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La tradition critique anglaise montre que l鈥櫭﹙olution du roman en Angleterre au XIX^e si猫cle a 茅t茅 grandement influenc茅e par le romantisme et par l鈥櫭╮e victorienne, qui d茅bute au tournant des ann茅es 1830. La litt茅rature 茅crite sous le r猫gne de Victoria (1837-1901) est souvent per莽ue comme le reflet du puritanisme marquant cette 茅poque. Ce conservatisme social s鈥檕bserve dans le d茅veloppement du roman (nouveau genre dominant en Angleterre depuis la deuxi猫me moiti茅 du XVIII^e si猫cle) qui devient le lieu d鈥檜ne repr茅sentation moralis茅e de l鈥檈xistence notamment gr芒ce au d茅veloppement du populaire 芦鈥塵arriage plot鈥壜� 鈥� qui construit le d茅nouement d鈥檜ne h茅ro茂ne autour de la f茅licit茅 trouv茅e dans le mariage[1].

Si la litt茅rature des deux derniers tiers du XIX^e si猫cle ne peut 茅videmment se r茅sumer 脿 ce constat, celui-ci se retrouve dans la r茅ception de cette litt茅rature par certains romanciers de la m锚me 茅poque ou bien par les modernistes anglais du XX^e 蝉颈猫肠濒别. Une des remises en question les plus violentes de la litt茅rature anglaise du XIX^e si猫cle est celle formul茅e par l鈥檈sth猫te Oscar Wilde dans les ann茅es 1880-1890 : 脿 travers ses essais, ses 艙uvres litt茅raires et sa correspondance se construit la critique d鈥檜ne stagnation des possibilit茅s formelles 脿 l鈥櫭╮e victorienne. Bien qu鈥檌l estime certains romanciers anglais (par exemple Elizabeth Barrett Browning et Georges Meredith), Wilde adopte une posture de m茅pris par rapport 脿 la vision de la litt茅rature du milieu artistique anglais, et s鈥檃v猫re un plus grand lecteur de la litt茅rature fran莽aise et russe du XIX^e 蝉颈猫肠濒别. Grand lecteur et critique de romans, Wilde montre aussi certaines r茅serves en ce qui a trait aux potentiels du genre romanesque, ce qui l鈥檌ncite 脿 pratiquer davantage les genres de la po茅sie et de l鈥檈ssai. Dans l鈥檃nalyse qui suit, nous tenterons de comprendre ce que Wilde reproche plus pr茅cis茅ment 脿 la litt茅rature anglaise afin de mieux cerner son rapport trouble 脿 l鈥檃rt romanesque. Afin d鈥檃pprofondir ses th茅ories esth茅tiques, nous commencerons par d茅crire (et surtout nuancer) l鈥檕pposition qu鈥檌l dresse entre art et moralit茅, puis nous analyserons l鈥檃dmiration qu鈥檌l voue 脿 Flaubert dans le but de montrer l鈥檌mportance qu鈥檌l accorde au d茅veloppement du style et 脿 l鈥檈xploration de l鈥檌ndividualit茅 de l鈥櫭ヽrivain. Nous finirons notre analyse en examinant son 茅loge du projet litt茅raire balzacien et sa violente critique du naturalisme zolien afin de saisir sa conception de la litt茅rature comme d鈥檜ne id茅alisation (et non d鈥檜n reflet) de la r茅alit茅. Wilde se consid茅rant plut么t comme un po猫te et un essayiste que comme un romancier, ses r茅flexions sur la litt茅rature ne portent pas uniquement sur le roman. Nous tenterons n茅anmoins en retirer une d茅finition du roman en creux, une d茅finition qui se centre autour de certaines des limites que Wilde attribue au genre romanesque.

Wilde, un d茅fenseur de la th茅orie esth茅tique de 芦鈥塴鈥檃rt pour l鈥檃rt鈥壜� :

Selon Wilde, l鈥檃rt est amoral puisqu鈥檌l 茅volue en parall猫le de la sph猫re morale. Il affirme m锚me dans son essai The Critic as Artist que la distinction entre art et moralit茅 est au fondement du travail du critique litt茅raire :

The first condition of criticism is that the critic should be able to recognise that the sphere of Art and the sphere of Ethics are absolutely distinct and separate. [...] They are too often confused in England now, and though our modern Puritans cannot destroy a beautiful thing, yet, by means of their extraordinary prurience, they can almost taint beauty for a moment[2].

Cela signifie que l鈥檃rt ne peut pas 锚tre jug茅 脿 l鈥檃une de valeurs morales et doit plut么t 锚tre analys茅 脿 la lumi猫re de crit猫res esth茅tiques ou stylistiques. C鈥檈st ce que formule l鈥檃uteur du Portrait dans la pr茅face de son unique roman 脿 travers une succession de courtes phrases laissant peu de place au doute : 芦鈥�There is no such thing as a moral or an immoral book. / Books are well written, or badly written. That is all[3].鈥壜� Il n鈥檡 a donc ni de r茅elle opposition ni de v茅ritable conciliation possible entre art et moralit茅 puisqu鈥檌l n鈥檈xiste pas de comparatifs entre ces deux aspects de l鈥檈xistence humaine. Ainsi la valeur d鈥檜ne 艙uvre d鈥檃rt ne peut-elle pas 锚tre d茅termin茅e 脿 l鈥檃ide du crit猫re de l鈥檜tilit茅, et ce, malgr茅 la nouvelle importance que celui-ci prend dans les codes moraux du XIX^e si猫cle sous l鈥檌nfluence du d茅veloppement de la science moderne et de l鈥檌ndustrialisation. C鈥檈st du moins ce que d茅fend l鈥檃uteur du Portrait dans la pr茅face de son roman, qu鈥檌l conclut sur cette maxime : 芦鈥�All Art is quite useless[4].鈥壜� Wilde explique cette conception de l鈥檃rt 脿 plusieurs reprises dans sa correspondance 脿 l鈥檃ide de la m茅taphore d鈥檜ne fleur qui n鈥檈xiste que pour sa beaut茅 :

Art is useless because its aim is simply to create a mood, not to instruct or to influence action in any way [...] A work of art is useless as a flower is useless, a flower blossoms for its own joy ; we gain a moment of joy by looking at it, that is all that is to be said about our relations to flowers. Of course man may sell the flower, and so make it useful to him, but this has nothing to do with the flower. It is not part of its essence. It is accidental. It is a misuse[5].

Contrairement 脿 ce que pr茅suppose une vision moralisatrice de l鈥檃rt, celui-ci est inutile puisqu鈥檌l ne poss猫de pas de v茅ritable influence sur les actions que les individus posent dans le monde r茅el.

Selon la th茅orie esth茅tique de Wilde, l鈥檃rt n鈥檈st pas seulement amoral, il est aussi immoral, car il utilise la repr茅sentation du vice ou de la corruption morale comme outil d鈥檜ne part pour s鈥檌nterroger sur l鈥檈xistence humaine et d鈥檃utre part pour divertir son public. Toutes les facettes de la r茅alit茅 sont en quelque sorte la mati猫re premi猫re 脿 partir de laquelle un artiste cr茅e, et ce, par-del脿 les consid茅rations d鈥檕rdre moral qui nous permettent de les hi茅rarchiser dans le monde concret. 脌 la suite de la condamnation sur la sc猫ne publique du Portrait en tant que roman immoral, Wilde d茅fend sa pratique de l鈥檃rt romanesque aupr猫s de ses critiques gr芒ce 脿 cet argument : 芦鈥�Virtue and wickedness are to him [the artist] simply what the colours on his palette are to the painter. They are no more, and they are no less[6].鈥壜� Dans cette optique, la litt茅rature peut mettre en sc猫ne des personnages vicieux, des actions 脿 la port茅e morale douteuse, ou m锚me des crimes 脿 des fins narratives, philosophiques ou esth茅tiques. Une 艙uvre litt茅raire ne cherche pas 脿 repr茅senter une r茅alit茅 id茅alis茅e o霉 les protagonistes sont ch芒ti茅s pour leurs fautes morales ou r茅compens茅es pour leurs vertus : Lord Henry n鈥檈st pas puni ou encore moins tourment茅 apr猫s avoir corrompu le jeune Dorian dans le Portrait, et la pi猫ce The Importance of Being Earnest se termine sur le mariage heureux des deux principaux protagonistes, qui brillent plus par leur frivolit茅 que par leur honn锚tet茅. Dans l鈥檕ptique o霉 la litt茅rature doit d茅peindre toutes les facettes de l鈥檈xistence, elle doit s鈥檌nt茅resser autant aux parties lumineuses qu鈥檃ux recoins plus sombres de notre humanit茅. C鈥檈st ce que sugg猫re cette remarque se retrouvant dans les r茅flexions critiques de Wilde : 芦鈥塐n tue une litt茅rature quand on lui interdit la v茅rit茅 humaine. It may be questioned, also, whether the consistent reward of virtue and punishment of vice be really the healthiest ideal for an art that claims to mirror nature[7].鈥壜� L鈥櫭ヽrivain cherchant 脿 offrir 脿 son auditoire un reflet de la r茅alit茅, il ne peut donc pas ignorer une partie des observations du monde r茅el 脿 partir desquelles il cr茅e 鈥� des observations qui r茅sistent 脿 une lecture manich茅enne du monde.

Ainsi la conservation des conventions morales d鈥檜ne 茅poque s鈥檃ccommode-t-elle difficilement des diff茅rents points de vue sur la condition humaine que rec猫le une 艙uvre d鈥檃rt. Wilde croit pourtant que la richesse du travail artistique tient aux ambigu茂t茅s qui demeurent entre les diff茅rentes interpr茅tations possibles d鈥檜ne cr茅ation artistique. Celles-ci sont presque infinies aux dires de l鈥檃uteur de l鈥檈ssai The Critic as Artist, qui affirme ceci au sujet du v茅ritable critique :

You see, then, how it is that the 忙sthetic critic rejects these obvious modes of art that have but one message to deliver, and having delivered it become dumb and sterile, and seeks rather for such modes as suggest reverie and mood, and by their imaginative beauty make all interpretation true, and no interpretation final[8].

