bouffonne qu'une partie de la jeunesse actuelle pr锚che contre les sciences et contre l'esprit de la modernit茅. Je crois tout au contraire que si nous pr茅tendons cr茅er de la beaut茅 originale et portant bien la signature de notre 茅poque, nous ne pouvons pas n茅gliger ce qui est l'apport et l'originalit茅 de notre 茅poque. Je crois que la science psychique, et en g茅n茅ral toutes les sciences, nous ont fait envisager l'homme et la nature sous des aspects nouveaux, et qu'il y a l脿 riches mati猫res pour les oeuvres futures, des mines d'art inexplor茅es. Il ne s'agit pas de prendre la science toute brute, et de la transporter par exemple dans le roman. 脌 chacun son domaine. Quand on a lu le plus humble psychologue de profession, les d茅couvertes du psychologue 濒颈迟迟茅谤补迟别耻谤 font sourire. Mais je crois fermement que la psychologie peut fournir des motifs d'art enti猫rement neufs, et non pas seulement ces fines et d茅licates analyses, ces descriptions d'芒me, ces inventaires parfois un peu pu茅rils de sentiments, auxquels nous ont habitu茅s les Stendhaliens. Des tentatives v茅ritablement remarquables ont d茅j脿 茅t茅 faites dans le sens que je vous indique, et je vous citerai l'exemple de Rosny, qui a su mettre en oeuvre, comme artiste, une belle intelligence de penseur et de savant. 禄 (p. 268-269) |
| 芦 Jules Claretie 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 S'il y a une 茅volution nouvelle, elle a ses causes dans le pass茅. Tout a 茅t茅 dit, tout a 茅t茅 fait. Les g茅n茅rations nouvelles donnent un costume et un tour nouveau 脿 ce qui fut autrefois. J'ai beaucoup lu et je pourrais vous retrouver sans longtemps chercher la gen猫se des id茅es pr茅sentes. 禄 (p.343) 芦 Ce qui me frappe encore, c'est l'importance que prend la musique, la notation phon茅tique dans l'art d'茅crire. La musique, le plus sensuel de tous les arts, triomphera, si l'on continue, de la litt茅rature, la plus pr茅cises de toutes les manifestations c茅r茅brales. Ceci tuera cela. 禄 (p.343) 芦 Au total, ce qui est extr锚mement int茅ressant dans votre enqu锚te, c'est la constatation du m茅pris, je dirai de l'ingratitude, que montrent les nouveaux envers le naturalisme, c'est ce mouvement ascensionnel vers l'id茅al que vous avez constat茅, 莽a et l脿. Id茅al social, id茅al mystique, peu importe. Trop mystique, 脿 mon gr茅. On se perd dans le n茅buleux, l'intangible. Mais 脿 qui la faute ? 禄 聽 (p.345) 芦 Le romantisme, avec ses grandes fi猫vres et ses belles folies, nous avait amen茅 le naturalisme avec ses crudit茅s. Le naturalisme devait fatalement nous amener le mysticisme, le symbolisme tout ce que nous voyons se produire aujourd'hui. Apr猫s le vin de Chypre, le petit bleu ; apr猫s le petit bleu, le haschich. C'茅tait math茅matique. Je ne l'avais pas seulement pr茅vu, je l'avais pr茅dit dans la pr茅face d'un de mes romans dont je ne vous donnerai pas le titre pour n'avoir pas l'air de me faire une r茅clame. 禄 (p.345) |
| 芦 Victor Cherbuliez 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Du reste, ne m'interrogez pas sur l'茅volution litt茅raire. Je ne suis que tr猫s imparfaitement renseign茅. J'ai lu de quelques-uns de nos plus jeunes 茅crivains des vers exquis et des pages savoureuses qui m'ont paru annoncer de grandes esp茅rances et promettre l'oeuvre attendue. J'attends, j'esp猫re, et quand l'茅toile sera sortie de son nuage, j'applaudirai bien fort. 禄 (p. 347) |