La beaut茅 artistique 茅tant n茅cessairement per莽ue 脿 l鈥檃une d鈥檜ne exp茅rience subjective (nous y reviendrons), elle donne lieu 脿 autant d鈥檌nterpr茅tations qu鈥檌l existe de lecteurs. De plus, la juxtaposition de diff茅rents points de vue au sein d鈥檜n roman incite un m锚me lecteur 脿 garder en t锚te une pluralit茅 d鈥檌mpressions de lecture plus ou moins conciliables. Par sa capacit茅 脿 int茅grer une multitude d鈥檈xp茅riences humaines 脿 sa cr茅ation, l鈥檃rtiste m猫ne le lecteur 脿 remettre en question la validit茅 de certains pr茅ceptes moraux, voire 脿 se buter 脿 une part de myst猫re ou d鈥檌nsaisissable se trouvant au c艙ur de son existence. En ce sens, la tentative de dresser un portrait nuanc茅 et complexe 脿 l鈥檕rigine de tout travail artistique peut 锚tre per莽ue comme immorale du fait qu鈥檈lle s鈥檕ppose aux syst猫mes moraux pr茅茅tablis.

Soulignons n茅anmoins une des distinctions pr茅sentes entre les positions tranch茅es que Wilde revendique 脿 travers ses maximes et certaines r茅flexions pr茅sentes dans ses essais. Ainsi pourrions-nous par moments constater au sujet de Wilde ce que Basil remarque au sujet de Lord Henry dans le Portrait : 芦鈥�You never say a moral thing, and you never do a wrong thing. Your cynicism is simply a pose[9].鈥壜� Selon la conception de l鈥檈sth茅tisme th茅oris茅e par Wilde, une 艙uvre d鈥檃rt ne peut pas 锚tre le reflet des conventions morales d鈥檜ne 茅poque, mais cela ne veut pas pour autant dire qu鈥檃ucun sentiment moral (au sens de bont茅 ou de vertu) ne peut se d茅gager de la beaut茅 artistique. Selon Wilde, c鈥檈st ce que font notamment les romans de Tolsto茂 en suscitant une vive compassion chez le lecteur, qui porte un jugement moins s茅v猫re sur les actions des personnages lorsqu鈥檌l est plac茅 devant les tourments qu鈥檌ls subissent 脿 cause de leurs fautes morales. Dans son essai The House Beautiful, Wilde affirme m锚me qu鈥檌l faut initier les enfants 脿 la bont茅 脿 travers l鈥檈xp茅rience de la beaut茅, notamment de la beaut茅 du d茅cor de la maison o霉 ils sont 茅lev茅s. Il constate dans ce m锚me essai que le d茅veloppement d鈥檜ne sensibilit茅 esth茅tique est d鈥檃utant plus important dans une soci茅t茅 tourn茅e vers l鈥檈fficacit茅 et l鈥檜tilit茅 : 芦鈥�Today more than ever the artist and love of beautiful are needed to temper and counteract the sordid materialism of the age[10].鈥�禄 Si Wilde soutient que l鈥檃rt ne devrait pas chercher 脿 enfermer la pens茅e de son lecteur dans une conception morale fig茅e, il montre que l鈥檃rt peut rendre un individu meilleur en le rendant sensible 脿 l鈥檈xp茅rience de la compassion et de la bont茅. Toutefois, cette r茅conciliation de l鈥檃rt et de la moralit茅 ne co茂ncide pas enti猫rement avec ce que revendique Wilde dans ses essais puisqu鈥檌l montre aussi l鈥檌mmoralit茅 comme le vecteur d鈥檜n plaisir artistique.

Selon Wilde, la litt茅rature se nourrit aussi d鈥檈xp茅riences humaines plus sombres pour des raisons de l鈥檕rdre du divertissement : elle met aussi en sc猫ne des personnages ayant un rapport trouble 脿 la vertu afin de capter l鈥檃ttention de son lecteur. Lors du scandale engendr茅 par la publication du Portrait, Wilde se d茅fend d鈥檃voir construit son intrigue autour de la corruption morale de ses personnages en affirmant :

Romantic art deals with the exception and with the individual. Good people, belonging as they do to the normal, and so, commonplace, type, are artistically uninteresting. Bad people, are, from the point of view of art, fascinating studies. They represent colour, variety and strangeness. Good people exasperate one鈥檚 reason; bad people stir one鈥檚 imagination[11].

La trajectoire d鈥檜n personnage tent茅 par le mal a le potentiel de divertir, de s茅duire ou m锚me de fasciner le lecteur. Ces personnages nourrissent davantage son imagination en le for莽ant 脿 rompre avec une exp茅rience de l鈥檕rdre de l鈥檋abitude ou de la coutume afin de le plonger dans un univers inconnu. Et peut-锚tre que cette facette de l鈥檌mmoralit茅 artistique n鈥檈st-elle pas fondamentalement incoh茅rente avec l鈥檌d茅e d鈥檜ne sensibilit茅 morale d茅velopp茅e par l鈥檃rt. Dans l鈥檕ptique o霉, comme le constate Wilde, une 艙uvre litt茅raire invite 脿 une pluralit茅 d鈥檌nterpr茅tation, elle peut 脿 la fois susciter la compassion du lecteur et le faire rire gr芒ce au cynisme de Lord Henry 鈥� sans que cela implique que le lecteur imite la conduite de ce personnage dans le monde r茅el.

Wilde per莽oit le puritanisme de son 茅poque comme un obstacle au plaisir ou 脿 la joie qui accompagne l鈥檃ppr茅ciation d鈥檜ne 艙uvre d鈥檃rt, ce qui constitue pourtant l鈥檜n des principaux buts de celle-ci. Si nous avons vu que Wilde attribue de multiples objectifs 脿 l鈥檃ctivit茅 artistique, l鈥檃uteur du Portrait insiste particuli猫rement sur ce dernier objectif lorsqu鈥檌l dit : 芦鈥�The aim of all art is simply to make life more joyous[12]鈥壜�. La tentative de r茅flexion sur le monde r茅el qu鈥檌ncarne la litt茅rature ainsi que l鈥檈xp茅rience plaisante qu鈥檈lle propose sont en fait interreli茅es : ce sont souvent des ressorts comiques qui multiplient les interpr茅tations possibles d鈥檜ne 艙uvre, suscitant ainsi des r茅flexions chez le lecteur. Les outils formels employ茅s par Wilde qui divertissent son lecteur 鈥� pensons 脿 son ironie mordante, son ton provocateur, son recours fr茅quent au dialogue et aux paradoxes 鈥� sont aussi ceux qui invitent 脿 une lecture rigoureuse de son 艙uvre. Dans cette optique, la conception de l鈥檃rt de Wilde se fonde sur ce paradoxe : 芦鈥�Art is the only serious thing in the world. And the artist is the only person who is never serious[13].鈥壜� La vision de l鈥檃rt en tant que mode de connaissance passant par le divertissement ne peut donc pas 锚tre r茅concili茅e aux consid茅rations 茅thiques de nombreux romanciers contemporains de Wilde.

Le traitement de la moralit茅 dans les 茅crits de Wilde comme nuance de sa th茅orie esth茅tique :

Wilde r茅ussit-il v茅ritablement 脿 mettre en 艙uvre cette atmosph猫re comique renfermant des r茅flexions s茅rieuses dans ses 茅crits litt茅raires鈥�? Nous pouvons remarquer une distance entre ses th茅ories esth茅tiques et son traitement de la moralit茅 dans certaines de ses pi猫ces de th茅芒tre et son roman. Un exemple notable est sa pi猫ce de th茅芒tre A Woman of No Importance, qui raconte le conflit int茅rieur de Mrs. Arbuthnot lorsqu鈥檈lle revoit le p猫re de son fils. Celui-ci lui propose de ne pas d茅voiler sa v茅ritable identit茅 脿 son fils (qui ne sait pas qu鈥檌l est issu d鈥檜ne liaison ill茅gitime) mais de l鈥檈ngager comme secr茅taire afin de lui permettre d鈥檃ccomplir ses ambitions professionnelles. Plut么t que de d茅noncer l鈥檌mmoralit茅 de la conduite de Mrs. Abuthnot 鈥� dont la liaison avec Lord Illingworth repr茅sente une faute impardonnable aux yeux de la soci茅t茅 anglaise du XIX^e si猫cle 鈥� la pi猫ce met en sc猫ne les malheurs de cette femme et les montrent comme disproportionn茅s par rapport 脿 sa faute. La situation d茅sesp茅r茅e de Mrs. Abuthnot et l鈥檃bsence de remords chez Lord Illingworth (qui avait pourtant promis 脿 Mrs. Abuthnot de la marier avant de dispara卯tre) incitent l鈥檃uditoire 脿 prendre le parti de la femme tromp茅e. L鈥檌ntrigue de cette pi猫ce cherchant 脿 susciter un 茅lan de compassion chez l鈥檃uditoire, sa vis茅e morale semble assez claire : remettre en question la condamnation des femmes ayant eu des relations amoureuses 脿 l鈥檈xt茅rieur de l鈥檌nstitution matrimoniale par la soci茅t茅 victorienne. Dans cette optique, nous pouvons voir cette pi猫ce (tout comme d鈥檃utres pi猫ces du corpus de Wilde) comme une tentative de faire dans le th茅芒tre ce qu鈥檜n romancier comme Tolsto茂 fait dans le roman. Cependant, cette critique de la soci茅t茅 anglaise s鈥檈ffectue ici au d茅triment du d茅veloppement de la complexit茅 psychologique des personnages ou de la mise en sc猫ne de p茅rip茅ties divertissantes. Elle laisse peu de place aux nuances ou aux ambigu茂t茅s emp锚chant une 艙uvre litt茅raire d鈥櫭猼re enferm茅e dans une seule interpr茅tation.

Aussi l鈥檃nalyse de cette pi猫ce met-elle en lumi猫re une distance entre les r茅flexions th茅oriques de Wilde et sa pratique de l鈥櫭ヽriture, ou plus pr茅cis茅ment la difficult茅 qu鈥檌l 茅prouve 脿 int茅grer un propos moral 脿 ses cr茅ations narratives. En effet, la conception de l鈥檃rt litt茅raire propos茅e dans la pr茅face du Portrait ne colle pas exactement avec la litt茅rature telle qu鈥檈lle est pratiqu茅e dans ce roman. C鈥檈st une difficult茅 que Wilde constate lui-m锚me lors de la publication du Portrait : 芦鈥�I cannot understand how they can treat Dorian Gray as immoral. My difficulty was to keep the inherent moral subordinate to the artistic and the dramatic effect, and it still seems to me that the moral is too obvious[14].鈥壜� Aux yeux de Wilde, son roman illustre en effet les cons茅quences d茅sastreuses de la d茅mesure humaine. En effet, Dorian commet le meurtre de Basil (qui est ainsi puni pour la fascination artistique qu鈥檌l 茅prouvait pour Dorian) et finit par se suicider, payant ainsi le prix pour la d茅cadence morale o霉 l鈥檕nt men茅 sa jeunesse et sa beaut茅. Remarquons que cette morale est donn茅e au lecteur d猫s le premier chapitre du Portrait 脿 travers les inqui茅tudes que Basil partage 脿 Lord Henry. Wilde affirme que la mise en place de ce syst猫me moral repr茅sente une erreur artistique. En ce sens, la th茅orie esth茅tique mais aussi la d茅marche d鈥櫭ヽriture de Wilde r茅v猫lent une tension entre ce que le romancier nomme 芦鈥塒oetry and Paradox鈥壜� (ou ce que nous pourrions renommer go没t esth茅tique et r茅flexions porteuses d鈥檃mbigu茂t茅s) et la repr茅sentation d鈥檜n syst猫me (ou simplement d鈥檜ne id茅e) 茅thique. Le traitement de la moralit茅 chez Wilde sugg猫re que, du moment qu鈥檜n auteur cherche consciemment 脿 茅duquer son lecteur, il lui est difficile de ne pas construire la narration de son r茅cit autour de certaines valeurs qui r茅sistent 脿 l鈥檌nterpr茅tation ouverte que devrait 锚tre celle d鈥檜n roman.

L鈥檈xemple de Flaubert : la litt茅rature comme lieu d鈥檜ne recherche stylistique.

La richesse de l鈥檈xploration stylistique est aux yeux de Wilde le crit猫re le plus important pour juger de la valeur d鈥檜ne 艙uvre d鈥檃rt. Dans cette optique, il n鈥檈st pas si 茅tonnant que cet esth猫te se soit davantage int茅ress茅 au genre de la po茅sie, qui se centre autour d鈥檜ne recherche esth茅tique, qu鈥檃u roman 鈥� o霉 la multiplication des intrigues et l鈥檃pprofondissement de la psychologie des personnages peuvent se faire au d茅triment de l鈥檋armonie litt茅raire d鈥檜ne 艙uvre. Wilde est d鈥檃illeurs en premier lieu un po猫te. Comme le constate la critique Florina Tufescu, le parcours litt茅raire de Wilde est encadr茅 par son activit茅 comme po猫te : il entre dans le monde litt茅raire gr芒ce 脿 la publication d鈥檜n recueil de po猫mes en 1881, et tente sans succ猫s de r茅habiliter sa cr茅dibilit茅 脿 la suite de son emprisonnement en publiant The Ballad of Reading Gaol en 1898, peu de temps avant sa mort[15]. Wilde admire d鈥檜ne part la recherche stylistique minutieuse des po猫tes du XIX^e si猫cle (芦鈥塵aster [s] of colour and form鈥壜�) et affirme dans son essai The English Renaissance of Art :

In Rossetti鈥檚 poetry and the poetry of Morris, Swinburne and Tennyson a perfect precision and choice of language, a style flawless and fearless, a seeking for all sweet and precious melodies and a sustaining consciousness of the musical value of each word are opposed to that value which is merely intellectual[16].

En d鈥檃utres termes, Wilde pr茅f猫re la musicalit茅 des jeux stylistiques de la po茅sie aux syst猫mes de l鈥櫭﹔udition, l鈥檜nivers de r锚ve et d鈥檌magination que cr茅e le po猫te 脿 celui de la raison, la qu锚te du voyant 脿 celle du savant. La conception de la po茅sie de Wilde s鈥檌nscrit donc dans la lign茅e de celle des po猫tes romantiques fran莽ais 鈥� qui 茅rigent le po猫te en mage ayant acc猫s aux secrets de la nature et de l鈥檃rt 鈥� et concorde dans une certaine mesure avec celle de la soci茅t茅 victorienne, o霉 la po茅sie demeure un genre tr猫s pratiqu茅 malgr茅 la mont茅e en popularit茅 du roman[17].

Si Wilde pr茅sente le po猫te comme un contemplateur de la beaut茅, il ne nie pas le potentiel esth茅tique du roman et du th茅芒tre, car il affirme qu鈥檜ne 艙uvre litt茅raire peut avoir un caract猫re po茅tique m锚me si elle ne prend pas la forme d鈥檜n po猫me. Aussi 茅crit-il 脿 Mallarm茅 : 芦鈥塴a prose fran莽aise et la po茅sie dans les mains d鈥檜n ma卯tre tel que vous deviennent une et la m锚me chose[18]鈥壜� et qualifie-t-il certains passages du roman Crime et ch芒timent de 芦鈥塨eaux po猫mes en prose[19]鈥壜�. Non seulement Wilde souligne l鈥檌nfluence de la po茅sie sur les autres genres dans le travail de ses contemporains, mais il m猫ne lui-m锚me une recherche stylistique 脿 travers ses textes narratifs. C鈥檈st ce que la critique Florence Tufescu remarque au sujet de la pi猫ce 厂补濒辞尘茅, qui rec猫le une exploration approfondie des symboles litt茅raires. Ceux-ci sont d鈥檃illeurs omnipr茅sents dans le Portrait, qui offre par moments au lecteur une exp茅rience presque sensorielle comme en t茅moigne la description sur laquelle s鈥檕uvre le roman :

The studio was filled with the rich odour of roses, and when the light summer wind stirred amidst the trees of the garden, there came through the open door and the heavy scent of the lilac, or the more delicate perfume of the pink-flowering thorn[20].

Quoique la vision de la litt茅rature de Wilde valorise davantage le po茅tique que le romanesque, elle nuance cette position en montrant qu鈥檜n roman peut 锚tre plus po茅tique qu鈥檜n po猫me.

Il semble n茅anmoins coh茅rent que les po猫tes romantiques et symbolistes (notamment Wordsworth, Baudelaire et surtout Mallarm茅) soient en t锚te de file des mod猫les litt茅raires de Wilde. Le po猫te qui incarne l鈥檃rtiste le plus pure aux yeux de Wilde est le po猫te Keats, qui, gr芒ce 脿 sa grande sensibilit茅 artistique, ouvre 脿 son lecteur la porte du royaume de l鈥檌magination. S鈥檌l est 茅tonnant que Wilde attribue ce titre 脿 un po猫te anglais, il est d鈥檃utant plus surprenant qu鈥檌l donne le m锚me titre au romancier Flaubert. 芦鈥塗he sinless master whom mortals call Flaubert[21]鈥壜� incarne le ma卯tre artistique de Wilde, qui a travaill茅 sur une traduction de la Tentation de Saint-Antoine. Dans sa correspondance, Wilde montre la possibilit茅 d鈥櫭ゞaler ou peut-锚tre m锚me de surpasser Flaubert comme l鈥檃ccomplissement supr锚me auquel il aspire : 芦鈥�Yes! Flaubert is my master, and when I get on with my translation of the Tentation I shall be Flaubert II, Roi par gr芒ce de Dieu, and I hope something else beyond[22].鈥�禄 Il est int茅ressant de noter que Wilde r茅f猫re 脿 Flaubert 脿 de nombreuses reprises en tant qu鈥櫬�鈥塧rtiste鈥壜� plut么t qu鈥檈n tant que g茅nie (titre qu鈥檌l attribue plut么t 脿 Balzac) ou surtout de romancier. L鈥檃bsence de ce terme dans ses multiples 茅loges de deux des romanciers fran莽ais les plus marquants du XIX^e si猫cle atteste d鈥檜ne certaine distance que Wilde choisit de conserver par rapport au genre romanesque. L鈥檈mploi du terme plus g茅n茅ral d鈥檃rtiste met aussi l鈥檃ccent sur la recherche stylistique de Flaubert, et sous-entend que la sensibilit茅 esth茅tique de ce romancier d茅passe l鈥檃rt romanesque voire le champ de la litt茅rature. Autrement dit, la pratique du roman de l鈥檃uteur de Madame Bovary t茅moigne, aux yeux de Wilde, d鈥檜ne sensibilit茅 脿 la beaut茅 qui peut aussi se retrouver dans la musique, les arts visuels et m锚me les arts d茅coratifs.

Ainsi Wilde croit-il peut-锚tre surpasser Flaubert en faisant de l鈥檈sth茅tisme autant une vision du monde qu鈥檜n mode de vie : ce que Wilde nomme son temp茅rament artistique passe 脿 la fois par sa d茅marche d鈥櫭ヽriture et par sa coquetterie vestimentaire ou encore son go没t pour la d茅coration int茅rieure. En t茅moigne notamment la valeur artistique qu鈥檌l attribue aux meubles qu鈥檌l acquiert 脿 la suite de son mariage : 芦鈥塃ach chair is a sonnet in ivory, and the table is a masterpiece in pearl[23].鈥壜� Par cons茅quent, l鈥檃dmiration que Wilde montre 脿 l鈥櫭ゞard de Flaubert illustre la recherche stylistique qu鈥檌l place au c艙ur de toute entreprise litt茅raire 鈥� et qui, comme nous le verrons plus loin, l鈥檌ncite 脿 se d茅tourner de l鈥檃rt romanesque.

Aux yeux de Wilde, Flaubert incarne donc l鈥檃rtiste par excellence puisqu鈥檌l explore son individualit茅 脿 travers la cr茅ation d鈥檜n style qui lui est propre, une r茅ussite qu鈥檌l consid猫re comme le sommet de l鈥檈xp茅rience artistique. Dans son essai The Soul of Man Under Socialism (o霉 il se positionne en faveur du perfectionnement de l鈥檌ndividu qui serait possible gr芒ce 脿 la m茅canisation des emplois ali茅nants) Wilde affirme que ce 芦鈥塻upreme artist鈥壜� 芦鈥塰as been able to isolate himself, to keep himself out of the reach of the clamorous claims of others [...] to realise the perfection of what was in him, to his incomparable gain, and to the incomparable and lasting gain of the whole world[24].鈥壜� Selon Wilde, l鈥檃rtiste est celui qui r茅ussit 脿 se lib茅rer du d茅sir de plaire 脿 son auditoire par le recyclage des conventions formelles de son 茅poque afin de cr茅er son propre style. Wilde explique plus longuement ce qu鈥檌l attend d鈥檜ne 艙uvre litt茅raire lorsqu鈥檌l affirme dans son essai The English Renaissance of Art :

For it is not enough that a work of art should conform to the 忙sthetic demands of its age: there must be also about it, if it is to affect us with any permanent delight, the impress of a distinct individuality, an individuality remote from that of ordinary men, and coming near to us only by virtue of a certain newness and wonder in the work, and through channels whose very strangeness makes us more ready to give them welcome[25].