| 芦 Juliette Adam 禄,听Enqu锚te sur l'茅volution litt茅raire, pr茅face et notices de Daniel Grojnowski, Paris, Jos茅 Corti, 1999. |
| 芦 Le roman, comme toute manifestation de l'esprit humain, parcourt le cycle des 茅volutions d茅termin茅es de cet esprit. Plus il englobe d'effets d'ordre diff茅rents, plus il peint de tableau de moeurs, plus la gamme des observations qu'il contient monte haut vers le divin et descend bas dans l'茅chelle des 锚tres, plus il domine le temps et s'immortalise. L'oeuvre supr锚me, le roman type est pour moi聽尝'翱诲测蝉蝉茅别聽qui embrasse l'histoire d'un peuple, l'茅tat de sa civilisation et de sa science, la description de ses actes journaliers, les mobiles qui font agir les individus dans le sens du caract猫re de leur race.聽尝'翱诲测蝉蝉茅别聽parcourt si compl猫tement la s茅rie des conditions de la vie qu'on y voit les dieux, la puissance surnaturelle, se personnaliser au point de participer aux passions d'un groupe d'hommes privil茅gi茅s. Plus un roman s'茅carte de la g茅n茅ralisation, plus il observe, d茅crit et d茅peint un milieu restreint, plus il s'茅loigne du type de聽尝'翱诲测蝉蝉茅别, plus il se cantonne dans le d茅tail infinit茅simal, plus t么t alors il partage le sort des fait minuscules et se noie dans l'oc茅an de l'oubli. Mais s'il correspond aux doutes, aux croyances de son temps, s'il fixe les connaissances et les exp茅riences du milieu dans lequel il 茅cl么t, s'il accumule des documents profitables aux lecteurs de l'avenir, enfin, s'il a une valeur pour l'histoire, alors il 茅merge au-dessus des productions dont le cercle est born茅. Le temps ne peut faucher ce qui occupe un trop grand espace. Flaubert a entrevu tout cela ; mais il a dispers茅, 茅miett茅 son aperception. S'il avait r茅uni en un seul livre l'茅tude approfondie des caract猫res de聽Madame Bovary, les curiosit茅s et les attraits de la l茅gende et de l'histoire de聽厂补濒补尘尘产么, la tr猫s haute philosophie de聽La Tentation de Saint Antoine, l'茅tat complet de la science de son temps fix茅 dans Bouvard et P茅cuchet,聽s'il y avait ajout茅 ce dont il me parla plusieurs fois, l'exaltation de l'h茅ro茂sme humain 脿 propos de L茅onidas, il e没t laiss茅 l'une des oeuvres, peut-锚tre l'oeuvre la plus g茅niale de notre 茅poque. 禄 (p. 366-367) 芦 La religion affirm茅e ou ni茅e, qui joue un si grand r么le sur l'esprit des recherches de la science, en joue un 茅gal sur l'esprit des observations qui sont la mati猫re du roman. Lorsque la religion domine, le roman est mystique ; lorsqu'elle commence 脿 锚tre discut茅e, le roman est imaginatif, l'homme cherchant sur terre la 肠辞尘辫谤茅丑别苍蝉颈辞苍 de ce qu'il se laisse ravir au ciel ; lorsque la religion est ni茅e, la raison triomphante se tourne sur soi, s'analyse, scrute l'锚tre animal et intellectuel et le roman s'appelle, on ne sait pourquoi, psychologie, puisque ce ne sont pas les qualit茅s psychiques qu'il d茅crit, mais la b锚te instinctive et pensante. En Europe, la religion qui dans l'antiquit茅 absorbait les sciences sacr茅es et magiques, les a, par ignorance, d茅laiss茅es au temps des croisades. La science profane s'est fond茅e en-dehors de la religion comme 脿 la fin du paganisme ; mais aujourd'hui cette science que la puissance de l'impond茅rable et de l'inexpliqu茅 arr锚te au seuil du myst猫re, ne pourra bient么t plus progresser que par la religion. C'est pourquoi le roman s'essaie d茅j脿 au symbolisme, pourquoi de mat茅rialiste, de terre 脿 terre, d'analyste, il deviendra imaginatif, puis mystique et enfin vraiment psychique. 禄 (p. 367-368) |