Afin de marquer l鈥檈sprit de son lecteur (et possiblement de marquer l鈥檋istoire de la litt茅rature), un 茅crivain doit cr茅er 脿 partir d鈥檜ne recherche esth茅tique subjective, ou voir l鈥檃rt comme une occasion d鈥檈xploration de l鈥檌nt茅riorit茅 de l鈥檌ndividu. Ainsi un m锚me lecteur peut-il appr茅cier des 艙uvres tr猫s diff茅rentes les unes des autres du moment que les diff茅rents auteurs de celles-ci utilisent la litt茅rature comme moyen de d茅couvrir leur individualit茅. C鈥檈st d鈥檃illeurs ce crit猫re de l鈥檕riginalit茅 qui peut expliquer les go没ts litt茅raires vari茅s de Wilde 鈥� qui admire 脿 la fois Shakespeare, Balzac, Flaubert, Dosto茂evski ainsi que de nombreux po猫tes et romanciers qui lui sont contemporains. Un roman ou un po猫me est donc par essence une 艙uvre unique puisqu鈥檈lle se veut une exploration du temp茅rament d鈥檜n artiste plut么t que le reflet d鈥檜ne 茅poque[26]. Cette cr茅ation peut reprendre certains mythes ou arch茅types litt茅raires 鈥� pensons aux parall猫les possibles entre la relation du jeune Dorian et du peintre Basil et celle d鈥橝lcibiade et de Socrate, ou encore la reprise du motif religieux de la tentation de Saint-Antoine par Flaubert 鈥� mais doit absolument les pr茅senter dans une forme nouvelle.

Un artiste ne peut exprimer son temp茅rament qu鈥櫭� l鈥檃ide un style qui lui est propre, et par cons茅quent qui se distingue de celui de ses pr茅d茅cesseurs. Aussi existe-t-il une tension entre le caract猫re novateur de la d茅marche artistique d鈥檜n artiste et les attentes de son auditoire, qui souhaite retrouver dans l鈥檃rt les codes litt茅raires qu鈥檌l conna卯t. Cependant, l鈥檈xaltation de l鈥檌nt茅riorit茅 de l鈥檃rtiste 脿 travers une 艙uvre litt茅raire peut aussi s鈥檃v茅rer l鈥櫭﹍茅ment d茅clencheur d鈥檜ne exp茅rience subjective de la beaut茅 chez le lecteur. Wilde le formule ainsi dans sa correspondance : 芦鈥�It is the spectator, and not life, that art really mirrors[27].鈥�禄 Cr茅ation originale de l鈥櫭ヽrivain, un roman ou un po猫me devient le miroir de l鈥檌ndividualit茅 du lecteur en permettant une exp茅rience subjective et en partie incommunicable[28]. C鈥檈st ce que Wilde propose lorsqu鈥檌l justifie sa d茅cision de se d茅tourner d鈥檜ne d茅finition de la beaut茅 universelle dans son essai The English Renaissance of Art :

I will not try to give you any abstract definition of beauty [...] still less to communicate to you that which in its essence is incommunicable, the virtue by which a particular picture or poem affects us with a unique and special joy[29].

L鈥檜nique roman de Wilde exemplifie cette double exp茅rience subjective de mani猫re plus concr猫te puisque le peintre Basil et le jeune Dorian voient tous deux le portrait que Basil a fait de Dorian comme le reflet de leur 芒me. Wilde fait du rapport de Basil et de Dorian au portrait le n艙ud de son intrigue : le tableau symbolise la fascination de Basil pour le jeune Dorian, et incarne ce que Basil nomme l鈥檕ccasion de se r茅v茅ler lui-m锚me. La r茅ussite de ce projet artististe solde ironiquement l鈥櫭ヽhec de la carri猫re artistique du peintre, qui choisit de ne pas exposer son seul chef d鈥櫯搖vre, terrifi茅 脿 l鈥檌d茅e de d茅voiler des secrets qu鈥檌l se cache m锚me 脿 lui-m锚me. De surcro卯t, son portrait d茅voile 脿 Dorian le pouvoir de sa beaut茅 et de sa jeunesse, mettant la table 脿 sa corruption morale par Lord Henry. Prisonnier d鈥檜n sortil猫ge, le portrait se m茅tamorphose sous l鈥檌nfluence des ann茅es qui s鈥櫭ヽoulent et des crimes que commet Dorian tandis que celui-ci conserve les traits de sa bont茅 et de sa jeunesse. En tant que rappel des sombres secrets du personnage, le portrait en vient 脿 incarner une image plus fid猫le du temp茅rament de Dorian que Dorian lui-m锚me. C鈥檈st sans doute ce qui explique que Dorian se suicide au moment o霉 il allait d茅truire le tableau avec un couteau : seule sa mort physique peut tuer la part de son 芒me que renferme le portrait. Cette vision de la litt茅rature comme moyen de d茅couverte de l鈥檌nt茅riorit茅 nous ram猫ne au caract猫re immoral que Wilde attribue 脿 l鈥檃rt : la recherche subjective de l鈥檃rtiste ne se r茅concilie pas plus 脿 des consid茅rations morales que sa qu锚te esth茅tique ou son d茅sir de d茅peindre une pluralit茅 d鈥檈xp茅riences humaines.

La vision de la litt茅rature de Wilde comme 芦鈥塒hilosophie de l鈥橧rr茅alit茅[30]鈥壜�

Toutefois, cette exaltation de l鈥檌nt茅riorit茅 ne n茅cessite pas qu鈥檜ne 艙uvre litt茅raire prenne la forme d鈥檜n r茅cit autobiographique. Au contraire, un auteur peut acqu茅rir une meilleure connaissance de lui-m锚me en cr茅ant des personnages vivant des d茅chirements int茅rieurs qui lui sont 茅trangers. Ainsi Wilde voit-il comme une erreur de croire qu鈥檌l faut 锚tre m茅lancolique pour mettre en sc猫ne les tourments de Hamlet, ou encore fou pour repr茅senter le Roi Lear dans une temp锚te[31]. La compr茅hension de tels personnages ne n茅cessite pas l鈥檈nqu锚te sociologique ou psychologique men茅e par plusieurs romanciers influenc茅s par le mouvement litt茅raire du r茅alisme. Dans cette ligne d鈥檌d茅es, les essais de Wilde comportent 脿 la fois une violente critique du r茅alisme en tant que mouvement litt茅raire et une admiration pour les 茅crivains (et surtout les romanciers) qui r茅ussissent 脿 d茅peindre une multitude de diff茅rentes r茅alit茅s. Commen莽ons par noter que Wilde s鈥檕ppose vivement 脿 la m茅thode de ses contemporains qui souhaitent faire d鈥檜ne 艙uvre d鈥檃rt le reflet de la r茅alit茅. Il d茅nonce donc la d茅marche pr么n茅e par le r茅alisme et le naturalisme, soit une enqu锚te menant 脿 la 芦鈥塪issection鈥壜� de certaines r茅alit茅s sociales. C鈥檈st du moins l鈥檌nterpr茅tation p茅jorative que Wilde effectue de ce courant litt茅raire :

The ancient historians gave us delightful fiction in the form of facts; the modern novelist presents us with dull facts under the form of fiction. [...] He [the artist] has his tedious document humain, his miserable coin de la cr茅ation into which he peers with his microscope[32].

L鈥檈ssai qui d茅veloppe ces r茅flexions (The Decay of Lying) prend justement la forme d鈥檜n dialogue o霉 le personnage de Vivian se d茅sole du bannissement du mensonge dans le contexte de certains 茅v茅nements mondains, mais surtout dans le domaine des arts. En tant que lieu de la fiction, le roman est le lieu du mensonge, ou ce que Wilde nomme 芦鈥塼he telling of beautiful untrue things鈥�禄 c鈥檈st-脿-dire 芦鈥塴e r茅cit de belles choses fausses[33]鈥壜�.

Si l鈥檃rt romanesque a pour mati猫re premi猫re la r茅alit茅, il n鈥檈n demeure pas moins qu鈥檌l redore cette r茅alit茅 afin d鈥檈n faire une 艙uvre d鈥檃rt. C鈥檈st pourquoi Wilde a recours 脿 la m茅taphore du cristal plut么t que du miroir pour r茅fl茅chir aux effets de la litt茅rature dans sa correspondance : 芦鈥�A mirror will give one one鈥檚 own sorrow. But Art is not a mirror, but a crystal. It creates its own shapes and forms[34].鈥�禄 Autrement dit, la vision de la r茅alit茅 propos茅e par la litt茅rature se r茅fracte 脿 travers le prisme de la subjectivit茅 de l鈥櫭ヽrivain. Dans son essai The Decay of Lying, Wilde utilise 茅galement l鈥檌mage du voile pour imager l鈥檃lt茅ration de la r茅alit茅 qui se fait 脿 travers le prisme de l鈥檃rt :

She [Art] is not to be judged by any external standard of resemblance. She is a veil, rather than a mirror. She has flowers that no forests know of, birds that no woodland possesses. She makes and unmakes many worlds, and can draw the moon from heaven with a scarlet thread[35].

Aux yeux de Wilde, la d茅marche r茅aliste fait fausse route lorsqu鈥檈lle nie l鈥檈xistence de la tension entre id茅alisation du r茅el et repr茅sentation de la r茅alit茅 au c艙ur de tout travail litt茅raire. C鈥檈st par l鈥檈ntremise du r锚ve que cet art m猫ne le lecteur 脿 r茅fl茅chir au monde r茅el, certes, mais aussi 脿 s鈥櫭ヽhapper un instant d鈥檜n monde qui, aux yeux de Wilde, est parfois insupportable. Mentionnons au passage que les romanciers les plus accomplis (et plus particuli猫rement Balzac, un exemple auquel nous reviendrons sous peu) r茅ussissent 脿 rendre leur univers narratif cr茅dible 鈥� c鈥檈st-脿-dire 脿 convaincre leur lecteur (le temps de sa lecture) que ce monde est plus r茅el que sa propre r茅alit茅. Wilde note 脿 ce sujet que c鈥檈st le pouvoir supr锚me de la fiction :

This is the supreme advantage that fiction possesses over facts. It can make things artisticaly probable, can call for imaginative and realistic credence, can, by force of mere style, compel us to believe. The ordinary novelists, by keeping close to the ordinary incidents of commonplace life seem to me to abdicate half of their power. Romance, at any rate, welcomes what is wonderful; the temper of wonder is part of her own secret; she loves what is strange and curious[36].

Ainsi cet ensorc猫lement artistique permet-il au romancier de d茅roger davantage d鈥檜ne repr茅sentation fid猫le de la r茅alit茅 que ce que rend possible le r茅alisme. Wilde ne voit pas de probl猫me 脿 ce qu鈥檜n chef d鈥櫯搖vre romanesque tomber dans ce qui est de l鈥檕rdre du merveilleux, de l鈥櫭﹖ranget茅 ou de l鈥櫭﹖onnement. Pour ce faire, le romancier peut notamment situer son intrigue dans une autre 茅poque (comme l鈥橝ntiquit茅) ou dans une autre culture (par exemple celle de l鈥橭rient). Il peut aussi laisser planer une aura de myst猫re sur certains aspects de son intrigue 鈥� rappelons que le lecteur n鈥檃pprend jamais quel est le myst茅rieux livre que Lord Henry pr锚te 脿 Dorian et qui empoisonne son 芒me 鈥� ou faire tomber son r茅cit dans le fantastique (pensons seulement 脿 la m茅tamorphose du portrait de Dorian 脿 travers le temps). Plut么t que de chercher 脿 se faire le reflet de la r茅alit茅, l鈥櫯搖vre litt茅raire doit, 脿 l鈥檌mage de la pi猫ce musicale, conserver une aura de myst猫re. Comme il affirme lui-m锚me, Wilde prend position pour une vision de la litt茅rature (et surtout du roman) plus pr猫s des id茅es du romantisme que de celle du r茅alisme.

L鈥檈xemple de la Com茅die Humaine et des Rougon-Macquart :

Wilde illustre ce rapport qu鈥檌l dresse entre art et r茅alit茅 gr芒ce 脿 son 茅loge de la Com茅die humaine et de sa vive critique du naturalisme zolien. L鈥檃uteur du Portrait consid猫re l鈥櫯搖vre balzacienne comme plus grand monument litt茅raire du XIX^e 蝉颈猫肠濒别. Balzac incarne le v茅ritable g茅nie de son si猫cle puisqu鈥檌l r茅ussit 脿 d茅peindre un nombre impressionnant d鈥檈xp茅riences humaines, ce qui fait de sa Com茅die humaine le plus grand 芦鈥塵agazine de documents sur l鈥櫭猼re humain鈥壜� apr猫s les pi猫ces de Shakespeare. Wilde s鈥檈nthousiasme devant cette panoplie de possibles 茅parpill茅e 脿 travers l鈥櫯搖vre de Balzac : 芦鈥堿nd what a world it is! What a panorama of passions! What a pell-mell of men and women![37]鈥�禄 Il compare m锚me le projet de la Com茅die humaine 脿 celui men茅 par Buffon en sciences naturelles, sous-entendant ainsi qu鈥檌l admire le d茅sir d鈥檈xhaustivit茅 ou la vis茅e encyclop茅dique au centre de la d茅marche de Balzac. Aux yeux de Wilde, la d茅marche balzacienne ne se r茅duit pas 脿 r茅pertorier des faits, car elle passe par un travail d鈥檕bservation qui permet au romancier de transformer les 芦鈥塮aits鈥壜� en 芦鈥塿茅rit茅s鈥壜� puis en la 芦鈥塚茅rit茅鈥壜�. Balzac r茅ussit 脿 concilier une m茅thode scientifique 脿 un travail artistique : il atteint une connaissance approfondie de l鈥櫭猼re humain en interpr茅tant des faits propres 脿 la r茅alit茅 de sa soci茅t茅 脿 l鈥檃une de sa subjectivit茅 artistique. Wilde ne voit donc pas l鈥檃rt romanesque de Balzac comme une tentative de reproduire la r茅alit茅, mais plut么t comme la cr茅ation d鈥檜n monde narratif 脿 partir d鈥檜ne fine observation du r茅el.

Comme mentionn茅 plus t么t, il faut n茅anmoins que cet univers imaginaire rappelle suffisamment la r茅alit茅 pour qu鈥檜n romancier puisse convaincre le lecteur que les personnages qu鈥檌l lui pr茅sente existent. C鈥檈st un effet que Balzac r茅ussit particuli猫rement bien 脿 reproduire selon Wilde, qui consid猫re que la lecture de la Com茅die humaine permet au lecteur de croire que les personnages balzaciens sont plus r茅els que les personnes qu鈥檌l c么toie au quotidien. Le monde que nous propose Balzac n鈥檈n demeure pas moins une illusion, c鈥檈st-脿-dire un univers o霉 sont embellis certains aspects de la r茅alit茅. C鈥檈st ce qui donne 脿 ses romans une vitalit茅 ou un int茅r锚t qui d茅passe celui du monde r茅el, comme en t茅moigne cette description de Wilde :

They [Balzac鈥檚 characters] have a fierce vitality about them : their existence is fervent and fiery鈥� coloured ; we not merely feel for them but we see them鈥攖hey dominate our fancy and defy scepticism. A steady course of Balzac reduces our living friends to shadows, and our acquaintances to the shadows of shades. Who would care to go out to an evening party to meet Tomkins, the friend of one鈥檚 boyhood, when one can sit at home with Lucien Rubempr茅?[38]

Balzac r茅ussit 脿 concilier illusion litt茅raire et observation de la r茅alit茅 de mani猫re 脿 cr茅er ce que Wilde nomme 芦鈥塱maginative reality鈥壜�, ce qui signifie qu鈥檌l ne consid猫re pas les 艙uvres de Balzac comme faisant partie du mouvement r茅aliste. Notons que si Wilde 茅rige la pratique balzacienne de l鈥檃rt romanesque en mod猫le, il constate un rapport similaire 脿 la r茅alit茅 chez d鈥檃utres romanciers, et plus particuli猫rement chez les trois romanciers russes Tolsto茂, Dosto茂evski et Tourgueniev ainsi que chez Meredith, un romancier anglais.

Wilde porte toutefois un jugement plus s茅v猫re sur ce qu鈥檌l nomme 芦鈥塼he unimaginative reality鈥壜� qu鈥檌ncarne le naturalisme de Zola. Wilde accuse Zola de ne pas interpr茅ter les diff茅rentes r茅alit茅s socio茅conomiques qu鈥檌l pr茅sente 脿 travers le prisme de l鈥檌magination. Aux yeux de Wilde, la 芦鈥塮ormule scientifique鈥壜� pr茅conis茅e par Zola le m猫ne 脿 suivre la tendance 芦鈥塵onstrueuse鈥壜� qu鈥檈st celle de porter un 芦鈥塩ulte鈥壜� des 芦鈥塮aits鈥壜� et qui prend de l鈥檃mpleur au XIX^e 蝉颈猫肠濒别. Wilde consid猫re donc que, contrairement aux personnages de Balzac, ceux de Zola sont d鈥檜n ennui mortel puisque leur trajectoire narrative copie le d茅roulement de la r茅alit茅 des Fran莽ais ayant v茅cu 脿 l鈥櫭﹑oque du Second Empire. C鈥檈st du moins ce que Wilde affirme dans son essai The Decay of Lying :

The author [Zola] is perfectly truthful, and describes things exactly as they happen. [...] from the standpoint of art, what can be said in favour of the author of 尝鈥橝蝉蝉辞尘尘辞颈谤, Nana, and Pot-Bouille? Nothing. Mr. Ruskin once described the characters in George Eliot鈥檚 novels as being like the sweepings of a Pentonville omnibus, but M. Zola鈥檚 characters are much worse. They have their dreary vices, and their drearier virtues. The record of their lives is absolutely without interest. Who cares what happens to them?[39]

M锚me en prenant en consid茅ration les th茅ories esth茅tiques de Wilde, il para卯t discutable de consid茅rer que le d茅nouement heureux de l鈥檋istoire d鈥檃mour entre Mouret et Denise 脿 la suite de l鈥檃poth茅ose de la vente de blanc dans Au bonheur des dames, ou encore les jeux de s茅duction men茅s par Nana (qui la m猫nent 脿 une fin tragique) sont trop ennuyeux pour susciter un plaisir litt茅raire 脿 la hauteur de ce que proposent des romanciers comme Balzac ou Tolsto茂. Il n鈥檈n demeure pas moins que Zola commet une faute impardonnable aux yeux de Wilde, une faute qu鈥檌l partage avec de nombreux romanciers du XIX^e si猫cle 鈥� celle de pr茅tendre 芦鈥塪iss茅quer鈥壜� l鈥櫭�me humaine 脿 l鈥檃ide des r茅sultats de son enqu锚te sociologique.

Conclusion : le roman anglais, un genre contraignant au XIX^e 蝉颈猫肠濒别.

La conception de l鈥檃rt de Wilde nous permet de mieux comprendre sa critique de l鈥檃rt romanesque tel qu鈥檌l est pratiqu茅 脿 son 茅poque : plut么t que le lieu d鈥檌nnovations stylistiques, le roman s鈥檃v猫re celui d鈥檜ne d茅monstration du puritanisme de l鈥櫭╮e victorienne et d鈥檜ne enqu锚te cherchant 脿 comprendre diff茅rentes r茅alit茅s socio茅conomiques. L鈥檃uteur du Portrait critique ce qu鈥檌l nomme une vision du roman comme d鈥檜n 芦鈥塵ode de propagande[40]鈥壜� en opposant l鈥檌nterpr茅tation unique du roman 脿 th猫se 脿 la pluralit茅 d鈥檌nterpr茅tations que devrait permettre une 艙uvre d鈥檃rt. Les r茅ticences que Wilde cultive 脿 l鈥櫭ゞard du genre romanesque sont aussi aliment茅es par la conception du roman comme d鈥檜n miroir de la r茅alit茅 qui marque autant la litt茅rature anglaise que la litt茅rature fran莽aise de la deuxi猫me moiti茅 du XIX^e 蝉颈猫肠濒别. Wilde qui, nous l鈥檃vons vu, revendique les id茅es esth茅tiques au fondement de la th茅orie de 芦鈥塴鈥檃rt pour l鈥檃rt鈥壜�, se m茅fie 茅galement du roman en tant que producteur de 芦鈥塨est-sellers鈥壜� litt茅raires. En effet, l鈥檃uteur du Portrait est d鈥檃vis que certaines consid茅rations mercantiles influencent trop le d茅veloppement du roman moderne pour que celui-ci devienne le meilleur genre litt茅raire pour mener une recherche esth茅tique f茅conde. Il constate 脿 ce sujet :

Novels are now written so rapidly that novelists have no time to secret thought or fancy ; and without wealth or thought and fancy there cannot be apt felicity of language. Where there is little to express, expression must be poor. The public reads so fast that it has no time for subtleties of art, no patience to seek out retiring beauties, nothing of that still and serious temper which feels such beauties when found. Which such a public, such authors are fairly matched ; for each makes the other[41].

Autrement dit, le d茅veloppement de l鈥檃rt romanesque est en quelque sorte asservi aux int茅r锚ts 茅conomiques prenant de l鈥檃mpleur 脿 l鈥櫭﹑oque de la R茅volution industrielle : un nombre grandissant de romans sont 茅crits trop vite dans le but de plaire au plus grand nombre de lecteurs possibles. Wilde est aussi exasp茅r茅 par la longueur de ces romans 茅crits pour garder les lecteurs en haleine. Il se moque 脿 plusieurs reprises de la mode du 芦鈥塺oman anglais en trois volumes鈥壜� dont l鈥檌ntrigue se perd dans la multiplication des p茅rip茅ties et des personnages. Wilde 茅tant un lecteur avide de romans, ces critiques du roman victorien portent 脿 croire qu鈥檌l rejette l鈥檃rt romanesque tel que pratiqu茅 脿 son 茅poque plut么t que l鈥櫭ヽriture du roman comme tel.

Il est n茅anmoins possible de se demander si certaines des r茅serves de Wilde, qui a 茅crit une quantit茅 impressionnante d鈥檈ssais, de nombreux po猫mes et plusieurs pi猫ces de th茅芒tre mais un seul roman, ne touchent pas 脿 certaines caract茅ristiques plus intrins猫ques du roman. Il est vrai que le roman, en tant que 芦鈥塵achine 脿 cr茅er du suspense鈥壜�, a la facult茅 de cr茅er un engouement plus grand que la po茅sie ou le th茅芒tre : cela signifie, dans la logique de Wilde, que le romancier a davantage de chances de prioriser certaines consid茅rations commerciales au d茅triment de l鈥檈xploration de sa subjectivit茅 que le po猫te ou le dramaturge. De plus, la d茅marche artistique de Wilde se pr锚te mal 脿 la multiplication des intrigues que propose le roman 鈥� 脿 laquelle il pr茅f猫re la beaut茅 et l鈥檋armonie de l鈥檜nit茅 d鈥檃ction qu鈥檌l retrouve dans le th茅芒tre. Cet 茅purement narratif permet par ailleurs 脿 l鈥櫭ヽrivain de mettre la pratique du dialogue et du paradoxe chez les personnages 脿 l鈥檃vant-plan de sa cr茅ation litt茅raire, ce qui favorise les 茅changes d鈥檌d茅es contradictoires (et de la recherche de la V茅rit茅 脿 travers ces 茅changes) au c艙ur de la d茅marche artistique de Wilde. Celui-ci affirme lui-m锚me construire le sch茅ma narratif du Portrait autour des conversations entre les personnages qu鈥檃utour d鈥檃ventures romanesques : 芦鈥�I have just finished my first long story 鈥� I am afraid it is rather like my own lifeall conversation and no action. I can鈥檛 describe action: my people sit in chairs and chatter[42].鈥�禄 De plus,le peu de contraintes narratives dans le domaine de la po茅sie fait de celle-ci le terreau d鈥檜ne recherche stylistique plus fertile aux yeux de l鈥檃uteur du Portrait que le genre romanesque. Ainsi la grandeur artistique que Wilde voit dans l鈥櫯搖vre de Flaubert est-elle d鈥檃utant plus grande du fait qu鈥檌l r茅ussit 脿 cr茅er un style litt茅raire 脿 partir d鈥檜ne mati猫re artistique imparfaite. Malgr茅 l鈥檃ttention que l鈥檕n accorde 脿 son unique roman, le 芦鈥塼emp茅rament artistique鈥壜� de Wilde se d茅ploie peut-锚tre mieux dans la confrontation de discours que favorise le dialogue (ou l鈥檈ssai critique) et dans la recherche esth茅tique au centre de la tradition po茅tique que dans le roman, un genre qu鈥檌l associe de toute mani猫re trop visc茅ralement 脿 son d茅go没t de la soci茅t茅 victorienne.

Ouvrages en anglais :

The Complete Letters of Oscar Wilde (茅d. Merlin Holland et Rupert Hart-Davis), New York, Henry Holt and Compagny, 2000.

Complete Works of Oscar Wilde (茅d. Merlin Holland), Glasgow, HarperCollins, coll. 芦 Collins Classics 禄, 1994 [1881-1898].

The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part I (茅d. John Stokes et Mark W. Turner), Volume VI, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1877-1887].

The Complete Works of Oscar Wilde. Journalism Part II (茅d. John Stokes et Mark W. Turner), Volume VII, Oxford, Oxford University Press, 2013 [1887-1895].

Aristotle at Afternoon Tea. The rare Oscar Wilde (茅d. John Wyse Jackson), Londres, Fourth Estate, 1991 [1882-1890].

Traductions fran莽aises :

WILDE, Oscar, Lettres d'Oscar Wilde (trad. Henriette de Boissard), Paris, Gallimard, coll. 芦 NRF 禄, 1994 [1875-1900].

艗耻惫谤别蝉 (茅d. Jean Gatt茅gno), Paris, Gallimard, coll. 芦 Pl茅iade 禄, 1996 [1881-1898].

Nouveaux essais de litt茅rature et d'esth茅tique (trad. Albertine Savine), Paris, 脡ditions du Sandre, 2006 [1886-1887].

Essais de litt茅rature et d'esth茅tique, (trad. Albertine Savine), Paris, 脡ditions du Sandre, 2006 [1855-1885].

Autres ouvrages consult茅s :

BLACK, Joseph et al., 鈥淭he Victorian Era鈥�, dans The Broadview Anthology of British Literature. The Victorian Era, (ed. Joseph Black et al.), volume V, Peterborough, Broadview Press, deuxi猫me 茅dition, 2012.

PROUST, Marcel, Le temps retrouv茅, dans 脌 la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, coll. 芦 Quarto 禄, 1999 [1927].

TUFESCU, Florina, 芦 Mixing Memory and Desire: The Scandal of Oscar Wilde's Neo-classical Poetry 禄, dans Oscar Wilde, Jarlath Killeen (dir.), Dublin, Irish Academy Press, 2011, p. 47-70.

The English Renaissance of Art.

"Among the many debts which we owe to the supreme 忙sthetic faculty of Goethe is that he was the first to teach us to define beauty in terms the most concrete possible, to realize it, I mean, always in its special manifestations. So, in the lecture which I have the honour to deliver before you, I will not try to give you any abstract definition of beauty鈥攁ny such universal formula for it as was sought for by the philosophy of the eighteenth century鈥攕till less to communicate to you that which in its essence is incommunicable, the virtue by which a particular picture or poem affects us with a unique and special joy ; but rather to point out to you the general ideas which characterise the great English Renaissance of Art in this century, to discover their source, as far as that is possible, and to estimate their future as far as that is possible."听(3)

"For it is not enough that a work of art should conform to the 忙sthetic demands of its age : there must be also about it, if it is to affect us with any permanent delight, the impress of a distinct individuality, an individuality remote from that of ordinary men, and coming near to us only by virtue of a certain newness and wonder in the work, and through channels whose very strangeness makes us more ready to give them welcome."听(9)

"In Rossetti鈥檚 poetry and the poetry of Morris, Swinburne and Tennyson a perfect precision and choice of language, a style flawless and fearless, a seeking for all sweet and precious melodies and a sustaining consciousness of the musical value of each word are opposed to that value which is merely intellectual."听(10)

"But the drama is the meeting-place of art and life; it deals, as Mazzini said, not merely with man, but with social man, with man in his relation to God and to Humanity. It is the product of a period of great national united energy; it is impossible without a noble public, and belongs to such ages as the age of Elizabeth in London and of Pericles at Athens ; it is part of such lofty moral and spiritual ardour as came to Greek after the defeat of the Persian fleet, and to Englishman after the wreck of the Armada of Spain."听(19)

"Pleasing and Prattling", publi茅 dans le听Pall Mall Gazette,听4 ao没t 1886.

鈥淥n the whole, there is a great deal to be said for our ordinary English novelists. They have all some story to tell, and most of them tell it in an interesting manner. Where they fail is in concentration of style. Their characters are far too eloquent, and talk themselves to tatters. What we want is a little more reality and a little less rhetoric. We are most grateful to them that they have not as yet accepted any frigid formula, nor stereotyped themselves into a school, but we wish that they would talk less and think more. They lead us through a barren desert of verbiage to a mirage that they call life: we wander aimlessly through a very wilderness of words in search of a touch of nature. However, one should not be too severe on English novels; they are the only relaxation of the intellectually unemployed.鈥� (87鈥�88)

"A Batch of Novels", publi茅 dans le Pall Mall Gazette, 2 mai 1887.

鈥淎nd by what a subtle objective method does Doistoieffski show us his characters! He never tickets them with a list, nor labels them with a description. We grow to know them very gradually, as we know people whom we meet in society, at first by little tricks of manner, personal appearance, fancies in dress and the like; and afterwards by their deeds and words; and even then they constantly elude us, for though Doistoieffski may lay bare for us the secrets of their nature, yet he never explains his personages away, they are always surprising us by something that they say or do, and keep to the end the eternal mystery of life.鈥� (166)

"Some Literary Notes", publi茅 dans le Woman鈥檚 World, f茅vrier 1889.

鈥淭his is the supreme advantage that fiction possesses over facts. It can make things artistically probable, can call for imaginative and realistic credence, can, by force of mere style, compel us to believe. The ordinary novelists, by keeping close to the ordinary incidents of commonplace life, seem to me to abdicate half of their power. Romance, at any rate, welcomes what is wonderful; the temper of wonder is part of her own secret; she loves what is strange and curious.鈥� (162)

鈥淥bservation is perhaps the most valuable faculty for a writer of fiction. When novelists reflect and moralise, they are, as a rule, dull. But to observe life with keen vision and quick intellect, to catch its many modes of expression, to seize upon its subtlety, or satire, or dramatic quality of its situations, and to render life for us with some spirit of distinction and fine selection鈥攖his, I fancy, should be the aim of the modern realist novelist.鈥� (166)

"Some Literary Notes", publi茅 dans le Woman鈥檚 World, mars 1889.

鈥淭he aim of most of our modern novelists seems to be, not to write good novels, but to write novels that will do good [...] They wish to reform the morals, rather than to portray the manners of their age. They have made the novel a mode of propaganda.鈥� (180)

"Hugh Conway鈥檚鈥� Last Novel", publi茅 dans le Pall Mall Gazette, 8 ao没t 1885.

鈥淎ristotle said long ago that in a drama the plot is the most important element, and the vulgar confirm his opinion by the eagerness with which they devour every novel, however meagre in fancy or in diction, which has a plot, an action, a beginning, a middle, and an end. A book is one book in virtue of dealing with one subject, with a principal action, and with only such other actions as are directly subordinated to this. Without a plot the assemblage of printed words filling three volumes a group of tales, an aggregate of essays, or nothing at all, but cannot possibly make a novel. Unity is the essence of a work of art; unity of action is the soul of imaginative writing. Many novels written by men of genius, some novels stamped with genius on every page, almost wholly lack this invaluable unity of action.鈥� (264)

鈥淭he novelist who can give us good dialogue and plenty of it is one who has forgotten that his personages are but puppets and phantoms, one to whom they have become more real than the men or women around him, one who lives not only by but in his books, and makes us feel in every instant the warm, soft pressure of Life. Such a novelist stands only one degree below the great dramatist, and many degrees above the multitude of poets. For his novels are entitled to the praise which the ancient critic bestowed upon true poetry鈥攖hat it is more serious and philosophic than history.鈥� (265)

鈥淣ovels are now written so rapidly that novelists have no time to secret thought or fancy; and without wealth or thought and fancy there cannot be apt felicity of language. Where there is little to express, expression must be poor. The public reads so fast that it has no time for subtleties of art, no patience to seek out retiring beauties, nothing of that still and serious temper which feels such beauties when found. Which such a public, such authors are fairly matched; for each makes the other.鈥� (265)

"The House Beautiful", conf茅rence 脿 Chicago, 1882.

鈥淓ven in imaginative art predominance must now be given to colour: a picture is primarily a flat surface coloured to produce a delightful effect upon the beholder, and if it fails of that, it is surely a bad picture. The aim of all art is simply to make life more joyous.鈥� (916)

鈥淚n conclusion, what is the relation of art to morals? It is sometimes said that our art is opposed to good morals; but on the contrary, it fosters morality. Wars and the clash of arms and the meeting of men in battle must be always, but I think that art, by creating a common intellectual atmosphere between all countries might, if it could not overshadow the world with the silvery wings of peace, at least make men such brothers that they would not go out to slay on another for the whim or folly of some king or minister as they do in Europe; for national hatreds are always strongest where culture is lowest. And hence the enormous importance given to all the decorative arts in our English renaissance; we want children to grow up in England in the simple atmosphere of all fair things; the refining influence of art, begun in childhood, will be of the highest value to all of us in teaching our children to love what is beautiful and good, and hate what is evil and ugly. Then when a child grows up he learns that industrious we must be, but industry without art is simply barbarism.鈥� (925)

"Mr Whistler鈥檚 Ten o鈥機lock", publi茅 dans le Pall Mall Gazette, 21 F茅vrier 1885.

鈥淎n artist is not an isolated fact; he is the resultant of a certain milieu and a certain entourage, and can no more be born of a nation that is devoid of any sense of beauty than a fig can grow from a thorn or a rose blossom from a thistle.鈥� (949)

鈥淏ut the poet is the supreme artist, for he is the master of colour and of form, and the real musician besides, and is lord over all life and all arts ; and so to the poet beyond all others are these mysteries known ; to Edgar Allen Poe and to Baudelaire, not to Benjamin West and Paul Delaroche.鈥� (949)

"Olivia at the Lyceum", publi茅 dans le Dramatic Review, 30 mai 1885.

鈥淎nd to me there is something very pleasurable in seeing and studying the same subject under different conditions of art. For life remains eternally unchanged ; it is art which, by presenting it to us under various forms, enables us to realise its many-sided mysteries, and to catch the quality of its most fiery-coloured moments. The originality, I mean, which we ask from the artist, is originality of treatment, not of subject. It is only the unimaginative who ever invents. The true artist is known by the use he makes of what he annexes, and he annexes everything.鈥� (955)

"Balzac in English", publi茅 dans le Pall Mall Gazette, 13 septembre 1886.

鈥淚t is really the greatest monument that literature has produced in our century, and M. Taine hardly exaggerates when he says that, after Shakespeare, Balzac is our most important magazine of documents on human nature. Balzac鈥檚 aim, in fact, was to do for humanity what Buffon had done for the animal creation. As the naturalist studied lions and tigers, so the novelist studied men and women. Yet he was no mere reporter. Observation gave him the facts of life, but genius converted facts into truths, and truths into truth. He was, in a word, a marvellous combination of the artist temperament with the scientific spirit.

The distinction between such a book as M. Zola鈥檚 尝鈥橝蝉蝉辞尘尘辞颈谤 and such a book as Balzac鈥檚 Illusions Perdues is the distinction between unimaginative realism and imaginative reality. [...] He was, of course, accused of being immoral. Few writers who deal directly with life escape that charge. [...] The morals of the personages of the Com茅die Humaine are simply the morals of the world around us. They are part of the artist鈥檚 subject-matter; they are not part of his method. If there be any need of censure it is to life, not to literature, that it should be given. Balzac, besides, is essentially universal. He sees life from every point of view. He has no preferences and no prejudices. He does not try to prove anything. He feels that the spectacle of life contains its own secret. 鈥�Il cr茅e un monde et se tait.鈥�

And what a world it is! What a panorama of passions! What a pell-mell of men and women! It was said of Trollope that he increased the number of our acquaintances without adding to our visiting list ; but after the Com茅die Humaine one begins to believe that the only real people are the people who never existed. Lucien de Rubempr茅, le P猫re Goriot, Ursule Mirou毛t, Marguerite Cla毛s, the Baron Hulot, Madame Marneffe, le Cousin Pons, De Marsay鈥攁ll bring with them a kind of contagious illusion of life. They have a fierce vitality about them : their existence is fervent and fiery-coloured ; we not merely feel for them but we see them鈥攖hey dominate our fancy and defy scepticism. A steady course of Balzac reduces our living friends to shadows, and our acquaintances to the shadows of shades. Who would care to go out to an evening party to meet Tomkins, the friend of one鈥檚 boyhood, when one can sit at home with Lucien de Rubempr茅? It is pleasanter to have the entr茅e to Balzac鈥檚 society than to receive cards from all the duchesses in Mayfair.鈥� (959)

"Preface" 脿听The Picture of Dorian Gray, 1890.

鈥淭he artist is the creator of beautiful things.

To reveal art and conceal the artist is art鈥檚 aim.

The critic is he who can translate into another manner or a new material his impression of beautiful things.

The highest as the lowest form of criticism is a mode of autobiography.

Those who find ugly meanings in beautiful things are corrupt without being charming. This is a fault.

Those who find beautiful meanings in beautiful things are the cultivated. For these there is hope.

They are the elect to whom beautiful things mean only beauty.

There is no such thing as a moral or an immoral book.

Books are well written, or badly written. That is all.

The nineteenth century dislike of realism is the rage of Caliban seeing his own face in a glass.

The nineteenth century dislike of romanticism is the rage of Caliban not seeing his own face in a glass.

The moral life of man forms part of the subject-matter of the artist, but the morality of art consists in the perfect use of an imperfect medium. No artist desires to prove anything. Even things that are true can be proved.

No artist has ethical sympathies. An ethical sympathy in an artist is an unpardonable mannerism of style.

No artist is ever morbid. The artist can express everything.

Thought and language are to the artist instruments of an art.

Vice and virtue are to the artist materials for an art.

From the point of view of form, the type of all the arts is the art of the musician. From the point of view of feeling, the actor鈥檚 craft is the type.

All art is at once surface and symbol.

Those who go beneath the surface do so at their peril.

Those who read the symbol do so at their peril.

It is the spectator, and not life, that art really mirrors.

Diversity of opinion about a work of art shows that the work is new, complex, and vital.

When critics disagree, the artist is in accord with himself.

We can forgive a man for making a useful thing as long as he does not admire it. The only excuse for making a useless thing is that one admires it intensely.

All art is quite useless.鈥� (17)

The Decay of Lying. An Observation. A Dialogue, publi茅 en 1891.

鈥淭he ancient historians gave us delightful fiction in the form of facts; the modern novelist presents us with dull facts under the guise of fiction. [...] He has his tedious document humain, his miserable little coin de la cr茅ation into which he peers with his microscope.鈥� (1073)

鈥淚n France, though nothing so deliberately tedious as Robert Elsmere has been produced, things are not much better. M. Guy de Maupassant, with his keen mordant irony and his hard vivid style, strips life of the few poor rags that still cover her, and shows us foul sore and festering wound. He writes lurid little tragedies in which everybody is ridiculous; bitter comedies at which one cannot laugh for very tears. M. Zola, true to the lofty principle that he lays down in one of his pronunciamientos on literature, L鈥檋omme de g茅nie n鈥檃 jamais d鈥檈sprit, is determined to show that, if he has not got genius, he can at least be dull. And how well he succeeds! He is not without power. Indeed at times, as in Germinal, there is something almost epic in his work. But his work is entirely wrong from beginning to end, and wrong not on the ground of morals, but on the ground of art. From any ethical standpoint it is just what it should be. The author is perfectly truthful, and describes things exactly as they happen. What more can any moralist desire? We have no sympathy at all with the moral indignation of our time against M. Zola. It is simply the indignation of Tartuffe on being exposed. But from the standpoint of art, what can be said in favour of the author of 尝鈥橝蝉蝉辞尘尘辞颈谤, Nana, and Pot-Bouille? Nothing. Mr. Ruskin once described the characters in George Eliot鈥檚 novels as being like the sweepings of a Pentonville omnibus, but M. Zola鈥檚 characters are much worse. They have their dreary vices, and their drearier virtues. The record of their lives is absolutely without interest. Who cares what happens to them? In literature we require distinction, charm, beauty, and imaginative power.鈥� (1075)

鈥淎rt finds her own perfection within, and not outside of, herself. She is not to be judged by any external standard of resemblance. She is a veil, rather than a mirror. She has flowers that no forests know of, birds that no woodland possesses. She makes and unmakes many worlds, and can draw the moon from heaven with a scarlet thread.鈥� (1082)

鈥淎s a method Realism is a complete failure, and the two things that every artist should avoid are modernity of form and modernity of subject-matter. To us, who live in the nineteenth century, any century is a suitable subject for art except our own. The only beautiful things are the things that do not concern us. It is, to have the pleasure of quoting myself, exactly because Hecuba is nothing to us that her sorrows are so suitable a motive for a tragedy. Besides, it is only the modern that ever becomes old-fashioned. M. Zola sits down to give us a picture of the Second Empire. Who cares for the Second Empire now? It is out of date. Life goes faster than Realism, but Romanticism is always in front of Life.鈥� (1091)

"Critis As Artist. A Dialogue", publi茅 en 1891.

鈥淵ou see, then, how it is that the aesthetic critic rejects these obvious modes of art that have but one message to deliver, and having delivered it become dumb and sterile, and seeks rather for such modes as suggest reverie and mood, and by their imaginative beauty make all interpretation true, and no interpretation final.鈥� (1129)

鈥淭he first condition of criticism is that the critic should be able to recognise that the sphere of Art and the sphere of Ethics are absolutely distinct and separate. [...] They are too often confused in England now, and though our modern Puritans cannot destroy a beautiful thing, yet, by means of their extraordinary prurience, they can almost taint beauty for a moment.鈥� (1145)

The Soul of Man Under Socialism, publi茅 en 1891.

鈥淎 supreme artist, like Flaubert, has been able to isolate himself, to keep himself out of the reach of the clamorous claims of others [...] to realise the perfection of what was in him, to his incomparable gain, and to the incomparable and lasting gain of the whole world.鈥� (1174)

Lettre 脿 E. W. Godwin, f茅vrier ou mars 1885] 鈥淚 enclose a cheque and thank you very much for the beautiful designs of the furniture. Each chair is a sonnet in ivory, and the table is a masterpiece in pearl.鈥� (252)

[Lettre 脿 J. S. Little, 15 janvier 1888] 鈥淵our descriptions [celles de son roman Whose Wife Shall She Be?] are excellent, whether of scenery or of women, and I wish that I could write a novel, but I can鈥檛!鈥� (339)

[Lettre 脿 W. E. Henley, d茅cembre 1888] "Your distinction is admirable. Flaubert did not write French prose, but the prose of a great artist who happened to be French. As for your critics, when a book has so much life and so much beauty as yours has, it must inevitably appeal differently to different temperaments.

Beauty of form produces not one effect alone, but many effects. Surely you do not think that criticism is like the answer to a sum? The richer the work of art the more diverse are the true interpretations. There is not one answer only, but many answers. I pity that book on which critics are agreed. It must be a very obvious and shallow production. Congratulate yourself on the diversity of contemporary tongues. The worst of posterity is that it has but one voice.鈥� (372鈥�373)

[Lettre 脿 W. E. Henley, d茅cembre 1888] 鈥淨uite right, my dear 'Marsyas et Apollo' ; to learn how to write English prose I have studied the prose of France. [...] Yes! Flaubert is my master, and when I get on with my translation of the Tentation I shall be Flaubert II, Roi par gr芒ce de Dieu, and I hope something else beyond.鈥� (372)

[Lettre 脿 Justin Huntly McCarthy, milieu du mois de mai 1889] 鈥淵our book is charming, and your prose worthy of the sinless master whom mortals call Flaubert.鈥� (399)

[Lettre 脿 Beatrice Allhusen, d茅but de l鈥檃nn茅e 1890] 鈥淚 have just finished my first long story [The Picture of Dorian Gray], and am tired out. I am afraid it is rather like my own life鈥攁ll conversation and no action. I can鈥檛 describe action: my people sit in chairs and chatter.鈥� (425)

[Lettre 脿 l鈥櫭ヾiteur du St James鈥檚 Gazette, 27 juin 1890] 鈥淩omantic art deals with the exception and with the individual. Good people, belonging as they do to the normal, and so, commonplace, type, are artistically uninteresting. Bad people, are, from the point of view of art, fascinating studies. They represent colour, variety and strangeness. Good people exasperate one鈥檚 reason; bad people stir one鈥檚 imagination.

The writer of the article then suggests that I, in common with that great and noble artist Count Tolstoi, take pleasure in a subject because it is dangerous. About such a suggestion there is this to be said. Romantic art deals with the exception and with the individual. Good people, belonging as they do to the normal, and so, commonplace, type, are artistically uninteresting. Bad people, are, from the point of view of art, fascinating studies. They represent colour, variety and strangeness. Good people exasperate one鈥檚 reason ; bad people stir one鈥檚 imagination. Your critic, if I must give him so honourable a title, states that the people in my story have no counterpart in life; that they are, to use his vigorous if somewhat vulgar phrase, 鈥榤ere catchpenny revelations of the non-existent鈥�. Quite so. If they existed they would not be worth writing about. The function of the artist is to invent, not to chronicle. There are no such people. If there were I would not write about them. Life by its realism is always spoiling the subject-matter of art. The supreme pleasure in literature is to realise the non-existent.

But, alas! They will find that it [The Picture of Dorian Gray] is a story with a moral. And the moral is this: All excess, as well as all renunciation, brings its own punishment. The painter, Basil Hallward, worshipping physical beauty far too much, as most painters do, dies by the hand of one in whose soul he has created a monstrous and absurd vanity. Dorian Gray, having led a life of mere sensation and pleasure, tries to kill conscience, and at that moment kills himself. Lord Henry Wotton seeks to be merely the spectator of life. He finds that those who reject the battle are more deeply wounded than those who take part in it. Yes ; there is a terrible moral in Dorian Gray鈥攁 moral which the prurient will not be able to find in it, but which will be revealed to all whose minds are healthy. Is this an artistic error? I fear it is. It is the only error in the book.鈥� (430鈥�431)

[Lettre 脿 l鈥櫭ヾiteur du Scots Observer, 9 juillet 1890] 鈥淰irtue and wickedness are to him [the artist] simply what the colours on his palette are to the painter. They are no more, and they are no less.鈥� (439)

[Lettre 脿 l鈥櫭ヾiteur du Scots Observer, 23 juillet 1890] 鈥淔or if a work of art is rich, and vital, and complete, those who have artistic instincts will see its beauty, and those to whom ethics appeal more strongly than aesthetics will see its moral lesson. It will fill the cowardly with terror, and the unclean will see in it their own shame. It will be to each man what he is himself. It is the spectator, and not life, that art really mirrors.

And so, in the case of Dorian Gray, the purely literary critic, as in the Speaker and elsewhere, regards it as a 'serious and fascinating work of art' : the critic who deals with art in its relation to conduct, as the Christian Leader and the Christian World, regards it as an ethical parable. Light, which I am told is the organ of the English mystics, regards it as 'a work of high spiritual import'. [...] But I do not think that it is fair to expect a critic to be able to see a work of art from every point of view. Even Gautier had his limitations just as much as Diderot had, and in modern England Goethes are rare.鈥� (441)

[Lettre 脿 F. Holland Day o霉 Wilde lui soumet un de ses sonnets, 11 ao没t 1890] 鈥�'Midnight' is wrong : is it not? Christ was taken down at sunset I believe. But I don鈥檛 think I can change it : I like 'ran with torches through the midnight' : besides I don鈥檛 suppose they gambled when on guard. How sordid these realistic considerations are! It comes from having recklessly written a novel. I am ashamed of them.鈥�

[Lettre 脿 Mallarm茅, 25 f茅vrier 1891] 鈥淓n Angleterre nous avons de la prose et de la po茅sie, mais la prose fran莽aise et la po茅sie dans les mains d鈥檜n ma卯tre tel que vous deviennent une et la m锚me chose.鈥� (471)

[Lettre 脿 Arthur Conan Doyle, avril 1891] 鈥淚 cannot understand how they can treat Dorian Gray as immoral. My difficulty was to keep the inherent moral subordinate to the artistic and dramatic effect, and it still seems to me that the moral is too obvious.鈥� (478)

[Lettre 脿 R. Clegg, avril 1891] 鈥淢y dear Sir, Art is useless because its aim is simply to create a mood. It is not meant to instruct, or to influence action in any way. It is superbly sterile, and the note of its pleasure is sterility. It the contemplation of a work of art is followed by activity of any kind, the work is either of a very second-rate order, or the spectator has failed to realise the complete artistic impression.

A work of art is useless as a flower is useless. A flower blossoms for its own joy. We gain a moment of joy by looking at it. That is all that is to be said about our relations to flowers. Of course man may sell the flower, and so make it useful to him, but this has nothing to do with the flower. It is not part of its essence. It is accidental. It is a misuse.鈥� (478鈥�479)

[Lettre 脿 l鈥櫭ヾiteur du Pall Mall Gazette, d茅but du mois de d茅cembre 1891] 鈥淣o artist recognises any standard of beauty but that which is suggested by his own temperament. The artist seeks to realise in a certain materiel an immaterial idea of beauty, and thus to transform an idea into an ideal. That is the way an artist makes things. That is why an artist makes things. The artist has no other object in making things.鈥� (503)

[Lettre 脿 Edmond de Goncourt, 17 d茅cembre 1891] 芦 Quoique la base intellectuelle de mon esth茅tique soit la Philosophie de l鈥橧rr茅alit茅, ou peut-锚tre 脿 cause de cela, je vous prie de me permettre une petite rectification 脿 vos notes sur la conversation o霉 je vous ai parl茅 de notre cher et noble po猫te anglais M. Algernon Swinburne et que vous avez ins茅r茅s dans ces M茅moires qui ont, non seulement pour vos amis, mais pour le public tout entier, une valeur psychologique si haute.

Le public anglais, comme d鈥檕rdinaire hypocrite, prude et philistin, n鈥檃 pas su trouver l鈥檃rt dans l鈥櫯搖vre d鈥檃rt [de Swinburne] : il y a cherch茅 l鈥檋omme. Comme il confond toujours l鈥檋omme avec ses cr茅ations, il pense que pour cr茅er Hamlet il faut 锚tre un peu m茅lancolique, pour imaginer Lear absolument fou. 禄 (505)

[Lettre 脿 Ralph Payne, 12 f茅vrier 1894] 鈥淚 am so glad you like that strange coloured book of mine : it contains much of me in it. Basil Hallward is what I think I am: Lord Henry what the world thinks me: Dorian what I would like to be鈥攊n other ages, perhaps.鈥� (585)

[Lettre 脿 Adela Schuster, novembre 1894] 鈥淚 wish I could write them down, these little coloured parables or poems that live for a moment in some cell of my brain, and then leave it to go wandering elsewhere. I hate writing: the mere act of writing a thing down is troublesome to me. I want some fine medium, and look for it in vain.鈥� (621)

[Lettre 脿 More Adey, 16 d茅cembre 1896] 鈥淏usiness matters, such as the present, of course upset me, and make me weak in mind and body, with the hysteria of shattered nerves, sleeplessness, and the anguish in which I walk ; but Art is different. There one makes one鈥檚 own world. It is with shadows that one weeps and laughs. A mirror will give back to one one鈥檚 own sorrow. But Art is not a mirror, but a crystal. It creates its own shapes and forms.鈥� (672)

[Lettre 脿 Max Beerbohm, 28 mai 1897] 鈥淭he implied and accepted recognition of Dorian Gray in the story [The Happy Hipocrite de Max Beerbohm] cheers me. I had always been disappointed that my story had suggested no other work of art in others. For whenever a beautiful flower grows in a meadow or lawn, some other flower, so like it that it is differently beautiful, is sure to grow beside it, all flowers and all works of art having a curious sympathy for each other.鈥� (856)